France - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/france/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Fri, 30 May 2025 06:52:23 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.1 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg France - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/france/ 32 32 Rejoignez la nouvelle chaine Whatsapp de Mondafrique https://mondafrique.com/limage-du-jour/rejoignez-la-nouvelle-chaine-whattsapp-de-mondafrique/ Thu, 29 May 2025 02:18:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=107637 REJOIGNEZ LA CHAINE WHATTSAPP DE MONDAFRIQUE Mondafrique qui rentre dans sa onzième année d’existence le doit à ses fidèles lecteurs qui résident pour moitié en Europe (majoritairement en France, beaucoup au Canada) et pour moitié dans les pays du Maghreb (surtout en Algérie) , du Sahel (le Niger et le Mali en tète)  et du Moyen […]

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Mondafrique qui rentre dans sa onzième année d’existence le doit à ses fidèles lecteurs qui résident pour moitié en Europe (majoritairement en France, beaucoup au Canada) et pour moitié dans les pays du Maghreb (surtout en Algérie) , du Sahel (le Niger et le Mali en tète)  et du Moyen Orient (notamment le Liban).

Avec quelques 500000 visiteurs par mois pour le site fondé en 2014, 35000 abonnés sur Instagram et 5000 fidèles de nos pages WhatsApp (Afrique, Liban, Niger, Gabon, Algérie, Maroc…etc), « Mondafrique » a imposé une vision pluraliste et originale en matière d’information sur le monde arabe et africain. Depuis le début des guerres en Ukraine et au Moyen Orient, nous ne nous interdisons pas d’accueillir des analyses sur les grands équilibres mondiaux qui ne peuvent pas manquer de se répercuter sur le mode africain et maghrébin. 

Notre positionnement critique vis à vis des pouvoirs en place, la diversité des contributeurs du site -journalistes, diplomates, universitaires ou simples citoyens-, la volonté enfin d’apporter des informations et des analyses qui tranchent avec la reste de la presse ont été nos seules lignes de conduite.  

Notre indépendance est totale.

Nous revendiquons une totale transparence. Deux hommes d’affaires et actionnaires du site, l’un mauritanien et l’autre libanais,  nous permettent de disposer de ressources pour faire vivre le site. Qu’ils en soient remerciés.

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Le fondateur de Mondafrique, Nicolas Beau, contrôle l’actionnariat à hauteur de 60%, ce qui place notre media à l’abri de toutes les pressions.

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Le formidable patrimoine musical en Afrique de 1300 à 1650 https://mondafrique.com/loisirs-culture/un-colloque-sur-la-diffusion-de-la-musique-en-afrique-avant-1650/ Sat, 10 May 2025 19:55:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=69817 Les études des musicologues ont longtemps considéré la musique africaine comme une forme d’art rudimentaire ou, au pire, inexistante, sans histoire ni sources. Ce qui ne s’écrit pas ne s’entendait pas.  Or des études ont pu démontrer récemment la richesse d’un patrimoine musical multiforme en Afrique, mais aussi le rôle actif des Africains dans le […]

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Les études des musicologues ont longtemps considéré la musique africaine comme une forme d’art rudimentaire ou, au pire, inexistante, sans histoire ni sources. Ce qui ne s’écrit pas ne s’entendait pas.  Or des études ont pu démontrer récemment la richesse d’un patrimoine musical multiforme en Afrique, mais aussi le rôle actif des Africains dans le développement et le façonnement des pratiques et cultures musicales sur d’autres continents.

L’année dernière, un colloque  était organisé à Tours sur « la musique en Afrique et sa  diffusion dans le monde à l’époque moderne (1300-1650) » avec le concours de Camilla Cavicchi qui enseigne à l’Université de Padouede, Janie Cole, Associate Lecturer à l’Université de Cape Town en Afrique du Sud, et Philippe Vendrix, qui dirige le programme de recherche Ricercar au CNRS. 

Un entretien d’Alexandre Vanautgaerden, historien et historien d’art, avec Camilia Cavicchi

Représentation de tambours africains dans l’ouvrage de Filippo Bonanni, Gabinetto Armonico, Rome, Giorgio Placho, 1723, pl. 78. Milan, Bibliothèque Braidense.

Camilla Cavicchi insiste sur les les rites et coutumes cérémonielles que l’on trouve dans les récits, par exemple, ceux du diplomate et juriste arabe, Hasan ben Mohammed al-Zaiyati. Fait prisonnier par des pirates chrétiens et remis au pape Léon X à Rome en 1517, il se convertit au christianisme et prend le nom de Léon l’Africain. Il opère ensuite comme ambassadeur et médiateur entre les mondes chrétien et arabe.

Dans sa Description de l’Afrique (écrite entre 1523 et 1526), il nous relate une cérémonie funéraire dans l’ancienne ville impériale de Fès au Maroc, où il a vécu: « Lorsque les femmes portent le deuil de leur mari, père, mère ou frère, elles se rassemblent et, après s’être dépouillées de leurs vêtements, elles enfilent de grands sacs. Enlèvent leurs vêtements, se frottent le visage avec, puis font venir à eux ces méchants hommes en habits de femme, qui portent certains tambours carrés : lorsqu’ils en jouent, ils chantent soudain des vers tristes et larmoyants à la louange du mort, et à la fin de chaque vers, les femmes pleurent à haute voix, et se frappent la poitrine et les joues, de sorte qu’une grande quantité de sang s’écoule. Et elles se déchirent les cheveux, tout en pleurant et en criant fort. Cette coutume dure sept jours ; puis ils s’interrompent pendant quarante jours, pendant lesquels lesdits pleurs sont répétés pendant trois autres jours continus. Et tel est l’usage courant du peuple. Les plus honnêtes hommes pleurent sans coup férir ; leurs amis Leurs amis viennent les réconforter, et tous leurs proches parents leur envoient des cadeaux de nourriture, car dans la maison des morts, tant qu’il y a un corps, il n’est pas coutume de cuisiner, et les femmes n’ont pas l’habitude d’accompagner les morts, même s’il s’agit de pères ou de frères. »

Si ce récit à Fès n’est pas sans évoquer l’extraordinaire passage homérique de la complainte pour la mort d’Hector dans l’Iliade (XXIV, 710-723), les ethno-musicologues ou historiens y repèrent d’abord la présence de ces musiciens en tenue féminine et l’utilisation du tambourin carré.

L’observation des oeuvres d’art

Pour tenter de raconter cette histoire globale qui intègre la musique du continent africain, une autre source importante pour Camilla Cavicchi  est l’observation des œuvres d’art. Ce tambourin carré se retrouve, notamment, représenté sur les peintures du plafond en bois réalisées par des artisans arabes vers 1150 après J.-C. dans la chapelle palatine de Palerme (ill. 2). Le batteur y  joue avec d’autres musiciens la musique d’al-janna, le paradis décrit par le Coran.

Musicien avec un tabourin carré sur le plafond en bois peint. Palerme, chapelle palatine, entre 1131-1140. Soutenu par les pouces des deux mains et joué avec les doigts des deux mains en tapotant la membrane sur les bords du cadre, l’instrument représenté dans la chapelle palatine présente des similitudes avec les deff nord-africains habituels, comme sa forme et l’utilisation de décorations cordiformes au henné.

Les Africains n’ont d’ailleurs pas manqué de représenter leurs musiciens et leurs instruments, tel ce très beau joueur de cor de la garde royale de l’Oba du Bénin (ill. 3), datant de la fin du XVIe siècle, conservé non au Bénin mais à Londres au British Museum. Nous reviendrons prochainement sur cette problématique du « déplacement » des œuvres d’art, dans une série d’articles traitant du thème de la restitution. Symboliquement, cette œuvre béninoise a été choisie pour illustrer l’affiche du colloque (ill. 4).

 

Joueur de cor de la garde royale de l’Oba du Bénin, fin XVIe siècle environ. Londres, British Museum, n. Af1949,46.156. Photo © The British Museum, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / The Trustees of the British Museum.
Affiche du colloque La musique en Afrique et sa  diffusion dans le monde à l’époque moderne (1300-1650) Centre d’études supérieures de la Renaissance, Tours (France) 27 juin-1er juillet 2022.

Les récits de voyage

Camilla Cavicchi attire ensuite notre attention sur une autre source très étudiée actuellement : la lecture des chroniques et journaux de voyage. Un groupe de recherche à l’Université de Padoue se concentre d’ailleurs sur l’étude de ces récits riches en notation pour cette nouvelle histoire de la musique, depuis Christophe Colomb jusqu’à Darwin.

Ce colloque de Tours va alterner des sessions consacrées à des zones géographiques en Afrique  et à la thématique des influences de l’Afrique en Europe, avec des tables rondes dont l’une sur la décolonisation, ainsi qu’un atelier d’interprétation musicale historique.

