Un opposant kabyle recherché par l’Algérie pour « terrorisme » arrêté à Paris

Dans un communiqué publié par l’AFP, le Mouvement d’autonomie de la Kabylie (MAK), classé comme organisation terroriste par Alger, a annoncé l’arrestation d’Aksel Bellabbaci qui fait suite à « une convocation de la police parisienne (…) en raison d’un mandat d’arrêt international émis à son encontre par l’Algérie » dans le cadre d’une procédure sur les origines criminelles des incendies qui s’étaient déclaré en 2021 en Kabylie.



Alors que l’Algérie demande son extradition pour des faits qualifiés de terrorisme, Aksel Bellabbaci, un opposant et haut responsable du Mouvement d’autonomie de la Kabylie (MAK), a été placé en rétention judiciaire à Paris jeudi 20 juin, a appris l’Agence France-Presse. Son cas devrait être abordé lors d’une prochaine audience à la chambre des extraditions de la cour d’appel de Paris. Il fait partie des six membres du MAK classés « terroristes » par Alger, selon un arrêté publié au Journal officiel en février 2022, et à ce titre risque la peine de mort. Le mandat d’arrêt international émis à son encontre par l’Algérie a été pris dans le cadre du dossier des terribles incendies de forêt de 2021 qui ont coûté la vie à de nombreux kabyles. Alger a accusé les responsables du MAK d’en être les instigateurs.

«Le caractère fantaisiste des accusations algériennes relatives aux incendies de l’été 2021 va enfin éclater au grand jour», a pour sa part affirmé le président du MAK, Ferhat Mehenni, dont Aksel Bellabbaci est le numéro deux. «Même si l’Algérie accuse alternativement Israël et le Maroc d’avoir déclenché les incendies, aucune preuve n’a jamais été fournie contre le MAK ou ces deux pays». Ce qui n’est pas faux.

L’interpellation de cet opposant est d’avantage une bonne façon faite par les autorités française aux services algériens désireux d’en découdre avec une opposition réfugiée à Paris, une ville d’immigration kabyle. On imagine difficilement qu’elle soit suivie d’une expulsion vers Alger.

Soldats perdus

Ferhat Mehheni, le président du MAK, est un ancien chanteur kabyle plutôt talentueux qui s’est réfugié à Paris. On l’aperçoit souvent dans les cafés de l’Est de la capitale discourant sur une Kabylie indépendante qu’il appelle de ses voeux avec l’appui du Maroc et d’Israel, deux pays qui sont clairement en opposition frontale avec l’Algérie. Interrogé voici quelque temps par Mondafrique sur sa stratégie politique, ce chef de village semblait tout attendre d’un soutien international aux contours flous et d’un chaos provoqué par un effondrement hypothétique des institutions algériennes. Jamais on éprouve face à cet ancien chanteur le sentiment de se trouver face à un redoutable chef terroriste, une appellation déconnectée des réalités, mais plus en présence d’un soldat perdu d’une Kabylie idéalisée

Le MAK est né en 2001 dans le sillage du « printemps kabyle », sursaut démocratique d’une région trop longtemps réprimée. Depuis, ce mouvement qui a mangé son pain blanc est accusé par les autorités algériennes d’avoir des visées « séparatistes ». Longtemps le MAK a affiché en effet de telles positions avant de se rallier à l’idée d’une « autonomie » de la Kabylie, tout en tentant de négocier avec le pouvoir algérien, mais sans succès, une forme de compromis. Ces tentatives, Fehrat Mehheni ne veut pas aujourd’hui les reconnaitre. Sa posture est désormais celle d’un croisé, haranguant quelques inconditionnels au fond d’un bistrot parisien, mais sans troupes réelles ni projet viable.

L’immense majorité des kabyles vivant en Kabylie refuse en effet de voter lors des scrutins présidentiel et législatif qui ont lieu en Algérie et s’oppose au pouvoir central comme on l’a vu au moment du Hirak. Pour autant, ils sont très rares, notamment dans la diaspora ou à Alger, à suivre le MAK dans sa volonté de sécession. Le chiffre avancé par ces opposants de quelques 400 militants de leur mouvement qui seraient emprisonnés dans les geôles algériennes apparait totalement gonflé. 

Le nationalisme algérien est plus fort que l’appartenance à une communauté, comme la guerre d’indépendance l’a démontré lorsque les maquis étaient en partie peuplés de combattants kabyles qui furent parmi les premiers à se mobiliser. Pour autant, le pouvoir algérien n’a jamais donné la moindre capacité d’expression à cette communauté et a refusé tout moyen à la langue et à culture kabyles. La volonté affichée récemment par le Président Tebboune de jeter quelques passerelles vers la Kabylie en s’y rendant dans le cadre de sa campagne pour la Présidentielle de septembre est peut-être une nouvelle page qui s’ouvre pour cette communauté habitée par l’Histoire et l’amour de son pays.