Marie Madeleine Mborantsuo est sans doute la femme la plus puissante du Gabon. Magistrate de formation, docteur en Droit public de l’Université d’Aix, passée par la Sorbonne, cette dame qui fut autrefois également une reine de beauté (Elle fut Miss Franceville, Capitale du Haut Ogooué) et une maitresse attitrée d’Omar Bongo (avec qui elle a deux enfants) trône au poste de présidente de la cour constitutionnelle depuis sa création en 1991 il y a 26 ans.
Juge « ad libitum »
En tant que présidente de la Cour constitutionnelle du Gabon, c’est à sa juridiction – la plus haute du pays – qu’il revient notamment de proclamer les résultats définitifs des élections présidentielles au Gabon. Ce qu’elle a assuré avec ses pairs en 1993 en validant les « 51% » dont avait besoin Omar Bongo pour se maintenir au pouvoir. En 1998, la tâche fut moins ardue en dépit de quelques contestations. Mais ce n’est qu’en 2005 que celle qui trônait déjà depuis 14 ans à la tête de la cour Constitutionnelle est sévèrement remise en cause.
Selon l’article 89 de la constitution Gabonaise en vigueur en 2005, la présidente de la cour constitutionnelle est nommée par le Président de la République pour sept ans renouvelables une fois (en tout la cour compte neuf membres dont 3 sont nommés par le président de la République, 3 par le président du Sénat et 3 par le président de l’assemblée nationale qui sont tous du parti au pouvoir). Sauf qu’en Décembre 2005 et Janvier 2006, lors du contentieux électoral, la Cour constitutionnelle était dirigée Marie Madeleine Mborantsuo qui, en théorie, n’avait plus le droit d’occuper ce poste à l’issue de ses deux mandats précédents.
Cette ineptie avait d’ailleurs été décriée à l’époque par Pierre Mamboundou, président du parti d’opposition de l’Union du Peuple Gabonais (U.P.G.) qui avait récusé Marie Madeleine Mborantsuo en lui déniant le droit de juger et en demandant à la cour de sursoir à statuer. Sans résultat. La présidente de la Cour avait pris acte de ses propos et déclaré Omar Bongo vainqueur.
En 2009, suite à la mort d’Omar Bongo à Barcelone en Espagne, c’est encore la présidente de la Cour Constitutionnelle dont le mandat était fini depuis quatre ans qui va organiser l’intérim. Quelques semaines plus tard, elle valide l’élection d’Ali Bongo tout en balayant d’un revers de la main la demande formulée par les requérants de l’opposition de confronter les procès verbaux. Le nouveau président se fera un devoir de « régulariser » la situation de l’inamovible présidente en faisant sauter le verrou de la limitation des mandats. Désormais la présidente est nommée pour sept ans renouvelables ad libitum.
« Les affaires sont les affaires »
Si la loi interdit les magistrats gabonais de « faire des affaires », la pratique est tout autre. La présidente de la cour Constitutionnelle possède (entre autres) un Lycée ultramoderne dans la périphérie de Libreville dénommé Berthe et Jean où l’Etat gabonais scolarise des enfants.
La présidente de la Cour est aussi agent immobilier. Pendant la reconstruction du siège de la Cour Constitutionnelle, celle-dernière s’est installée provisoirement dans un immeuble appartenant à la présidente de la cour en personne situé dans le quartier très huppé de la sablière. Outre les travaux d’aménagement de son immeuble effectué par l’Etat Gabonais pour accueillir provisoirement la cour, celle-ci recevait un loyer de près de 300 millions de Fracs CFA par mois soit près de 500.000 euros !
L’enquête de TracFin, révèle en réalité ce que tout le Gabon politique sait : Marie Madeleine Mborontsuo, magistrate pilier du régime Bongo, possède un patrimoine dont l’étendue défie l’imagination et dont acquisition s’est faite au mépris des lois du Gabon qu’elle est censée pourtant protéger. Quant à ceux qui pensent qu’elle va démissionner, suite à cette « affaire visant à la salir et à salir l’honneur du Gabon » : il n’est pas interdit de rêver.