On terminera par un regret. S’il est remarquable que les organisateur et organisatrices se soient démenés pour trouver les financements permettant à tous les intervenants de se rencontrer en France, il est regrettable que les problèmes récurrents de visas, ou de vaccin et pour finir l’augmentation des prix des vols en raison de la guerre en Ukraine empêchent la majorité des chercheurs africains d’être présents en France, les obligeant d’intervenir via Zoom, les privant ainsi du fruit des discussions informelles qui, on le sait, font le plus avancer la recherche.

 

RENSEIGNEMENTS PRATIQUES

Ce colloque international réunit 45 intervenants d’Europe, d’Afrique et d’Amérique. L’inscription est gratuite, mais obligatoire.

Le colloque se tiendra en format hybride en présentiel au Centre d’études supérieures de la Renaissance et en distanciel via Zoom. La séance inaugurale sera retransmise en direct sur Youtube.

Tous les renseignements, le programme et le lien de connexion peuvent être consultés à l’adresse suivante : https://cesr-cieh2022.sciencesconf.org/

LE LIEU

 Le Centre d’études supérieures de la Renaissance

59, rue Néricault-Destouches BP 12050 37020 TOURS Cedex 1

LES ORGANISATEURS

Camilla Cavicchi, Università degli Studi di Padova

Janie Cole, University of Cape Town, South African College of Music

Philippe Vendrix, CNRS-CESR, Tours

 

CONTACT

Marie Laure Masquilier : masquilier[at]univ-tours.fr

POUR ALLER PLUS LOIN

 

Roberto Leydi, L’altra musica, Giunti-Ricordi, 1991.

Nathalie Zemon Davies, Léon l’Africain : un voyageur entre deux mondes, 2014.

Camilla Cavicci, « Lamentazioni d’effimenti nella Fez del Cinquecento », 2007 (https://www.academia.edu/2325679/Lamentazioni_deffeminati_nella_Fez_del_Cinquecento).

David RM Irving, “Rethinking Early Modern ‘Western Art Music’: A Global History Manifesto”, IMS Musicological Brainfood, 2009, 3 (1): 6-10. (https://www.icrea.cat/en/Web/ScientificStaff/davidrmirving/selected-publications#researcher-nav).

Janie Cole, project “Re-Centring AfroAsia: Musical and Human Migrations in the Pre-Colonial Period 700-1500 AD” (www.afroasia.uct.ac.za).

Philippe Vendrix, projet Ricercar (https://ricercar.cesr.univ-tours.fr/).

Projet de recherche Traveling Diaries from Cristoforo Colombo to Charles Darwin: Identità musicali di popoli senza note nei racconti di viaggio (https://www.research.unipd.it/handle/11577/3350466?mode=full.973).

 

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Une poésie arabe « volcanique » (volet 1), entre énergie et émerveillement ! https://mondafrique.com/loisirs-culture/notre-entretien-avec-fatima-guemiah-sur-la-poesie-arabe/ Sat, 26 Apr 2025 08:08:43 +0000 https://mondafrique.com/?p=132311 Notre premier entretien de cette série consacrée à la poésie arabe est avec Fatima Guémiah, directrice de collection  » Le Scribe » aux éditions l’Harmattan et organisatrice de l’événement à l’Institut du Monde Arabe sur « le printemps des poètes ». Cette femme passionnée et passionnante trace les voies propices à l’échange culturel grâce aux poètes contemporains, ces […]

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Notre premier entretien de cette série consacrée à la poésie arabe est avec Fatima Guémiah, directrice de collection  » Le Scribe » aux éditions l’Harmattan et organisatrice de l’événement à l’Institut du Monde Arabe sur « le printemps des poètes ». Cette femme passionnée et passionnante trace les voies propices à l’échange culturel grâce aux poètes contemporains, ces messagers irremplaçables entre les rives nord et sud de la Méditerranée.

Cette série d’entretiens sur la poésie arabe signés Christophe Barreyre, réalisateur, éditeur et ancien rédacteur en chef et producteur de l’émission Affaires sensibles sur France Inter

L’IMA en collaboration avec les excellentes Editions l’Harmattan propose des rencontres poétiques exceptionnelles: « Poésie volcanique, ébullition, énergie et émerveillement! » Une édition sous le signe du feu et de l’émotion. Avec un choeur poétique multilingue, avec entre autres les poétesses Afyai Al Asadi, d’Irak, Imen Moussa de Tunisie ou encore le poète Ghassan Tarabay du Liban.

Le Printemps des poètes s’affirme comme un espace où la création poétique se renouvelle sans cesse, portée par une dynamique collective et fédératrice.

 

 

 

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L’obsession française sur le voile https://mondafrique.com/video/lobsession-francaise-sur-le-voile/ Mon, 21 Apr 2025 15:06:22 +0000 https://mondafrique.com/?p=32511 L’universitaire américaine Joan Scott, auteure de « la politique du voile », revient sur la crispation du gouvernement français sur « le voile », sans commune mesure avec ce qui se passe dans la plupart des autres pays occidentaux. Dans le monde anglo-américain, même après le 11-Septembre, le voile n’est pas considéré comme l’étendard d’une insurrection. Le gommage de […]

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L’universitaire américaine Joan Scott, auteure de « la politique du voile », revient sur la crispation du gouvernement français sur « le voile », sans commune mesure avec ce qui se passe dans la plupart des autres pays occidentaux.

Dans le monde anglo-américain, même après le 11-Septembre, le voile n’est pas considéré comme l’étendard d’une insurrection. Le gommage de toute différence ethnique, raciale et religieuse n’est pas une condition nécessaire pour l’intégration dans la nation. Une phrase du poète américain Walt Whitman résume à peu près la manière dont la diversité est conçue : « Je suis grand, je contiens des multitudes ».

Ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas de problèmes de discrimination terribles et persistants basés sur les différences (raciales en particulier) aux États-Unis ; simplement ces différences sont reconnues comme partie intégrante de l’héritage national. Elles sont relevées dans les recensements, décrites dans les collections de données institutionnelles, et comprises comme étant la source de notre richesse culturelle. Les appellations composées (« Africain-Américain », « Italien-Américain », « juif-Américain », « musulman-Américain ») disent assez l’acceptation du fait que les identités politiques et culturelles peuvent coexister sans porter atteinte à la nécessaire unité nationale. Si durant les primaires en cours de la prochaine élection présidentielle des failles majeures se sont révélées, elles sont plus fondées sur les disparités économiques que sur les différences ethniques ou religieuses. Ce sont les énormes inégalités de revenus et non les affiliations communautaires qui divisent l’électorat et nos hommes politiques en ce moment.

UNE « HYSTÉRIE POLITIQUE »

Pour toutes ces raisons, l’obsession française du voile islamique nous semble correspondre à ce qu’Emmanuel Terray nommait en 2004 une « hystérie politique ». La rhétorique déchaînée, les menaces et les lois punitives visant les vêtements féminins (hijab, voile intégral, abaya) semblent excessives, pour ne pas dire insensées. L’alarme lancée en 1989 par Alain Finkielkraut, Élisabeth Badinter et d’autres, prédisant que la non-interdiction du hijab dans les écoles serait le « Munich » de la République a conduit certains d’entre nous à se demander comment ces supposés intellectuels sérieux pouvaient grossir le trait à ce point. Récemment, le commentaire de Laurence Rossignol comparant le port du voile à la soumission volontaire à l’esclavage a suscité une interrogation du même ordre : avait-elle la moindre idée de l’épisode historique auquel elle faisait allusion ? Et quand Charlie Hebdo puis la rédaction de Libération ont mis en garde contre l’inévitable pente glissante conduisant du voile aux attentats terroristes et fustigé les « islamo-gauchistes » qui dénonçaient l’amalgame entre les traditions musulmanes et l’islam politique, il était difficile de ne pas lire dans leurs articles autant d’exemples de l’islamophobie qu’ils niaient si bruyamment.

Un autre aspect troublant de la focalisation sur l’habillement des femmes musulmanes est l’idée que la « laïcité » exigerait l’interdiction du voile au nom de l’égalité entre hommes et femmes. Ceux d’entre nous qui connaissent un peu l’histoire de ce mot sont surpris de le trouver invoqué comme principe de l’égalité de genre. Cela n’était certainement pas la préoccupation des anticléricaux qui ont inventé le terme en 1871, ni celle des auteurs de la loi de 1905 qui prescrit la neutralité de l’État en matière de religion et ne dit absolument rien de la façon dont les femmes doivent être traitées. C’est plutôt la « nouvelle laïcité » (ainsi nommée par François Baroin en 2003 lorsque l’interdiction du voile était en débat) qui a fait entrer l’égalité entre les hommes et les femmes dans les principes fondateurs de la République. Elle transfère l’exigence de neutralité de l’État à ses citoyens, des institutions et des représentants de l’État à tout l’espace public et à tous ses habitants. La « nouvelle laïcité » exige des individus qu’ils comprennent que la neutralité, définie comme l’absence du plus modeste signe d’affiliation religieuse, est la condition sine qua non de l’appartenance à la nation.  

