L’affaire qui relie les frères Kouachi, Amedy Coulibaly et le “Ben Laden français”

Les auteurs de la tuerie de Charlie Hebdo et le preneur d’otages de la porte de Vincennes apparaissent dans un dossier judiciaire commun aux côtés de Djamel Beghal, grande figure de l’islam radical

Amedy-Coulibaly-et-Cherif-KouachiAprès les tueries et drames de Paris, l’équipe de Charlie Hebdo décimée et la prise d’otages mortelles du cours de Vincennes il est évident que les frères Kouachi, Saïd et Cherif connaissaient Amedy Coulibaly le tueur de l’épicerie cacher. Tous ont été impliqués dans un dossier judiciaire commun, un projet d’évasion en faveur de Aït Ali Belkacem, l’artificier de l’attentat d’Orsay en octobre 1995.

Il faut dire que la lecture de « l’acte d’accusation devant la Cour Antiterroriste, en octobre 2013, semblait totalement loufoque. On y parlait de cyanure fabriqué avec des pépins de pommes et autres éléments peu crédibles. La preuve : Kouachi avait été relaxé. Les feux étaient braqués sur Djamel Beghal, celui que les services français ont présenté comme « le Ben Laden  français ». Lui a finalement été condamné à dix ans de prison, plus sur sa mauvaise réputation auprès des juges que sur la réalité du dossier. A l’époque, notre chroniquer Jacques-Marie Bourget avait fait un compte rendu très réservé de cette punition judiciaire.

Aujourd’hui où, à coup sûr, la presse et les « experts » vont présenter Beghal, emprisonné à Rennes, comme le cerveau des drames de Paris, il est intéressant de ressortir cette archive publié par mondafrique en décembre 2013.

Le 7 décémbre 2013,

QUAND LE BEN LADEN FRANÇAIS PASSE EN CATIMINI DEVANT LA « JUSTICE » FRANÇAISE

Bien que laïc compulsif, Jacques Marie Bourget, journaliste à Mondafrique, est pris en flagrant délit de défense d’un partisan du djihad.

À ne pas y croire, on juge Ben Laden au Palais de justice de Paris et pas un journaliste pour imprimer la nouvelle à la une, pas de Raid-GN ou de GIG-Raid, rien de l’élite des tireurs masqués et perchés sur les toits… Mais que se passe-t-il ? Contrairement à la légende forgée par les ballots CIA, Ben Laden est vivant ! Mieux, la semaine dernière il est passé dans le box des accusés, juste sous le fléau de la balance qui orne le grand mur, et qui va bien finir par tomber. Vous ne rêvez pas. Sauf que, comme dans les contrats de téléphonie mobile, c’est tout en bas qu’il faut lire les petites lettres, ce Ben Laden est « le Ben Laden français ». Et non l’ascétique géant, l’ami contrarié de l’Amérique, supposé mort en mer. Celui-ci, notre Ben à nous, porte le nom de Djamel Beghal. C’est sur la seule foi de ragots échappés de cerveaux trop nourris de séries télé – ceux de quelques fonctionnaires français – que ce Djamel a dû endosser la défroque de Ben Laden ! En langage de flic, Djamel a été « habillé ». Pour les terroriseurs de terroristes, reste à démontrer la vérité de ce qu’ils affirment… Et là, comme aurait dit Stendhal, c’est le fiasco, ce sont des caddies vides que les chasseurs de « terros » continuent de ramener à la caisse du supermarché de la justice.

Né en 1965 en Algérie, Djamel Beghal, prend très vite le pli religieux, celui qui va faire de lui un savant de la chose islamique. Marié à une Française, en 1994, il est arrêté par la police à Corbeil-Essonnes. On lui reproche, déjà, ses idées trop barbues. Après trois mois de prison il est relâché sans incrimination. Ayant compris que l’habeas corpus anglais est plus sourcilleux en matière de droits, Beghal part vivre à Londres. Ville de pénombre qu’il quitte pour le froid soleil d’Afghanistan. Là, avec sa femme, il entend « ouvrir une école ».

