L’opposante gabonaise Laurence Ndong : le pouvoir à tout prix

Nommée au gouvernement en septembre 2023, Laurence Ndong est aujourd’hui l’une des figures centrales du nouveau régime dirigé par Brice Oligui Nguema. Portrait d’une femme ambitieuse.

C’est sous le nom de Laurence Mbango que naît le 19 octobre 1971 à Douala, au Cameroun, celle qui deviendra Laurence Ndong. Laurence Mbango nait  « de mère camerounaise mais sans père déclaré », comme le mentionne le journal gabonais en ligne Infos 241, qui a publié son acte de naissance.

Installée entre-temps au Gabon, Laurence Mbango change de nom à presque 4 ans lorsqu’elle est reconnue par son père. Elle devient alors  Laurence Mengue-Me-Nzoghe le 13 octobre 1975 suite à la décision du tribunal de Libreville. 

Après des études scientifiques à l’université des Sciences et Techniques de Masuku près de Franceville, Laurence Mengue-Me-Nzoghe – devenue entretemps Laurence Ndong suite à son mariage à 21 ans – devient en 1996 professeur d’enseignement secondaire de Sciences de la Vie et de la Terre après l’obtention de son diplôme à l’École Nationale Supérieure de Libreville.

Victoire Lasseni Duboze, la marraine 

Chrétienne fervente, la jeune Laurence Ndong est déjà proche des milieux politiques puisqu’elle côtoie une femme très puissante au Gabon dans le début des années 90, Victoire Lasseni Duboze, qu’elle reconnaît volontiers comme sa marraine. En 1999, alors qu’Omar Bongo dirige le Gabon, Laurence Ndong est nommée par sa protectrice alors Ministre de la Famille et de la Promotion de la Femme Directrice Générale Adjointe de la promotion de la femme, chargée de l’institutionnalisation de l’Approche genre et Développement.  Sa Ministre étant également Responsable National de l’Union des Femmes du Parti Démocratique Gabonais (UFPDG), Laurence Ndong travaille également comme assistante au niveau du Parti Démocratique Gabonais (le parti au pouvoir ). 

Lorsque sa protectrice quitte le gouvernement pour le parlement, Laurence Ndong devient son attachée parlementaire. 

En 2002, elle quitte le Gabon pour rejoindre son mari en France, ingénieur de formation et cadre dans une multinationale. Elle reprend alors ses études et devient en 2008 docteur de l’Université Paris René Descartes en Sciences de l’éducation. Sa thèse est intitulée « La place des concepts de la didactique des sciences dans la formation des professeurs de lycée et collège de Sciences de la Vie et de la Terre en France et au Gabon »

Laurence Ndong est également pasteure, elle anime une église en région parisienne.

Soutien fervent d’Ali Bongo

En France, Laurence Ndong continue à s’intéresser à la politique. En 2009, après la mort d’Omar Bongo et l’élection présidentielle qui s’ensuit, Laurence Ndong rejoint l’équipe de campagne de Bruno Ben Moubamba, alors opposant issu de la société civile.

Mais très vite, Laurence Ndong revient à ses premiers amours politiques et  devient un soutien fervent d’Ali Bongo, arrivé au pouvoir en septembre 2009 sur fond d’une sanglante répression électorale, notamment dans la ville de Port-Gentil. Une sanglante répression qui ne semble pas déranger outre mesure  Laurence Ndong.

Laurence Ndong n’hésite pas à clamer son soutien à Ali Bongo en public. Elle déclare lors d’une visite en France d’Ali Bongo qu’elle est venue accueillir vetue d’un teeshirt à la gloire d’Ali Bongo : «Cette manifestation, c’est pour réaffirmer notre attachement au président de la République et de dire à la face du monde, dire à la face de la France que les gabonais sont fiers de leur président, nous sommes contents de l’avoir, il a été élu sur un programme, sur un projet de société qu’il met en œuvre et nous pouvons voir aujourd’hui les avancées. Sur le plan économique, le Gabon a été bien classé, bien noté cette fois.  Le président Ali est à la place qu’il faut, il est l’homme qu’il faut pour diriger le Gabon, nous sommes venus encore une fois lui manifester notre attachement » (Sic).

Très active au Parti Démocratique Gabonais (PDG), le parti au pouvoir, elle en sera toutefois poussée vers la sortie…

Laurence Ndong lors d’une manifestation de soutien à Ali Bongo au Bourget près de Paris.