Le mot « laïcité » est polémique depuis sa création en 1871 par les militants anticléricaux. À l’époque, il servait à contrer le pouvoir de l’Église catholique ; à présent, il est utilisé pour définir une identité française qui exclut les musulmans. Dans les deux cas, les femmes sont considérées comme un danger potentiel pour la République. Au XIXe et au début du XXe siècle, on soupçonnait les Françaises d’être sous l’influence des prêtres ; au XXIe siècle, ce sont les femmes musulmanes dont les foulards sont le signe d’un « défaut d’assimilation » inacceptable, et d’un refus agressif de l’égalité soi-disant caractéristique de la République. Finkielkraut l’a dit sans détour dans un entretien au New York Times1 : « la laïcité l’a emporté. Et nous ne pouvons faire aucun compromis sur le statut des femmes. (…) Tout vient de là. »

MARIANNE DÉVÊTUE

L’assimilation culturelle est une caractéristique bien connue de l’identité française. Le souci de représenter la France comme une nation homogène est ancien ; des générations d’immigrants ont ainsi été sommés de perfectionner leur pratique de la langue, s’identifier à « nos ancêtres les Gaulois » et déclarer avant tout leur loyauté envers les fondamentaux culturels et politiques du pays. Mais les partisans de l’assimilation n’ont que très rarement ciblé les femmes comme ils le font actuellement. Pourquoi sont-elles devenues l’objet d’une telle attention ? La plupart des terroristes sont des hommes ; les armées de l’organisation de l’État islamique sont complètement masculines. Pourquoi les politiciens français, notoirement rétifs à voter des lois sur la violence domestique, le harcèlement sexuel ou l’égalité salariale, et (pour la plupart) résistant activement à la mise en œuvre de la loi sur la parité en politique, pourquoi ces hommes — avec quelques soutiens féministes — sont-ils si soucieux du statut des femmes dès lors qu’il s’agit de l’islam ? Qu’est-ce que leur obsession du vêtement des femmes musulmanes nous dit sur les angoisses des républicains français ?

Certes, ils en appellent à la vieille idée d’une identité française homogène et à une vision de la laïcité dans laquelle la religion est privatisée — une question de conscience individuelle qui n’a pas à être publiquement exposée. De ce point de vue, peut-être, l’habillement des femmes musulmanes est vu comme marquant plus visiblement leur appartenance religieuse que les vêtements des hommes musulmans. On puise aussi dans les réminiscences de la « mission civilisatrice » coloniale qui vantait le traitement supérieur des femmes françaises (bien avant qu’elles aient le droit de vote ou qu’elles soient libérées des restrictions du Code napoléonien) sur celui des femmes « indigènes », dont les voiles avaient alors un attrait érotique, et n’étaient pas comme aujourd’hui un signe de répression sexuelle. Et puis, il y a la Marianne dévêtue, symbole de la nation ; poitrine nue, elle est La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix et l’icône qui figure en bonne place dans les hôtels de ville d’un grand nombre de municipalités. Dans la polémique actuelle, Marianne à la gorge offerte incarne les femmes françaises émancipées par opposition aux femmes voilées qui seraient soumises à l’islam.

ÉGALITÉ DU MÊME, INÉGALITÉ DE L’AUTRE (SEXE)

Mais je pense qu’il y a plus que tout cela. Quelque chose qu’on pourrait appeler l’inconscient politique du républicanisme français, qui alimente l’hystérie autour du vêtement des femmes musulmanes. Cette hystérie dont nous sommes témoins provient d’une contradiction inavouée, mais persistante entre l’égalité politique et la différence sexuelle. Il est possible que ce ne soit pas le motif direct dans le cas de Badinter ou de Manuel Valls, mais je pense que cela va jusqu’à entacher leur défense inflexible de la République laïque et contribue à expliquer plus généralement la fixation sur les femmes musulmanes et leurs foulards.

La contradiction est évidente depuis 1789 et n’a pas disparu quand les femmes ont obtenu le droit de vote en 1944. La citoyenneté en France est basée sur un individualisme abstrait. L’individu est l’unité essentielle, indépendamment de la religion, de l’ethnie, de la position sociale ou de la profession. Une fois ôtés tous ces éléments, les individus sont tous pareils, c’est-à-dire égaux. Mais dans la longue histoire de la politique française, la différence sexuelle a constitué le principal obstacle au « même », à la ressemblance, vue comme une distinction naturelle et donc impossible à éliminer. La nature a décrété un manque de similitude (donc une inégalité de ce point de vue) que la société ne peut pas corriger. Il y a une profonde incompatibilité entre la promesse universelle d’égalité dans la théorie politique républicaine et la différenciation sexuelle créée par la nature. Cela n’entre pas dans la logique républicaine.

Quand les femmes ont obtenu le droit de vote, ce fut en tant que groupe particulier, non en tant qu’individu(e)s. Dans les débats sur la parité, l’argumentation qui a finalement permis à la loi de passer a été celle qui a remplacé l’individu par le couple hétérosexuel. Sylviane Agacinski a ainsi affirmé (pour la parité et contre le PACS en 1999) qu’il ne pouvait pas y avoir de Parlement monosexué comme il ne pouvait y avoir de familles monosexuées. La complémentarité s’est ainsi substituée à l’égalité des individus. Dans l’éloge de la séduction comme trait de caractère national, la complémentarité est asymétrique : les femmes « consentent amoureusement » à leur subordination aux hommes.

L’accent mis sur le jeu de séduction ouvert entre hommes et femmes, et en particulier l’affichage public du corps des femmes, sert à démontrer leur différence et la nécessité de les traiter autrement. En ce sens, le problème que pose le sexe à la théorie politique républicaine est nié. Paradoxalement, l’« objétisation » de la sexualité féminine sert à « voiler » une contradiction inhérente au républicanisme français : son incapacité à réconcilier la différence sexuelle « naturelle » avec la promesse d’égalité pour tous.

LE VOILE AU PIED DE LA LETTRE

Le voile des femmes musulmanes semble présenter un défi de ce point de vue, menaçant d’exposer la contradiction niée ou réprimée de la théorie républicaine. L’habillement « modeste » répond directement aux problèmes posés par le sexe et la sexualité dans les relations sociales et la politique. Il atteste que les relations sexuelles sont interdites sur la place publique. Certaines féministes musulmanes affirment que c’est ce qui les libère en fait, mais que ce soit le cas ou non, ou que chaque femme qui met un voile en comprenne le symbolisme de cette manière ou pas, le voile signale l’acceptation de la sexualité et même sa célébration, mais seulement dans des circonstances particulières — en privé, au sein de la famille. Le paradoxe ici est que le voile rend explicites — visibles pour tous — les règles de l’interaction de genre qui déclarent que les échanges sexuels se font hors de l’espace public.

C’est la reconnaissance explicite d’un problème que la politique française veut nier qui rend le voile « visible » au sens sexuel du terme. Le vêtement des femmes musulmanes est la preuve des difficultés que présente le sexe pour les échanges dans la sphère publique — difficultés que les républicains français veulent nier. Leurs pieuses déclarations sur l’égalité sont en totale contradiction avec leur profond malaise dès qu’il s’agit de partager le pouvoir avec l’autre sexe. La séduction est pour eux une alternative préférable.

Je ne veux pas nier les aspects patriarcaux des pratiques musulmanes, mais nous ne devons pas ignorer non plus le fait qu’il n’y a pas d’égalité de genre parfaite en France. Les femmes sont objétisées dans les deux systèmes, quoique différemment. Je veux simplement dire que l’hystérie politique sur le voile doit être comprise non pas comme une réponse simple et logique au terrorisme, ni comme la défense de l’égalité de genre. C’est plutôt une façon de nier la persistance d’inégalités à l’intérieur de la société française (inégalités qui vont du genre à la race et à l’ethnie). Ces inégalités ne sont pas accidentelles ; elles sont consubstantielles à un système politique qui fait du « même » abstrait le fondement de l’égalité, et de la différence sexuelle concrète l’exception et la justification d’une inégalité qui, parce qu’elle est « naturelle », ne peut pas être nommée.

C’est peut-être une autre manière de dire que toute l’attention portée à l’inégalité qui caractériserait le sort des seules femmes musulmanes est un moyen d’évacuer les problèmes concernant les femmes françaises en général — différents bien sûr, mais qui n’ont pas été résolus par la loi (le vote, les modifications du Code civil, la parité) ni par d’autres moyens. Une chose est sûre, si l’inégalité de genre existe également dans le monde anglo-américain, elle n’a pas pris la forme de cette obsession des femmes musulmanes et de leurs voiles dont on peut dire qu’elle est une singularité française.

