Le lundi 26 juij, la grande salle de la Maison de l’Amérique Latine était déjà bien pleine. Le public était au rendez-vous du colloque « Les investissements du Qatar en France, une équation à plusieurs inconnues ».
Le sujet d’autant plus névralgique qu’il tombe en pleine crise diplomatique entre les pays du Golfe. Début juin, l’Arabie Saoudite, l’Egypte, les Emirats arabes Unis, le Bahreïn et le Yémen ont décidé de rompre leurs relations diplomatiques avec le Qatar, qu’ils accusent de soutenir le terrorisme islamiste, y compris Al-Qaïda, l’Etat islamique et l’organisation des Frères musulmans.
L’initiative du Centre international de géopolitique et de prospective analytique (CIGPA) n’est pas surprenante. Son fondateur, Mezri Haddad, est connu pour son aversion à l’égard du régime « islamo-mafieux » du Qatar qu’il combat depuis des années, bien avant le « printemps arabe », précisément en raison du soutien de son soutien aux différents mouvements islamistes, des Frères musulmans à Al-Qaïda, en passant par les Talibans en Afghanistan, les Shebabs en Somalie, le Mujao en Afrique de l’ouest…
Toujours combatif, Mezri Haddad a ouvert le colloque en donnant le ton : « ce colloque n’est pas conjoncturel et il n’épouse pas les derniers événements dans les pays du Golfe. Nous l’avons conçu depuis des mois parce que le Qatar, malgré ses réseaux multiples en France moyennant argent, et l’impunité dont il bénéficie politiquement, diplomatiquement et médiatiquement, a toujours été pour nous un sujet d’investigation et de dénonciation…Nous n’allons pas faire ici le procès de ce régime aux multiples facettes mais en étudier objectivement la stratégie complexe pour alerte l’opinion publique et les décideurs sur les conséquences funestes et périlleuses des agissements qataris dans le monde et notamment en France ».
« L’islamisme modéré »? Une pure invention
Premier conférencier à intervenir dans un panel dirigé par Yves Thréard, Antoine Sfeir, le directeur des Cahiers de l’Orient, qui aborde l’analyse de l’islam politique en tournant en dérision « le concept occidental d’islamisme modéré ». Selon ce spécialiste, l’Occident est encore incapable de saisir la complexité du phénomène « totalitaire, théocratique et universaliste » de l’islamisme « que Doha soutient idéologiquement, médiatiquement et financièrement ». Pour lui, le wahhabisme du Qatar n’est pas tout à fait celui de l’Arabie Saoudite puisqu’il est associé à la doctrine des Frères musulmans. Cette démarcation est l’une des causes du conflit entre la puissance régionales saoudienne et le petit émirat qui voulait jouer aux grands !
A la suite de l’intellectuel franco-algérien Naoufel Brahimi el-Mili, auteur de « Le printemps arabe : une manipulation », qui a traité du « Qatar : la chute du vaisseau amiral du printemps arabe », Yves Bonnet, l’ancien grand patron de la DST a fait un brillant exposé sur le rôle du Qatar dans la destruction de la Libye, un pays qu’il connait si bien, tout comme Roland Dumas, qui est intervenu à trois reprises pour étayer les propos d’Yves Bonnet et appeler Emmanuel Macron à renouer avec « le gaullisme et la politique arabe de la France ».
Affairisme, entrisme, islamisme….
« Affairisme, entrisme, islamisme, prosélytisme et terrorisme : la polyvalence du Qatar ! », est le thème de la seconde table ronde qui réuni, sous la direction d’Eric Denécé, Bérongère Bonte, journaliste à Europe1 et auteure de « La République Française du Qatar », Jacques-Maris Bourget, coauteur du « Vilain petit Qatar », qui a démontré les relations idéologiques, politiques et logistiques entre le Qatar et le terrorisme mondial en déclarant que Doha est devenu « un club Med du terrorisme », et Eric Champel, journaliste sportif, qui a mis l’accent sur la diplomatie du chéquier du Qatar et prédit que la coupe du monde de football de 2022 n’aura pas lieu à Doha.
Troisième et dernière table ronde : « Etat des lieux, finalités et avenir des investissements qataris en France ». Le principal intervenant a été l’ancien député socialiste Philippe Kemel, auteur du rapport parlementaire sur « Les investissements étrangers en France », qui a été publié en février 2015 et qui a levé un coin du voile islamique sur les investissements du Qatar en France. Selon Philippe Kemel, « les investissements de certains pays en France peuvent être nuisibles à long termes, d’autant plus qu’elles visent certaines catégories ».
Seconde à intervenir, Vanessa Ratignier, co-auteure avec Pierre Péan de « Une France sous influence – quand le Qatar fait de notre pays son terrain de jeu » a évoqué le système qatari qui a corrompu des politiciens, des députés, des journalistes et des intellectuels. Emmanuel Razavi, grand reporter et réalisateur de plusieurs documentaires télévisés sur le Qatar, a fait un excellant exposé sur la « psychologie schizophrénique » du régime qatari.
Les Frères Musulmans, des terroristes soft
Après un débat avec la salle, Mezri Haddad a fait la synthèse de ce colloque inédit en rappelant sa lutte longtemps solitaire contre ce qu’il a appelé « l’entité qatari » et en faisant un réquisitoire accablant contre le Qatar : « Nous le savons depuis bien longtemps, l’entité qatari est idéologiquement et structurellement liée aux Frères musulmans et à certaines organisations terroristes. Mais maintenant que les faits sont établis et que des preuves existent sur l’implication du Qatar dans le soutien et le financement des réseaux islamo-terroristes, on ne peut plus faire semblant de ne pas savoir ni se contenter de dénoncer. Il faut désormais instruire, traduire les dirigeants de cet émirat, principalement Hamad Bin Jassim al-Thani, Hamad Bin Khalifa al-Thani, Moza bint Nasser al-Missned, devant une juridiction pénale internationale et les faire condamner pour terrorisme et même pour crimes contre l’humanité en Syrie ».
Le lendemain, le jeune émir du Qatar a annulé sa visite en France !!!