 

Soutien fervent de Jean Ping

Profitant de la promotion de son livre Gabon, pourquoi J’accuse (où elle est présentée par son préfacier ni plus ni moins comme l’Émile Zola du Gabon!),  en 2016, Laurence Ndong se présente comme la porte-parole de Jean Ping, sans avoir reçu de mandat de l’équipe de ce dernier qui toutefois laisse faire. Avec la même ferveur qu’elle le défendait jadis, Laurence Ndong  s’en prend alors à Ali Bongo, qu’elle traite de tous les noms d’oiseaux et bien sûr d’horrible dictateur sanguinaire. Ce qu’il a toujours été.

La très sanglante répression post-électorale de 2016 menée par l’armée, dont l’épisode le plus tragique est sans conteste l’assaut du quartier général de Jean Ping par la Garde Républicaine, soulève un émoi chez des milliers de Gabonais. Devenue l’une des figures médiatiques de la contestation, mais n’étant pas dépourvue d’ambition, Laurence Ndong s’indigne de la deuxième répression post-électorale d’Ali Bongo, alors que la première – nettement plus sanglante – ne l’avait absolument pas dérangé.

Soutien d’Albert Ondo Ossa puis de Brice Oligui Nguema

Membre de l’ONG « Tournons La page », un mouvement citoyen composé de plus de 200 organisations de la société civile qui milite pour l’alternance démocratique et la bonne gouvernance en Afrique, Laurence Ndong, invitée au Sommet de Sotchi par Vladimir Poutine, soutient lors de l’élection présidentielle de 2023 au Gabon Albert Ondo Ossa, avant de rejoindre quelques jours après Brice Oligui Nguema…

Nommée ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement en septembre 2023, Laurence Ndong défend avec la ferveur dont elle a fait sa marque de fabrique le nouveau régime. Brice Oligui Nguema candidat à la Présidence à l’issue de la période de transition ? «pourquoi cela gênerait si l’élection est libre et transparente». La durée de la transition  ? « Nous n’allons pas nous précipiter ». Le changement des conditions d’octroi des bourses scolaires que Brice Oligui Nguema avait pourtant annoncées « sans conditions » ? « Le CTRI  [nom de la junte militaire qui a pris le pouvoir ] n’était pas obligé de rétablir les bourses »

Des propos qui contredisent les positions qu’elle avait sur ces questions, mais qu’importe !

Laurence Ndong à Sotchi en Octobre 2019.

La Master class

Interrogée sur les révélations faites par Jeune Afrique sur l’extraction de Sylvia et Nourredine Bongo de la prison centrale de Libreville pour une villa, Laurence Ndong déclare avec l’aplomb qui la caractérise : « Faites attention, tout ce qui circule sur internet n’est pas souvent la vérité. J’ai vu souvent des personnes qui trichent, c’est de la fraude. Ils vont prendre toute la charte graphique de Jeune Afrique et ils vont publier comme si c’était Jeune Afrique, alors que ce n’est pas Jeune Afrique. Donc faites bien attention quand vous regardez, regardez bien les liens URL et vous allez déceler que parfois ça ressemble à ça et ce n’est pas ça du tout. » Un cas d’école en matière de communication, mieux une Master class. 

« Sous d’autres cieux, certains auraient rendu leurs tabliers »

Le 22 janvier 2024, le mari de Laurence Ndong est nommé en conseil des ministres Directeur général adjoint (DGA) de la Société du patrimoine et des infrastructures numériques (SPIN). L’affaire fait grand bruit notamment sur la toile, où l’on pousse des cris d’orfraie. Interrogé sur le sujet, Télésphore Obame Ngomo, membre et enfant de la Nomenklatura Gabonaise, homme de presse et patron de média influent par ailleurs Conseiller spécial très proche du nouveau maître du Gabon, répond sans détours : « Sous d’autres cieux, certains auraient rendu leurs tabliers avec dignité, parce qu’effectivement ça paraît un peu trop grossier. Il revient à madame la ministre de tirer toutes les conclusions de cette situation ».

Laurence Ndong – dont le site internet mentionne pourtant « Plus que jamais, pour relever notre pays, politique doit rimer avec éthique »  – n’a pas démissionné, d’ailleurs cela n’est pas envisageable au regard de son caractère et de son parcours. Laurence Ndong aime le pouvoir – qu’il porte un treillis ou non – et n’a en définitive qu’un seul camp : le sien.