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Un entretien avec Marc Petitjean, réalisateur de « Dakar-Djibouti 1931 ». https://mondafrique.com/loisirs-culture/un-entretien-avec-marc-petitjean-realisateur-de-dakar-djibouti-1931-le-butin-du-musee-de-lhomme/ Tue, 15 Apr 2025 14:10:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=74392 Mondafrique a publié en 2022 un entretien avec Marc Petitjean qui avait  réalisé le documentaire  Dakar Djibouti 1931. Nous publions à nouveau ce texte alors que ce documentaire devrait être projeté au printemps au Musée du quai Branly, comme le réalisateur l’avait publiquement demandé, voici deux ans, en répondant  à nos questions La projection du film […]

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Mondafrique a publié en 2022 un entretien avec Marc Petitjean qui avait  réalisé le documentaire  Dakar Djibouti 1931. Nous publions à nouveau ce texte alors que ce documentaire devrait être projeté au printemps au Musée du quai Branly, comme le réalisateur l’avait publiquement demandé, voici deux ans, en répondant  à nos questions
La projection du film Dakar Djibouti « le butin du Musée de l’Homme »,
un film de Marc Petitjean, aura lieu le dimanche 22 juin 2025 de 17:00 à 19:00
au Musée du quai Branly, en présence du réalisateur.
Un entretien avec Alexandre Vanautgaerden.

Paris était encore écrasé sous le soleil quand je rencontrai le réalisateur Marc Petitjean pour parler de son film sur La mission Dakar-Djibouti. Le butin du musée de l’Homme. La lumière paraissait plus éclatante à cause du bruit des voitures qui tournaient telles des mouches sur la place, nos oreilles bourdonnaient comme si nous étions à l’intérieur d’une calebasse. Nous nous réfugiâmes dans la brasserie qui jouxte le Théâtre du Châtelet, où Abderrahmane Sissako avait monté son spectacle sur Le vol du boli, quelques mois auparavant.[1] Cet objet rituel « prélevé » contre quelques francs par Michel Leiris sous les ordres de Marcel Griaule dans un sanctuaire à Kéméni, où ils n’auraient jamais dû pénétrer sans être initiés.

Marc Petitjean est un grand échalas que le sourire ne quitte jamais, bien qu’il boive du jus de citron sans sucre. J’ai visionné son film deux fois avant de le rencontrer. Il se regarde comme l’on part en voyage. Le narrateur, Damien Bonnard, a la voix chaude, il nous prend par la main et nous raconte l’expérience de la mission mois après mois, pays après pays. On assiste aux préparatifs, à la recherche de financement, on dirait aujourd’hui au fund-raising. C’était une époque où les missions scientifiques pouvaient faire appel à un boxeur, Al Brown, pour récolter des fonds. Organiser un combat de boxe, avant de partir en Afrique « sauver » la culture de peuples qui ignoraient qu’ils étaient en train de la perdre. Ils étaient trois au départ : l’ethnologue Marcel Griaule, formé à l’école de Marcel Mauss ; un dandy, conservateur de musée et ami de Joséphine Baker, Georges-Henri Rivière, et, enfin, un jeune écrivain surréaliste en psychanalyse, Michel Leiris, en quête d’un continent sauvage intérieur. Belle équipe. Georges-Henri Rivière organise la mission avec les autres mais reste à Paris.

Michel Leiris, Marcel Griaule, Georges-Henri Rivière.

Marc Petitjean me raconte que la famille de son père avait une pharmacie Boulevard de l’Hôpital, près du Jardin des plantes, et les chercheurs du Jardin des Plantes s’y rendaient. Son grand-père était très ami avec le directeur du musée d’ethnographie du Trocadéro de l’époque, Paul Rivet. Et à un moment donné, son père devait avoir 17-18 ans, le directeur lui demande s’il ne veut pas venir travailler comme bénévole.  Il rencontre de nombreuses personnes, dont Robert Desnos qui venait lui aussi étiqueter des objets de manière bénévole. Il y régnait une ambiance très chaleureuse. On propose même à son père de partir avec la mission Dakar-Djibouti. Il refuse, comme bien d’autres à l’époque. Ces gens étaient jeunes, y compris Griaule. Il y avait un petit côté improvisé dans cette mission. Si son père ne part pas en Afrique, il continue néanmoins à fréquenter le musée d’ethnographie. Il assiste, mois après mois, à l’ouverture des caisses que Griaule envoyait d’Afrique et qui naviguait jusqu’au port du Havre, avant d’arriver à Paris. Son père lui racontait quand il était enfant l’émerveillement devant ces objets inconnus. C’est certainement ces récits, pense-t-il, qui lui ont donné envie de voyager tout au long de sa vie.

Michel Leiris, L’Afrique fantôme, Paris, Gallimard, 1934.

Marcel Griaule en revenant de sa mission en Abyssinie avait très envie d’écrire, il a des ambitions littéraires assez marquées, rencontre Georges Bataille, et collabore à la revue Documents. C’est là qu’il rencontre Michel Leiris, qui avait une longueur d’avance sur le plan littéraire, car il avait déjà publié. C’est à partir de L’Afrique fantôme et de la figure de Michel Leiris qu’il rédige un premier scénario sur la mission au début des années 2000. Il le propose à Arte, mais cela n’intéressait pas grand monde à l’époque, il doit remiser son projet. C’est sa productrice après le discours du prsident Emmanuel Macron à Ouagadougou qui représente le projet en 2019. Arte l’accepte tout de suite.

Il s’interrompt alors dans son récit pour me commander un jus de citron, que je me sens obligé moi aussi de boire sans sucre. Les lumières sont tamisées. Je me concentre sur sa voix. Douce.

Finalement, quand il reprend le projet, il décide de s’intéresser davantage à la question de l’activité scientifique dans les territoires colonisés, car l’ethnographie existe grâce au pouvoir colonial. C’est ce qui rend leur aventure paradoxale, dit-il. Marcel Griaule et les autres partent pleins de bonnes intentions, pour montrer que ces peuples ont une culture différente, que les cultures se valent. Mais, au bout du compte, on apprend aux colons comment les peuples africains vivent pour mieux les maîtriser, rendre plus efficace l’entreprise coloniale. On protège la culture de ces peuples pour mieux les exploiter. C’est, selon lui, le problème aujourd’hui de nombreux discours visant à « décoloniser » les collections de musées. Si on reste au niveau des objets, on ne dit pas grand-chose.

Au départ, les héritiers de Marcel Griaule sont assez opposés à l’idée qu’on réalise un film sur la mission. Ils exigent des garanties, veulent s’assurer qu’il ne va pas dire trop de mal de Griaule, en privilégiant la figure de Michel Leiris. Ce n’est pas évident, il doit faire des concessions. Il tente d’être le plus objectif possible, et va travailler à la Bibliothèque Jacques Doucet où Michel Leiris a déposé ses fonds manuscrits. Mais il y a plein de choses qu’il ne peut mettre dans le film. Il est obligé pour pouvoir réaliser le document de parler du soutien de Griaule à l’empereur Hailé Séliassé au moment de l’invasion italienne. Cela le contrarie encore un peu aujourd’hui, car cela rompt le fil chronologique auquel il tenait, et cela l’empêche d’évoquer en détail la première rencontre entre le Négus et Griaule, dont on a conservé une trace dans une lettre d’Henri de Monfreid. Il promet de m’envoyer la lettre trouvée au Muséum d’Histoire naturelle, quelques jours plus tard je reçois la lettre qu’il a photographiée au Muséum. Elle est assez édifiante, même si Henri de Monfreid n’a pas toujours été un enfant de chœur. Quand on s’intéresse en détail à la Mission Dakar-Djibouti, on ne peut qu’être impressionné néanmoins par la capacité de travail de Griaule.

Au moment où je viens de terminer ce travail sur l’Abyssinie, par une interview avec l’Empereur, j’ai eu la très désagréable surprise d’apprendre les gaffes majuscules de Griaule couronnées hier par son attitude presque insolente au cours de l’audience que Sa Majesté lui avait accordée, dans l’espoir de clore aimablement une affaire si désagréable à notre amour propre français. J’ai entendu les deux sons de cloche et je dois avouer que notre compatriote s’est conduit aussi maladroitement qu’il était possible. Il a agit en Abyssinie comme il venait de le faire, sans doute, chez les nègres du Centre Afrique où il pouvait échanger ses documents ethnographiques contre des bibelots de verroterie. Il a traîté ces gens là avec une sorte de mépris un peu trop apparent pour une supériorité dont il ne leur donne pas l’impression.

Lettre d’Henri de Monfreid à Paul Rivert, directeur du musée d’Ethnographie, 6 février 1933. Paris, Muséum d’Histoire naturelle.

Marc Petitjean a relu Terre d’ébène d’Albert Londres, paru en 1929, il dit combien on demeure choqué par la brutalité de la réalité coloniale. Et, malheureusement, malgré leur volonté humaniste, Griaule et Leiris sont embourbés dans la machinerie coloniale. L’intendance énorme de la mission, l’envoi des caisses, ne peut s’imaginer sans cette organisation qui broie des millions d’êtres. Ils boivent chaque soir leur bouteille de vin, font porter leurs caisses par les noirs. Et quand l’on garde cela en tête, cela devient un cauchemar de faire ce film, dit-il. Leiris peut critiquer ce système colonial, mais il en profite pleinement.