Le 29 juillet 2001, en transit entre Islamabad et le Maroc, Beghal est arrêté par la police émiratie… en réalité des agents de la CIA. Leur sens de l’accueil étant connu, Beghal est courtoisement questionné tandis qu’un fonctionnaire lui retourne les doigts à l’aide d’un décapsuleur. Puis, le climat étant chaud, on place le religieux le corps dehors, mais la tête coincée dans un congélateur. Pour mesurer sa souplesse, on le plie en accordéon, pendant des heures, dans un cube de béton. Et cette pratique encourage le dialogue puisque Beghal « avoue » un projet d’attentat contre l’ambassade des États-Unis à Paris…

Trop barbu pour être honnète

Pourquoi Beghal est-il devenu une cible de la CIA ? Reconnaissons qu’à force de fréquenter le gratin des prêcheurs de jihad, Beghal a joué avec les nerfs des espions du monde occidental qui, pourtant, n’ont jamais pu le coincer dans le moindre crime. Pour faire court : dans l’esprit des agences de renseignement Beghal est trop barbu pour être honnête. À Paris, le juge Bruguière, qui est à la justice ce que la musique militaire est à la musique, reçoit à bras ouvert Beghal et son projet d’attentat. Las, même le juge que le monde libre nous envie ne peut mettre assez d’amidon pour faire tenir le dossier. Et il y a ces putains de droits de l’homme qui de guerre lasse, obligent la Cour d’appel de Paris à mettre au feu ce si beau dossier monté par la CIA. Impossible de tenir compte « d’aveux » obtenus sous la torture. Rassurons-nous, Beghal, le 15 mars 2005 est – quand même – condamné à 10 ans de prison pour « association de malfaiteurs terroristes », ce qui fait de cette décision la jurisprudence la moins orthodoxe du répertoire ! Alors même que ni l’association ni le projet terroriste ne sont démontrés. Une nouveauté en matière de droit puisque ni l’association ni le projet terroriste ne sont démontrés. Mieux, Alain Chouet, le numéro deux de la DGSE, qui n’est donc pas une sœur de Saint Vincent de Paul, va écrire : « cette histoire d’attentat contre l’ambassade des États-Unis est une pure manipulation… ». La justice, si on peut dans ce cas employer ce terme, s’en moque puisque notre Ben Laden est à l’abri jusqu’en 2009. À cette date, Beghal, déchu de sa nationalité française et de l’algérienne aussi, est placé en résidence surveillée dans le Cantal. Coût de l’opération, surveillance, hébergement, 3 000 euros par jour à minima.

Depuis ce charmant département notre Ben Laden téléphone, ou est appelé, par un certain Smaïn Belkacem. Lui, c’est un vrai djihadiste estampillé rouge sang. Belkacem, un Algérien, a été condamné à perpétuité pour avoir trempé de très près dans l’attentat perpétré contre le RER au Musée d’Orsay en 1995. Depuis qu’il est en cellule, dès qu’il ouvre l’œil, Blekacem n’a qu’une idée : s’évader. Au téléphone, le « frère » Smaïn parle, à mots couverts, de son projet à Beghal. Qui semble n’en avoir rien à faire. Lui, Beghal, son problème, est de quitter le Cantal…

Mais les grandes oreilles qui écoutent tout ce trafic téléphonique se dressent. Voilà que le banni en terre fromagère est arrêté et retourne en prison. Motif, « aide à l’évasion » de son interlocuteur Belkacem… Le plus lourd reste à venir. Dans la cellule de Belkacem on trouve, dans une enveloppe, quelques feuillets rédigés en arabe, mais qui ne sont pas écrits de la main du locataire de la cellule. Ce texte est la copie de quatre recettes mortifères. La première prescrit, à partir de pépins de pommes, de fabriquer du cyanure. La seconde de la ricine à partir de graines de ricin. La troisième de la botuline en mélangeant, dans une boîte de conserve, de la salade avec de l’eau et de la bouse. La dernière pour la fin : le « poison du tabac » où on fait bouillir des cigares (sûrement une recette cubaine…). Pour les policiers et juges, non seulement Beghal a voulu faire évader un prisonnier mais, pis, perpétrer avec lui le premier attentat de l’histoire réalisé aux pépins de pommes. Et c’est pour cela que Beghal a été une nouvelle fois jugé la semaine passée.

