L’année 2024 est une année électorale dans le monde entier. Au programme, plus d’une trentaine de scrutins présidentiels et une vingtaine d’élections parlementaires. Plus de la moitié de la population mondiale devrait se sentir directement concernée, ce qui n’est pas hélas le cas. L’encadrement de ces scrutins par les autorités dans de nombreux pays explique des taux d’abstention très importants, comme ce sera probablement le cas en Algérie où une Présidentielle a lieu ce samedi 7 septembre.
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En Afrique, l’élection présidentielle Sénégalaise a créé la surprise. Celle du Ghana en décembre prochain risque de produire le même effet. En revanche, les élections présidentielles qui ont lieu au Rwanda et en Tunisie cet automne, en Mauritanie au printemps dernier ou en Algérie ce samedi sont des rituels où les présidents sortants se représentent avec l’assurance d’être réélus. Autant de simulacres démocratiques? Sans doute si on en juge par les critères occidentaux d’un régime représentative qui garantit la liberté d’expression et le libre arbitre des partis politiques. Mais pour autant de nombreux pays dont l’Algérie, qui autorise le multipartisme depuis …1989, ne sont plus des dictatures, façon Corée du Nord, sans être devenus, il est vrai, des régimes démocratiques.
On a baptisé cette zone grise de « démocrature », un régime politique qui, tout en respectant les règles formelles de la démocratie, notamment en matière d’élections, restreint les libertés publiques. Ces scrutins ne sont pas sans effet pourtant sur le fonctionnement de régimes contraints de faire publiquement le bilan de leur action et de se projeter vers l’avenir. Premier effet, les pouvoirs en place doivent imaginer les nouvelles configurations qui s’opéreront à l’intérieur des systèmes politiques et négocier les places comme cela se pratique en France ou au Royaume Uni. Deuxième contrainte, les opposants sont forcés de compter leurs forces et de mesurer leur capacité de résistance, qui reste, il est vrai, entravée par des détentions arbitraires. Troisième conséquence de ces scrutins, la communauté internationale est amenée à cette occasion à porter un jugement sur le fonctionnement des institutions des pays en question qui doivent, sans violences ni outrances, organiser dans le calme ce moment électoral.
L’art difficile du compromis
La présidentielle algérienne de ce samedi n’occupe pas une grande place à l’échelle internationale. Une campagne électorale orientée, les menaces contre la diaspora et la présence de deux autres candidats qui font de la figuration face au président Tebboune ne plaident guère en faveur d’une compétition réelle qui seule provoquerait une couverture médiatique. Le système politique en Algérie a été forgé, dès l’Indépendance en 1962, sous la férule d’une « Armée des frontières » toute puissante. L’institution militaire cautionne les candidats qui vont incarner la façade civile du régime; les leviers d’intervention de la classe politique resteront sous haute surveillance, à l’exception notable du Président Bouteflika qui fit jeu égal avec les militaires.
La presse internationale a beau jeu de souligner que cette élection a lieu dans un climat particulièrement instable. Le président Tebboune a oeuvré depuis cinq ans pour stabiliser le régime, après la mort inexpliquée du son protecteur, l’ex chef d’Etat major Gaïd Salah en décembre 2019. Non sans habileté, le Président algérien a négocié des compromis successifs avec l’institution militaire. Mais les purges permanentes au sein de l’armée et des services de sécurité fragilisent le régime au moment où il est menacé d’isolement sur le plan international, lâché par Paris et fâché avec la Russie.
« L’armée, avait proclamé le Président Boumedienne, est la colonne vertébrale du pays ». Les plus anciens à Mondafrique se souviennent d’une discussion entre un groupe d’algérien et des journalistes européens à Rome, aux marges de la réunion de San Egidio en 1995, où Abdelhamid Mehri, alors secrétaire général du FLN, décrit le pouvoir effectif : « Depuis Janvier 1992, l’armée n’acceptera aucune élection qui échapperait à son contrôle ». La prophétie autoréalisatrice de l’ancien ministre du GPRA est plus qu’une vision objective. L’emprise du haut commandement de l’armée sur le politique est une constante, qui, à force de se répéter, est devenue un postulat accepté de tous.
« Un système militaro politique »
Le système « militaro-politique » qu’Emmanuel Macron a dénoncé lors d’un déjeuner de presse à l’Élysée, furieux de voir l’Algérie mener sa propre politique au Mali, est une réalité. Encore faut-il décrypter les racines de ce régime qui plongent dans la guerre d’indépendance et le fonctionnement plus sophistiqué qu’ll n’y parait.
Le « Haut conseil de sécurité » (HCS), regroupant le haut commandement et les chefs des services de sécurité et le Président Tebboune, est le coeur du pouvoir. Ce HCS a été convoqué plus souvent durant le mandat de Tebboune que depuis l’indépendance du pays. C’est lors de ces conclaves que des décisions stratégiques ont été prises, comme la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc, suivie de la fermeture de l’usage de l’espace aérien civile aux avions marocains. C’est également, lors d’une réunion du même structure, que la crise diplomatique avec l’Espagne a été déclenchée.
Le second mandat du Président Tebboune n’a été acté par le haut commandement qu’à condition que ce dernier puisse exercer plus encore le droit d’intervenir sur l’ensemble de l’administration Ce qui lui est accordé. D’après un texte récent, les militaires encore actifs peuvent désormais être détachés pour exercer des fonctions civiles au sein des grandes entreprises nationales ou des collectivités territoriales.
La cohabitation qui s’annonce entre la Présidence et l’armée reste le gage d’une certaine stabilité (voir le papier ci dessous). Sous réserve que le peuple algérien, le grand oublié depuis les mobilisations du Hirak, reste passif face à un partage du pouvoir figé entre la Présidence, l’armée et les services secrets.
Présidentielle algérienne, une entente provisoire entre Chengriha et Tebboune