Il me raconte que même s’il s’est beaucoup basé sur L’Afrique fantôme pour réaliser son film, il a utilisé également le gros volume d’Éric Jolly, Cahier Dakar-Djibouti, un peu fastidieux à lire, mais important. Après avoir bu la dernière gorgée de son jus de citron sans sucre, il ajoute : « quand on fait un film, on a des intuitions, mais c’est important de pouvoir les valider, pour ne pas dire trop de conneries. »

Mission Dakar-Djibouti, 1931-1933.

Ce qu’il a essayé de montrer aussi dans ce film c’est la nature judiciaire de ces enquêtes ethnographiques, dont les scientifiques sont les premiers à avoir conscience. Cela finira par indisposer Michel Leiris. Les enquêtes aussi structurées soient-elles, finalement, en disent plus sur nous et la façon dont nous imaginons notre relation aux autres, que sur les personnes que nous voulons interroger, et prétendons vouloir connaître. C’est d’ailleurs pour cela que Griaule et Leiris ne cessent de penser que leurs informateurs leur cachent des choses. Ils ont parfaitement conscience que la nature de leur enquête, entraîne les interviewés à biaiser, à échapper au carcan dans lequel on les enferme avec ce questionnaire préétabli : où, qui, comment, pourquoi, quand une chose advient-elle ?, quel est cet objet ?, etc.

Quand je l’interroge sur le cheminement étrange de Leiris, qui finit par fuir la mission pour aller vivre dans une case en Éthiopie, ne supportant plus l’aspect administratif et judiciaire de l’enquête ethnographique, puis rentre à Paris et devient… ethnologue. Il me répond que, pour lui aussi, cela demeure un mystère.

La difficulté de réaliser ce film, c’est la beauté qui émane des photographies. Il voulait faire un film essentiellement avec des images d’archives, pour rendre compte d’une certaine image de l’Afrique au début des années 1930. Comme nous l’avons raconté lundi en évoquant la contre-enquête de Daouda Keïta au musée du quai Branly sur la mission Dakar-Djibouti, on a quasiment perdu l’ensemble des documents filmiques (à l’exception de la fameuse scène où Marcel Griaule filme le rituel de la cérémonie d’initiation du zar en Éthiopie) et audio. Il a dû combler les trous, en insérant des images d’époque, mais tournées hors du contexte de la mission ethnographique. Ces images animées,  paraissent anecdotiques à côté des photographies de Marcel Griaule. Celles-ci donnent une richesse au film qui ne manque pas d’ambiguïté.

Nous parlons de cette frontière ténue entre l’observation scientifique, la beauté des prises de vues, la dénonciation du discours colonial et la fascination d’une Afrique « sauvage », rêvée. Comme il l’écrit dans le commentaire, en parlant du séjour de Marcel Leiris en Éthiopie quand il quitte la mission fascinée par une femme et avec l’envie de se livrer à corps perdu dans ce monde plein de mystères. Ce grand plongeon est un mixte de trivialité, de mystique, d’érotisme et d’amitié.

Il insiste sur la vitesse avec laquelle la Mission traverse le continent, c’est pour cela qu’il y a cette sensation qu’ils « arrachent » les informations ou les objets. Ils voyagent trop vite.

Pour terminer, il me raconte que les responsables du Muséum d’Histoire naturelle ont refusé pendant un an de lui permettre de filmer les collections de la Mission Dakar-Djibouti qu’ils conservent. . Mais avant tout, il aimerait que le film soit montré en Afrique.

On se quitte sur la place, le soleil mange tout. Je me dis que ce serait bien de tirer son portrait. Je regarde autour de nous, l’avenue Victoria, je vois une porte rouge, qui correspond bien à cette énergie chaleureuse qui émane de sa personne. On continue à parler, il se met devant la porte. Je sors mon téléphone, je fais la photo, je le range. Il me dit : « c’est tout ? » Je lui montre la photo : « c’est bien moi ».

Marc Petitjean, réalisateur du documentaire ‘La Mission Dakar-Djibouti 1931. Le butin du Musée de l’Homme. Paris, 30 août 2022..

 

Réalisation : Marc Petitjean
Production : Delphine Morel
Image : Olivier Petitjean
Montage : Isabelle Poudevigne
Musique : Camille Petitjean
Animation : Romain Renault
Voix : Damien Bonnard

PRODUCTION
TS productions
Arte France, TV5

DIFFUSION
Arte France, TV5, 5 avril 2022.

FESTIVALS
Selection au Festival Visions d’Afrique à Montréal. Mention spéciale du jury. Avril 2022.

 

Notes

[1] Créé en octobre 2020, Le vol du Boli est né des multiples voyages de Damon Albarn en Afrique et de sa rencontre avec le metteur en scène Abderrahmane Sissako. Porté par les voix et l’énergie des chanteurs, comédiens, danseurs et musiciens africains et européens, ce spectacle est un hommage et un chant d’amour envers le continent africain et son Histoire. La pièce est reprise du 15 avril au 8 mai 2022.


 

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Ce procès Sarkozy qui a ignoré un témoin clé, Souheil Rached https://mondafrique.com/decryptage/temoin-cle-des-largesses-de-kadhafi-souheil-rached-vit-desormais-en-egypte/ Mon, 31 Mar 2025 05:45:00 +0000 http://www.mondafrique.info/?p=3372 Le procès contre Nicolas Sarkozy qui a débuté le lundi 6 janvier dans l’épais dossier d’un éventuel financement libyen des comptes de campagne de ce dernier se termine cette semaine par les plaidoiries de la défense. Les avocats de l’ancien président de la République et de ses proches devraient se battre sur un terrain de […]

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Le procès contre Nicolas Sarkozy qui a débuté le lundi 6 janvier dans l’épais dossier d’un éventuel financement libyen des comptes de campagne de ce dernier se termine cette semaine par les plaidoiries de la défense. Les avocats de l’ancien président de la République et de ses proches devraient se battre sur un terrain de technique judiciaire qui est celui de l’association de malfaiteurs, une délit à géométrie variable utilisé pour combler les lacunes d’une enquête inaboutie.

Indépendamment de l’intime conviction que l’on puisse avoir sur les possibles frasques financières de Nicolas Sarkozy, les condamnations que s’apprête à prononcer la justice française en première instance doivent reposer sur des faits précis. Ce qui n’est, hélas, pas le cas.

En l’absence de tout versement direct avéré de  Mouammar Khadafi à l’ancien Président français, le pole financier s’est rabattu sur un délit, l’association de malfaiteurs, dont on connait l’approximation. Il n’est pas matériellement prouvé que Nicolas Sarkozy ait touché des fonds illicites. Certains de ses proches en revanche ont reçu quelques gâteries, bien modestes au regard des montants que l’ex chef d’état aurait reçu d’après l’instruction en profitant  du réchauffement diplomatique entre la Libye et la France initié par Nicolas Sarkozy.  Notons que la France n’est pas la seule alors à tendre la main aux Libyens; l’administration américaine très hostile au départ au régime libyen s’était elle aussi et avant Paris rapproché de la dictature libyenne. 

Une partie des accusations repose sur le témoignage d’un intermédiaire douteux et versatile, Ziad Takieddine, réfugié au Liban

Du coup pour faire tenir une procédure bancale, les magistrats français relayés par Mediapart et le Monde abruvés par la justice finanvière, ont accusé Nicolas Sarkozy d’être à la tète d’une association de malfaiteurs, mais sans que lui même, patron de cette bande quasi maffieuse, en profite.  À l’exception de quelques valises de cash qu’aurait apporté à Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et à son fidèle Guéant en vue de sa campagne présidentielle de 2007 un intermédiaire douteux et corrompu, Ziad Takieddine, qui en a fait lors de l’instruction un récit rocambolesque et invraisemblable, digne d’un mauvais polar.

Le mystérieux témoin épargné, Souheil Rached,

Mondafrique revient sur le mystérieux Souheil Rached, un agent de la Libye qui n’a jamais été entendu par la justice et qui fait partie pourtant des onze personnalités que l’ancien Président de la République et ses amis n’ont pas eu le droit de rencontrer depuis le début de l’instruction. Cet oubli est d’autant plus surprenant que ce représentant de Mouammar Kadhafi en France, au mieux avec Nicolas Sarkozy et ses proches, actif en Afrique francophone et très lié aux services français, est parfaitement au courant des relations entre le pouvoir français et le Guide libyen.