Des preuves insuffisantes

La question qui se pose, est de savoir comment des magistrats s’y sont pris pour édifier un mikado judiciaire capable de maintenir leur client Ben Laden en prison ? Et à long terme puisque le procureur a réclamé contre lui 14 années de prison contre Beghal ? Parmi les bienfaiteurs du « savant religieux », on trouve d’abord le juge Jean-François Ricard. Un magistrat posté à la défense de la France, et modèle jusqu’au jour où Julian Assange a publié les télégrammes de WikiLeaks. Puisque la lecture de l’un d’eux est bien cruelle pour ce magistrat qui se croyait d’exception. Un diplomate américain en poste à Paris envoie à Washington le compte rendu de la visite que vient de lui rendre le fonctionnaire Ricard. Le juge note « qu’en matière de terrorisme », un droit nouveau semble prévaloir en France « le bénéfice du doute ». Non pas celui qui bénéfice à l’accusé, mais en faveur du juge. Si son dossier d’accusation est fragile, pas de souci, en matière de « terrorisme » on condamne quand même. Le compte rendu américain est clair : « Le juge Ricard nous a dit que les preuves contre Beghal et ses complices n’étaient pas suffisantes, normalement, pour les condamner, mais il estime que ses services ont réussi à le faire grâce à leur bonne réputation »… Nous sommes bien en France, et non en Birmanie, en ce doux printemps de 2009.

Pour les vétilleux, précisons que, dans « l’affaire » Beghal, les États-Unis sont partie civile ; et que le juge d’instruction Ricard n’est pas autorisé à rendre la visite qu’il a faite… Malédiction, le super juge n’avait pas prévu le piège de WikiLeaks. Et la honte qui va suivre. Résumons. Pour Chouet, le chef agent secret, l’affaire Beghal est bidon, pour le juge Ricard le dossier « insuffisant »… Ce qui ne change rien à la condamnation du prêcheur. Mais le film, puisque la mode est aux séries, n’est pas fini. Aux Américains, Ricard annonce qu’un homme du même métal que le sien va lui succéder, le juge Thierry Fragnoli, un amoureux de la police dont il est dans les petits papiers. Et le magistrat Fragnoli ne va pas décevoir son modèle. Son ordonnance qui renvoie Beghal devant le tribunal correctionnel, celui qui s’est mobilisé la semaine passée, montre l’attention qu’il a pour son prévenu. Ainsi le document qui, en termes de droit, se doit d’être le résultat d’un travail à charge et à décharge, contient toujours des pièces qui ont pourtant été annulées au cours de l’instruction. Le juge Fragnoli continue d’évoquer les « aveux » faits par Beghal sous la torture à Dubai alors que la loi le lui interdit. L’ordonnance en question, on se demande bien pourquoi, contient deux fois intégralement le texte d’une même lettre ! Une missive étrange. Ce texte a été adressé à un lecteur qui ne pratique rien d’autre que l’arabe ; néanmoins les quatre lettres d’Aqmi, rédigées d’une encre différente, apparaissent dans la missive… Un faussaire bien pressé puisque, non seulement Aqmi est écrit en caractères latins, et non arabes, mais l’organisation terroriste Aqmi n’existe pas encore à la date où la lettre est rédigée…

Rigoureux, mais parfois tête en l’air, toujours dans ce dossier, le juge Fragoli, a estimé bon de choisir un interprète, qui certes lui convenait, mais qui ne figurait pas sur la liste des professionnels assermentés. Coup de chance, exigée par Bérenger Tourné l’inextinguible avocat de Djamel Beghal, une seconde traduction viendra gommer, un peu, une version favorable à l’accusation. Puisque Michel Audiard est en voie de canonisation, je lui emprunte une phrase de magasin d’aphorismes : « Un barbu c’est un barbu, trois barbus ce sont des barbouzes… ». Version judiciaire : « Un barbu c’est un barbu, trois barbus c’est une association de malfaiteurs »…

Moralité, bien que laïc compulsif, me voilà pris en flagrant délit de défense d’un partisan du djihad. Mon excuse, entre une injustice et un barbu, sans pour autant crier Allah Akbar, je choisis le barbu.