« Charlie Hebdo » persiste et signe dans sa détestation de l’Islam

La dernière « Une » de « Charlie Hebdo » sur l’Algérie, particulièrement haineuse à l’égard des malheureux Imams venus d’Algérie faute de la moindre université susceptible de former le clergé islamique en France, choque tous ceux qui rêvent d’une réconciliation entre le Nord et le Sud de la Méditerranée. Entre les graves atteintes à la liberté d’expression des militaires algériens qui ont emprisonné l’écrivain Boualem Sansal en raison de ses seuls écrits et la responsabilité du dessinateur de presse qui doit apprendre à provoquer le rire sans blesser inutilement son public, la caricature, vieille tradition de la presse française depuis le XIX siècle, doit trouver un nouveau souffle. À condition de redonner aux jeunes et noueaux dessinateurs les moyens financiers d’exercer un métier en crise qui qui doit rester un des biens les plus précieux de la liberté d’expression

Une chronique de Mondafrique

  « Algériens ! Reprenez vos imams, rendez-nous vos écrivains ! »

Nicolas Beau, directeur de Mondarfrique

 

La dernière provocation signée à la Une de « Charlie Hebdo » ne devrait laisser personne indifférent, alors que ce dessin indigne est montré dans des grandes émissions de la télévision publique et à l’heure de grande écoute qui sont censées célébrer le deuil des assassinats commis en 2015 contre nos confrères de Charle Hebdo. Affichant une ligne éditoriale sans concession, le journal satirique publie une caricature qui prétend arbitrer sur des questions complexes et sensibles sur les relations franco-algériennes, l’immigration, l’Islam et le positionnement de deux écrivains franco-algériens qui ont choisi de dénaturer la réalité de l’Algérie, tout en faisant l’appologie de leur pays d’accueil, la France. Derrière un trait provocateur, le propre du dessin de presse, Charlie Hebdo choisit une ligne éditoriale bien éloignée des positions de ses fondateurs, des anarchistes frondeurs et bienveillants.

Imams contre écrivains

D’un côté, les imams, présentés comme un fardeau dont il faudrait se débarrasser. De l’autre, les écrivains, dépeints comme un trésor national qu’il faudrait récupérer, en fait Kamel Daoud et Bouallem Sansal. En quelques coups de crayon, Charlie Hebdo dresse un portrait au vitriol des relations tumultueuses entre la France et son ancienne colonie. Ce raccourci saisissant, marque de fabrique du journal, soulève pourtant des questions de fond. Faut-il y voir une critique salutaire de l’emprise de la religion? un rejet bienvenu de l’obscurantisme ? Ou doit-on y déceler une forme insidieuse de condescendance néocoloniale, une caricature de l’Algérie indépendante ?

Est ce que le gouvernement israélien tenu par les extrémistes de droite et au mieux avec Donald Trump a le droit au même traitement dans un Charlie Hebdo considéré désormais comme l’étendard de la liberté d’expression en France? Ce n’est clairement pas le cas 

Charlie Hebdo a fait de la liberté d’expression totale son cheval de bataille. Un combat mené sans relâche, qu’ils ont payé par l’assassinat des plus talentueux des dessinateurs français qui a laissé cette rédaction terrassée et orpheline. Mais les défenseurs cette liberté fondamentale, pilier de notre démocratie, doivent prendre en compte, au delà des lignes jaunes imposées par la justice, l’incapacité de nombreux français, souvent les moins favorisée, à supporter des agressions gratuites et violentes de leurs croyances et de leurs valeurs. 

À trop jouer la provocation, on risque de manquer sa cible. Quand le scandale devient une fin en soi, la satire perd sa force subversive.

La caricature tire sa sève de sa capacité à transgresser les codes, à bousculer les puissants, à dynamiter les certitudes. Des pamphlets révolutionnaires aux dessins contemporains, elle a toujours été un art du contrepied et de la remise en question. Mais à l’heure de la mondialisation, où les sensibilités s’exacerbent et les tensions s’aiguisent, la transgression peut parfois s’apparenter à une forme de brutalité symbolique.

Les réactions enflammées suscitées par la caricature de Charlie Hebdo, intitulée « Algériens ! Reprenez vos imams, rendez-nous vos écrivains ! », sont l’illustration de ces dérives. Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes algériens crient à l’atteinte à l’Islam, en dénonçant l’acharnement occidental contre leur religion. D’autres au contraire fustigent leurs dirigeants, qualifiés de pantins de l’Occident, incapables de défendre la dignité de leur peuple. Au final, la fracture se creuse, les positions se radicalisent, loin d’être résorbées par l’acide de la satire.

Le respect, valeur essentielle

Le débat interroge la responsabilité du dessinateur dans un monde polarisé à l’extrême, où chaque mot, chaque image, peut se transformer en arme dans la guerre des idées. Le rire, s’il reste un outil redoutable pour déboulonner les dogmes et les fanatismes, peut aussi se muer en instrument de division s’il est mal manié.

Un sondage récent révèle que près d’un jeune sur trois considère aujourd’hui qu’il est crucial de respecter les sensibilités, quitte à restreindre la liberté d’expression. Ce n’est pas tant un reniement de la satire qu’une aspiration à plus de subtilité dans son exercice. Car l’histoire nous l’enseigne : les plus grands caricaturistes ont toujours su allier l’ironie la plus fine comme l’attaque la plus frontale. Leur force tenait moins à la virulence de leur trait qu’à leur capacité à révéler les censures et les taboux des sociétés où ils vivaient. Lorsque Charle Hebdo publie un dessins sur le coit entre le Pape et le Prophète, quel est le message politique? Où est le rire, qui a laissé la place au ricanement, voire à l’insulte? Ces caricatures même pas drôles, à l’image des dessins calamiteux de Dieudonné sur la question palestinienne, sont un poison dans des sociétés soumises à la dictature des réseaux sociaux

En cherchant sur les clichés les plus rétrogrades sur le smusulmans et sur leur religion, alors que l’extrême droite israélienne n’ jamais eu droit à la moindre caricature, Charlie Hebdo ne peut plus être l’étendard dela liberté d’expression. Cette haine durcit les antagonismes plus qu’elle ne les déconstruit, renforce les clichés plus qu’elle ne les démonte. Cet hebdo qui avant l’horreur terroriste déclinait lentement et surement a larement trahi la tradition des Cabu et autres Wolinski qui incarnaient une satire humaniste.

La liberté d’expression demeure la clé de voûte de notre démocratie et l’humour, un de ses rouages essentiels. Mais à l’heure des réseaux sociaux et de l’information en continu, qui empêchent de se moquer entre soi des travers de nos sociétés, cette liberté doit plus que jamais s’accompagner d’une réflexion exigeante sur les secousses qu’elle provoque au sein de sociétés fracturées, et pas seulement par les religions..