Son audition aurait permis d’éclairer utilement les coulisses de ce dossier complexe de financement politique. En privé en effet et lorsqu’il se confiait à son entourage, Souheil Rachel révélait la réalité des aides de Kadhafi à la classe politique française, de gauche comme de droite. « Onze millions, leur expliquait-il, ont été versés à Nicolas Sarkozy via l’Allemagne et en deux fois, sept millions puis quatre millions. Une dizaine de millions ont été donnés à une personnalité de gauche très en vue au Parti Socialiste ».  Nicolas Beau

                  Souheil Rached, le barbouze libyen qui en savait trop

Ancien photographe de presse au Liban, Souheil Rached aura été surtout dans sa jeunesse un militant courageux et déterminé du FPLP, l’organisation palestinienne de Georges Habache. C’est à ce titre qu’il rencontre, durant la guerre au Liban, les milieux de renseignement français ainsi que le colonel libyen Saleh Drouki, alors ambassadeur de Libye à Beyrouth.

Présenté à Tripoli au « Guide », le jeune Souheil débute une carrière brillante et foudroyante auprès de Moussa Koussa, qui est chargé, sous l’autorité directe de Kadhafi, de tous les dossiers sensibles à l’étranger. À ce titre, Koussa négociera avec les Anglais le dossier « Lockerbie », du nom de ce village écossais où un avion de la Pan s’écrase en 1988, victime d’un attentat meurtrier (270 morts) qui sera imputé aux Libyens. Apparemment, Moussa Koussa, adepte du double jeu, saura s’y prendre avec les services anglais. Durant la guerre franco-anglaise en Libye en 2011, ce proche parmi les proches de Kadhafi s’enfuit en Angleterre, porteur de ses secrets d’État; il y sera fort bien accueilli, avant de gagner l’Arabie Saoudite, où il séjourne.

De Paris à Bamako

Jusqu’à l’intervention en Libye en 2011, Souheil Rached, francophone et francophile, est l’homme qui connait le mieux les relations entre Tripoli et Paris, comme le raconte fort bien dans le livre « Sarkozy/Kadhafi, histoire secrète d’une trahison » (Le Seuil) la journaliste Catherine Graciet. Le domaine d’intervention de cet agent d’influence s’étend même en Afrique francophone. À l’époque, Kadhafi se veut le roi de l’Afrique sahélienne, où il déverse des dizaines de millions de dollars. Mais il s’agit de pays d’influence française. Souheil Rached déploie tout son talent pour rapprocher les hommes de Kadhafi, la diplomatie française et les chefs d’État africains, notamment au Mali et au Niger.

À Bamako encore aujourd’hui, cet homme de l’ombre est consulté par le président IBK. En revanche à Niamey, il n’est plus personna grata, car les militaires nigériens n’ont guère apprécié la façon dont il a mis en cause leur incompétence et leur corruption auprès du président nigérien Issoufou. Lors de son dernier séjour dans ce pays, il sera exfiltré par la DGSE française dès son arrivée. Les patrons de l’armée nigérienne voulaient lui faire la peau.

Bakchichs pour tous

Depuis peu, Souheil Rached séjourne au Caire où il joue un röle discret pour conseiller le pouvoir égyptien sur le dossier libyen. On peut imaginer qu’il est en phase avec son ancien patron, Moussa Koussa, qui, lui, est consulté par le régime Saoudien. À Riyad comme au Caire, on souhaite que l’ordre revienne en Libye et que les frères Musulmans soient définitivement chassés du pouvoir à Tripoli.

Fort habile, Souheil Rached a maintenu des liens étroits avec ses amis de la DGSE (services extérieurs) ou de la DGSI (contre espionnage), où il avait ses entrées. Ce qui explique que ses séjours parisiens aient toujours été discrets et protégés depuis que l’affaire du financement libyen a éclaté. À moins que les juges ne veuillent pas entendre un témoignage qui n’irait pas dans le sens de leurs à prioris. Ce qu’aurait à déclarer en effet ce témoin clé ne va pas dans le sens de ce qu’on entend généralement sur ce dossier, où seul Nicolas Sarkozy est mis en cause. En privé, Souheil Rachel n’hésitait pas à mettre en cause l’ensemble de classe politique française de gauche comme de droite.  » Onze millions, leur explique-t-il, ont été versés à Nicolas Sarkozy via l’Allemagne et en deux fois, sept millions puis quatre millions. Une dizaine de millions ont été donnés à une personnalité de gauche très en vue au Parti Socialiste ».

Cette version est à l’image du roué colonel Kadhafi, quarante deux années de rêgne, qui ne voulait jamais insulter l’avenir.

Quand Nicolas Sarkozy décida en 2011 d’intervenir en Libye

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Crise entre Paris et Alger : Retailleau contesté en France https://mondafrique.com/confidentiels/maghreb/crise-entre-paris-et-alger-retailleau-conteste-en-france/ Mon, 13 Jan 2025 08:41:11 +0000 https://mondafrique.com/?p=124871 Les tensions entre la France et l’Algérie continuent d’enflammer les débats politiques. La récente expulsion controversée d’un « influenceur algérien », renvoyé en France par l’Algérie, illustre ces crispations croissantes. Alors que la droite et l’extrême droite soutiennent activement la ligne dure incarnée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, des critiques s’élèvent au sein de la […]

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Les tensions entre la France et l’Algérie continuent d’enflammer les débats politiques. La récente expulsion controversée d’un « influenceur algérien », renvoyé en France par l’Algérie, illustre ces crispations croissantes. Alors que la droite et l’extrême droite soutiennent activement la ligne dure incarnée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, des critiques s’élèvent au sein de la gauche pour dénoncer une gestion jugée provocatrice et peu respectueuse des règles diplomatiques et de l’État de droit.

Une expulsion arbitraire selon la gauche

Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, a vivement critiqué Bruno Retailleau, allant même jusqu’à prononcer le mot « pyromane » lors de son intervention au Grand Jury RTL – M6 – Le Figaro – Public Sénat. Elle a reproché au ministre de multiplier les « incendies », citant sa sortie médiatique sur la place des femmes voilées lors des sorties scolaires avant d’évoquer l’expulsion précipitée d’un ressortissant algérien sans respecter les procédures légales.

 « Les relations internationales ont des règles. Les gens ne sont pas des colis que l’on retourne à l’expéditeur », a déclaré la responsable politique. Pour Tondelier, Retailleau ne respecte ni les accords internationaux ni les principes de l’État de droit, au moment même où plusieurs analystes de la vie politique plaident pour des relations plus apaisées avec l’Algérie.

« Les relations avec l’Algérie, c’est une chose très importante, il y a près d’un quart des Français qui ont des relations avec l’Algérie, ça ne peut pas être une question parmi d’autres », a rappelé Catherine Tricot, directrice de la revue Regards. « Je pense que Bruno Retailleau connaît bien la question des OQTF, donc là, je ne sais pas à quoi il a joué. La question des OQTF est une question compliquée, on n’expédie pas les gens vers un pays sans avoir un accord du pays vers lequel la personne est expédiée », a ajouté la journaliste, qui constate que la France ne dégrade pas ses relations seulement avec l’Algérie, mais avec de nombreux pays africains.

La mise en garde du PS

Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a lui aussi critiqué la gestion de la crise par Retailleau, estimant qu’elle est motivée par une recherche de buzz médiatique. Faure a souligné que cette approche pourrait avoir des conséquences stratégiques. « Attention à la relation que nous devons maintenir avec l’Algérie. Les Russes cherchent à s’implanter en Méditerranée et pourraient se tourner vers des pays comme l’Algérie. La diplomatie, ce n’est pas fanfaronner à la télévision », a averti le député.

Pour Faure, la procédure d’expulsion de l’influenceur algérien, jugée illégale par Alger, montre un manque de respect des règles internationales et compromet la crédibilité de la France sur la scène mondiale.

Retailleau persiste dans sa défense

Face à ces critiques, Bruno Retailleau a défendu ses actions, affirmant que l’arrêté ministériel d’expulsion avait été pris sur la base d’une « menace grave à l’ordre public ». Il a insisté sur la séparation entre les procédures judiciaires et administratives, qu’il considère comme une composante essentielle de l’État de droit.

Malgré cette nouvelle justification, les appels à une désescalade et à un dialogue respectueux avec l’Algérie se multiplient, posant la question de la stratégie française face à un partenaire historique de premier plan.

 

 

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Le ministre Bruno Retailleau contre les TikTokeurs algériens https://mondafrique.com/a-la-une/retailleau-contre-les-tiktokeurs/ Wed, 08 Jan 2025 21:43:53 +0000 https://mondafrique.com/?p=124601 Alors que la France commémorait cette semaine les 10 ans des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, Bruno Retailleau s’est distingué en communiquant sur l’arrestation de plusieurs…influenceurs. Auteurs de dérapages violents et dangereux, ces ressortissants algériens aux parcours tortueux voire chaotiques sont soupçonnés d’être des agents à la solde d’Abdelmadjid Tebboune. Une accusation […]

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Alors que la France commémorait cette semaine les 10 ans des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, Bruno Retailleau s’est distingué en communiquant sur l’arrestation de plusieurs…influenceurs. Auteurs de dérapages violents et dangereux, ces ressortissants algériens aux parcours tortueux voire chaotiques sont soupçonnés d’être des agents à la solde d’Abdelmadjid Tebboune. Une accusation largement relayée malgré l’absence de preuves, quitte à entretenir le fantasme d’une cinquième colonne algérienne.

Les forces de l’ordre n’ont pas traîné. Trois individus, décrits comme des « influenceurs algériens », ont été arrêtés cette semaine à Brest, Échirolles et Montpellier après des propos particulièrement belliqueux et des menaces à l’encontre des personnes qui tenteraient de s’opposer au gouvernement de leur pays d’origine. Un de leurs compatriote, se présentant comme un réfugié politique en France, était également visé par ces dérapages mêlant nationalisme extrême, antisémitisme et complotisme.

Des personnalités politiques et de nombreux médias, à commencer par ceux de la galaxie Bolloré, se sont empressés de dresser un tableau inquiétant : ces « influenceurs algériens » ont agi de manière coordonnée en vue de semer le chaos en France.

Malgré les tensions actuelles avec Alger, le ministère de l’Intérieur n’a pas contredit pas ces accusations développées sur les plateaux TV et radio mais a communiqué à plusieurs reprises sur les arrestations. Une note censée être interne a même été révélée par le Figaro. Celle-ci nous informe que Bruno Retailleau a demandé aux préfets de redoubler de vigilance et d’initier l’ouverture de procédures d’éloignement quand les auteurs de propos haineux sont des ressortissants étrangers résidant en France.

En l’absence de démenti, la petite musique insidieuse a continué de se propager sans encombre dans les débats des chaînes d’informations en continu et sur les réseaux sociaux : ces TikTokeurs seraient-ils les soldats d’une sombre stratégie anti-française bien plus vaste ?

À en croire ces insinuations, l’Algérie, qui préside actuellement le conseil de sécurité de l’ONU, en conflit ouvert avec la France, le Maroc et désormais le Mali, aurait donc misé sur le réseau social préféré des adolescents pour mener une opération de déstabilisation.

Son nom est « de luxe »… « Bledar de luxe »

L’opération commence sur TikTok, temple du divertissement et de la dérision, où la simple ouverture d’un compte peut donner le droit de caresser le rêve de devenir influenceur. Les individus dans le viseur de Retailleau déclinent des noms tous plus loufoques les uns que les autres : « Zazou Youcef », « Imad Tintin » alias « Bledar de luxe », « Abdesslam bazooka », ou encore « Ami (oncle en arabe) Boualem », surnommé comme ça en raison de son âge avancé.

Les conditions de tournage de leurs vidéos révèlent un amateurisme à mille lieues des influenceurs comme Inoxtag, Léna Situations ou encore Squeezie dont ils pensent partager la table. Armés de leurs simples smartphones, « Zazou Youcef », cheveux longs copieusement gominés et lunettes noires XXL, ou encore « Bledar de luxe », vêtu la plupart du temps d’une veste de jogging, se filment dans leur chambre ou dans une voiture, sans prêter la moindre attention au cadrage ou à la qualité sonore.

À l’instar de Bassem Braiki, polémiste proche des milieux d’extrême droite célèbre sur Youtube, ils cherchaient probablement à gagner de nouveaux abonnés et à se rendre célèbres par des provocations. Ils ont finalement atteint leur but mais devront désormais répondre de leurs actes devant la justice et peut-être même faire l’objet d’une expulsion. Les trois personnes arrêtées cette semaine sont ou seront ciblés par des OQTF en raison de leurs démêlés judiciaires. L’Algérie a d’ores et déjà refusé le retour du plus âgé de ces influenceurs, « ami Boualem » (59 ans), désormais placé en centre de rétention administrative en Seine-et-Marne après un aller-retour entre Paris et Alger dans la même journée. 

Chawki Benzehra, un « opposant » au passé intriguant

Acteur-clé derrière cette vague d’interpellations : Chawki Benzehra, lui aussi de nationalité algérienne. L’homme a obtenu le statut de réfugié politique en 2023 pour avoir soutenu, selon lui, le hirak algérien. Celui qui se définit comme un lanceur d’alerte a joué un rôle central en attirant l’attention de Bruno Retailleau sur ces individus, noyés jusqu’à présent dans la jungle des réseaux sociaux. Sympathisant des idées d’extrême droite, il a notamment apporté son soutien à Marion Maréchal ou encore à l’eurodéputée Reconquête Sarah Knafo, qui cible régulièrement l’Algérie.

Ses interventions dans plusieurs émissions télévisées ont évoqué ce qu’il considère comme une stratégie de déstabilisation orchestrée par Alger, avec la complicité selon lui de la Mosquée de Paris, laquelle a dénoncé dans un communiqué la campagne sournoise menée à son encontre.

En prenant pour cible les influenceurs algériens, Benzehra semble parti pour s’installer comme un invité de choix dans le traitement des questions sensibles liées à l’Algérie et à l’islam, aux côtés de ses indéboulonnables compatriotes Mohamed Sifaoui et Kamel Daoud.

Dans des vidéos enregistrées en 2020 toujours disponibles sur les réseaux sociaux, Chawki Benzehra se montrait pourtant férocement hostile à la France. L’actuel réfugié politique dénonçait une forme d’ingérence de Paris dans les affaires de l’Algérie et des pays du Sahel. Il avait notamment évoqué le rôle néfaste joué par Bernard Kouchner, un homme proche de « l’entité sioniste » selon ses propres mots.

 

 

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Un documentaire de Benjamin Stora sur France 5 fait la part belle aux pieds noirs https://mondafrique.com/loisirs-culture/france-2-et-benjamin-stora-liquide-la-guerre-dalgerie/ Sat, 26 Oct 2024 15:40:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=63656 Paresseux et tronqué, le documentaire de cinq heures diffusé sur France 5 ce dimanche 27 octobre co-écrit par Benjamin Stora et Georges-Marc Benamou -« c’était la guerre d’Algérie »- fait surtout la part belle aux pieds-noirs, ce qui ne surprendra pas de la part d’un proche d’Emmanuel Macron  en cette période électorale.  « C’était la guerre d’Algérie », un […]

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Paresseux et tronqué, le documentaire de cinq heures diffusé sur France 5 ce dimanche 27 octobre co-écrit par Benjamin Stora et Georges-Marc Benamou -« c’était la guerre d’Algérie »- fait surtout la part belle aux pieds-noirs, ce qui ne surprendra pas de la part d’un proche d’Emmanuel Macron  en cette période électorale. 

« C’était la guerre d’Algérie », un film de Georges-Marc Benamou, écrit avec Benjamin Stora, 5×52 min, sur France 5, le dimanche 27 octobre

Une chronique de Frédéric Pascal

Pendant des années, « France Télévisions » a rechigné à faire de la guerre d’Algérie une sujet d’exploration pour ses documentaires. Matière trop inflammable, sujet trop sensible, les caciques de la télévision française préféraient se repaître d’innombrables films sur la Seconde guerre Mondiale. Cette période de l’Histoire de France ne présente en effet que des avantages pour des diffuseurs qui ne veulent pas prendre trop de risques avec leur autorité de tutelle.  La dernière Guerre en effet est  un terrain de jeu manichéen parfaitement balisé avec méchants (les nazis) d’un côté et des gentils (les résistants) de l’autre, un sujet peu propice aux polémiques.

Quelques dérisoire crispations pétainisto-zemmouristes pimentent le tout et l’audience est généralement au rendez-vous aurpès d’un public vieillissant.

Trop souvent les combattants algériens ont été juste oubliés dans les documentaires produits en France sur la guerre d’Algérie

Une mémoire franco française

Ces dernières années, quelques projets de grande qualité comme La guerre des appelés (2019) de Thierry de Lestrade et Sylvie Gilman, avaient pourtant commencé à ouvrir la brèche d’un traitement documentaire de la guerre d’Algérie sur les antennes françaises. Mais s’il mettait en scène d’anciens troufions traumatisés par les crimes de guerre perpétrés de chaque côté, ce film ne présentait, comme son titre l’indique qu’une mémoire franco-française, aussi humaniste fut-elle.

À l’occasion du soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, les antennes publiques ont enfin décidé de franchir le pas et de consacrer deux soirées exceptionnelles à l’évènement avec une longue fresque historique en cinq parties. Un film « sans tabou et à hauteur d’hommes » comme proclame le dossier de presse, censé servir de référence, sinon historique, tout du moins télévisuelle. Un documentaire écrit par deux sommités des salons parisiens : l’écrivain-journaliste et « en même temps » ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, Georges-Marc Benamou; l’historien reconnu de l’histoire de la guerre d’Algérie devenu le proche et conseiller de l’ombre de tous les pouvoirs élyséens, Benjamin Stora.

Le rapport Stora sans éclat ni lendemains

Historien réputé devenu le conseiller et l’ami des Présidents successifs, notamment Hollande et Macron, Benjaminn Stora est le gage d’une facture politiquement correcte sur un sujet hyper sensible à un mois de la Présidentielle française. Entre une exposition sans éclat à l’IMA et un voyage avec le Président de la République,  le même est l’auteur d’un rapport sans lendemain sur les relations France-Algérie. Il s’agissait d’une commande du président Macron pour tenter d’habiller un rapprochement netre Paris et Alger qui n’a, hélas, jamais eu lieu.

https://mondafrique.com/benjamin-stora-coupable-de-revisionnisme/

Bref, aux manettes du film, un attelage œcuménique d’habitués de la Cour, taillé pour retranscrire fidèlement ce qu’il faut penser du conflit de ce côté-ci de la Méditerranée. A ceci près que ces auteurs présentent la caractéristique d’être tous les deux pieds-noirs et que dès les premières minutes du film, à contre-courant de l’équilibre des points de vue, vanté par les auteurs dans leur note d’intention. Il affleure inévitablement une certaine nostalgie coloniale qui restera le fil conducteur principal de cette fresque couvrant la période 1830-1962.

Une nostalgie coloniale

L’histoire que le duo Stora-Benamou raconte pendant plus de quatre heures, est donc celle d’un pays de cocagne, saboté par des extrémistes, forcément extrémistes. D’un côté, le lobby des « gros colons » qui bloque systématiquement toutes les tentatives de reformes humanistes avant-guerre comme le plan Blum-Violette, qui laissent la place aux ultras de l’Algérie française; de l’autre les agitateurs indépendantistes qui s’échinent à faire capoter tout compromis plus consensuel.

Le tout sous le regard navré d’un Albert Camus militant de la cause pied-noir et – en même temps – apôtre de la non-violence, érigé en grande conscience du film, alors même que l’écrivain s’était muré dans le silence dès que le début de guerre d’Indépendance, sujet dudit film. Bref…

Le film donne à voir une profusion d’images comme celle ci où l’on voit le général de Gaulle à Alger, mais hélas sans point de vue clair ni véritable articulation

Ses grands témoins très « people »

Pour le reste, le film oscille entre une chronique politique et militaire, précise, du conflit et celle, plus évanescente, du ressenti de la population. On passe de l’embuscade de Palestro (16 morts français) à la Bataille d’Alger, de l’attentat du car de Biskra au dynamitage du Milk Bar, de la semaine des barricades au putsh d’Alger. Le tout dans un tourbillon sans grandes articulations.

Malheureusement, les entretiens réalisés pour le film n’apportent guère d’éclairage pertinent sur ces enchaînements, tant nombre de témoins sollicités aujourd’hui semblent avoir été plus choisis plus pour leur célébrité (Cédric Villani, Yasmina Reza, Pierre Joxe) que pour leur pertinence. On a affaire plus à des experts qu’à de véritables témoins. Parmi les quelques rares entretiens qui sonnent juste, les récits tout en sensibilité de Nicole Garcia et les sentiments ambivalents de Slimane Zeghidour, écrivain élevé dans un camp de déplacés qui, enfant, avait du mal à comprendre la figure du soldat français. Pourquoi ce dernier, se demandait-il, tuait des Algériens et faisait la classe aux enfants de ceux-ci?

Les autres témoignages sont issus pour la plupart d’archives d’anciennes interviews déjà données à la télévision par des protagonistes des événements dans les années 70 ou 80. En exprimant une vérité datée, ils privent le film de la résonnance actuelle que les promoteurs du film assurent pourtant avoir cherché.

Les fondateurs de « l’organisation spéciale », ancêtre du FLN

« L’Orient compliqué de l’Algérie » !

Formellement, cet opus paresseux de la guerre d’Algérie rate également largement sa cible. Le commentaire est lu de façon théâtrale par Benoît Magimel et jalonné de poncifs ridicules (« L’Orient compliqué de l’Algérie » !). Les archives plaquées sans grande pertinence, traitées comme de simples illustrations, sans interroger leur pertinence, reprises en longueur et sans contextualisation, vagues recyclages de vieux reportages de « Cinq Colonnes à la Une ».

Ce qui était annoncé comme une somme définitive bénéficiant de soixante ans de recul et d’analyse, permettant de mettre fin aux ambiguïtés du conflit, se révèle être, en réalité, un pensum long comme un cours d’histoire-géo de ZEP dans les années 80, dispensé par un enseignant médiocre à l’aube de la retraite.

En creux, le film montre par contre assez bien, combien dans les antichambres des Palais nationaux, l’histoire de la guerre d’Algérie a  toujours du mal à passer. Il faudra peut-être encore quarante années supplémentaires supplémentaires pour digérer ce bain de sang sans aigreur d’estomac.

https://mondafrique.com/sur-arte-les-deux-memoires-reconciliees-de-la-guerre-dalgerie/

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Kemi Seba poursuivi pour des infractions au code militaire https://mondafrique.com/confidentiels/kemi-seba-poursuivi-pour-des-infractions-au-code-militaire/ Thu, 17 Oct 2024 17:11:48 +0000 https://mondafrique.com/?p=120273 Arrêté lundi à la sortie d’un restaurant parisien, le panafricaniste Kémi Seba est en garde-à-vue à la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, à Levallois-Perret, pour des infractions au code militaire qui lui font encourir une peine de trente ans d’emprisonnement. Son avocat, le médiatique Juan Branco, accuse Paris de « vengeance mesquine. »  Ce ne sont […]

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Arrêté lundi à la sortie d’un restaurant parisien, le panafricaniste Kémi Seba est en garde-à-vue à la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, à Levallois-Perret, pour des infractions au code militaire qui lui font encourir une peine de trente ans d’emprisonnement. Son avocat, le médiatique Juan Branco, accuse Paris de « vengeance mesquine. » 

Ce ne sont pas les conditions d’entrée sur le territoire français qui sont reprochées à l’activiste. Déchu de sa nationalité française le 9 juillet, pour sa « posture constante résolument anti-française, susceptible de porter gravement atteinte aux intérêts français », selon le courrier que lui avait envoyé le ministère de l’Intérieur en début d’année, Kemi Seba est arrivé légalement en France, quatre jours avant son arrestation, en possession d’un visa Schengen valide délivré par l’Espagne et d’un passeport diplomatique nigérien dument accompagné d’une note verbale et d’un ordre de mission. 

Ce qui lui est reproché désormais, à travers les infractions d’intelligence avec une puissance étrangère et d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, c’est finalement la déclinaison pénale des accusations portées par l’administration française dans la procédure de déchéance. Autrement dit, un délit et un crime relevant du code militaire et appliqué d’ordinaire aux traitres et aux espions.

Son avocat y voit, lui, une atteinte grave aux libertés publiques puisqu’il s’agit, dit-il, d’un contournement des lois sur la presse qui excluent les contraintes de corps.

Venger l’humiliation 

Lors d’une conférence de presse mercredi à Levallois-Perret, Me Juan Branco a précisé que les infractions reprochées à son client « ne peuvent s’appliquer que quand vous nourrissez un conflit militaire avec la France ». Or, ce n’est pas le cas de Kemi Seba, activiste adepte de la non violence. « Il n’a jamais commis ni incité à un quelconque acte de violence. Ca ne lui est même pas reproché. Il n’a fait qu’utiliser des mots », a insisté l’avocat. De même, pas de manoeuvre dissimulée chez Kemi Seba qui, au contraire, a toujours agi publiquement. « Il n’a jamais masqué ses actions et partenariats avec de très nombreuses forces qui font contrepoids à la puissance états-unienne et à l’Occident, que ce soit le Vénézuela, Cuba, la Russie et autre. » Il a aussi publiquement déclaré, lors d’un voyage en Russie, qu’il ne fallait pas compter sur lui pour « asservir l’Afrique à de nouvelles puissances. »

Pour Me Branco, il s’agit plutôt de la construction d’un « prétexte pour détruire cet homme et, probablement, pour venger l’humiliation que ressentent une partie des dirigeants français suite à l’effondrement de ces dispositifs françafricains qui ont longtemps alimenté, y compris financièrement, les élites de ce pays. »

La garde-à-vue du suprémaciste noir peut être prolongée jusqu’à 96 heures. On ignore quelles suites lui seront données :libération pure et simple ou présentation au parquet et placement en détention. Il s’agit d’un « dossier strictement politique », puisqu’initié par le parquet avec, compte-tenu des implications géopolitiques et géostratégiques, une information très suivie des plus hautes autorités de l’Etat, a dit Me Branco. Kemi Seba pourrait aussi être expulsé au Bénin, où le Président Patrice Talon ne l’accueillera pas avec des fleurs, compte-tenu des relations de l’activiste avec l’opposition. Dans ce pays officiellement démocratique dont le Président règne sans partage, plusieurs opposants purgent actuellement de lourdes peines d’emprisonnement.

Kémi Séba, figure de l’anti colonialisme au Sahel, aurait été arrêté en France

 

 

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