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3232Les Eglises évangéliques, porte d’entrée de Trump en Afrique centrale
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https://mondafrique.com/a-la-une/les-eglises-evangeliques-porte-dentree-de-trump-en-afrique-centrale/#respondThu, 31 Jul 2025 03:51:00 +0000https://mondafrique.com/?p=40442Aux Etats-Unis d’Amérique, le président Trump et son Administration s’appuient ouvertement et sans retenue sur les Églises évangéliques, notamment Pentecôtistes, qui lui fournissent d’importants bataillons d’électeurs. et représentent un accès privilégié vers l’Afrique centrale Cet électorat populaire, sensible aux discours primaires et plutôt défavorisé par la nouvelle économie, se réfugie avec une foi inébranlable dans […]
]]>Aux Etats-Unis d’Amérique, le président Trump et son Administration s’appuient ouvertement et sans retenue sur les Églises évangéliques, notamment Pentecôtistes, qui lui fournissent d’importants bataillons d’électeurs. et représentent un accès privilégié vers l’Afrique centrale
Cet électorat populaire, sensible aux discours primaires et plutôt défavorisé par la nouvelle économie, se réfugie avec une foi inébranlable dans un christianisme de combat contre les » forces du mal ». Parmi ces chrétiens fondamentalistes, il y a de nombreux Afro–Américains, généralement originaires d’Afrique centrale, dont la ferveur est popularisée par les Gospels et les sermons interminables de pasteurs qui électrisent les foules de fidèles. Le président Trump a vite saisi tout l’avantage qu’il pourrait tirer en Afrique de ce renouveau religieux messianique.
L’ intérêt de la diplomatie américaine
La diplomatie américaine encourage l’osmose entre ces Églises évangéliques américaines et leurs homologues africaines pour en faire un vecteur de leur politique d’influence dans certains pays où l’État est en décomposition et où les populations sont de plus en plus laissées à elles-mêmes, comme en RDC, au Burundi, au Congo, au Gabon et surtout en Centrafrique.
En ces terres, où le christianisme s’est développé sur un fond d’animisme ambiant, l’islam n’irradie pas la société comme en Afrique de l’ouest. Le Département d’État trouve donc là une carte politique bien plus efficace que les ONG internationales de défense des droits de l’homme ou de lutte contre la corruption, non seulement pour contrer les offensives économico-financières de la Chine et davantage politiques de la Russie, mais aussi pour se rapprocher de chefs d’Etat et de leur entourage qui avaient pourtant pris leur distance avec les pratiques démocratiques et l’Etat de droit. Le retour des Etats-Unis d’Amérique en Afrique centrale passe aussi par la religion.
Les atouts des Églises américaines
Depuis plusieurs décennies, les Églises américaines pentecôtistes ont noué des liens fraternels avec les Églises dite du réveil d’Afrique. Ces Églises du courant baptiste sont en plein essor, sur les terres jadis christianisées par des pasteurs européens ou évangélisées par des missionnaires catholiques venus de l’étranger. Les » envoyés de Dieu » de ces Églises américaines ne manquent pas de rappeler à leurs ouailles africaines qu’il était temps de consolider l’indépendance religieuse, en mettant un terme au clergé non national qui était encore trop lié à la période coloniale. L’Église catholique romaine est surtout en ligne de mire.
De surcroît, par ses prélats, l’Église catholique n’hésite pas à condamner les dérives antidémocratiques des régimes autocratiques, ce qui est très rarement le cas des Eglises évangéliques qui se sont glissées dans cet environnement politique de plus en plus éloigné du droit et de la démocratie. Les Églises évangéliques prônent le salut personnel par la prière, le mysticisme, les exercices de contrition physique. Elles encouragent la réussite financière et l’accumulation de richesses qui est » un don de Dieu », ce qui n’est pas pour déplaire aux prédateurs et corrompus et, en particulier, aux chefs de l’Etat qui ont vu tout l’intérêt de rejoindre ces Églises du réveil et au-delà le soutien qu’ils pourraient attendre des Églises évangéliques américaines, influentes près de l’Administration de Trump.
La religion au service de la politique
En Afrique centrale, les politiciens ont vite compris l’intérêt qu’ils pourraient avoir en devenant pasteur ou diacre d’une Église qui serait à leur dévotion. Après tant de malheurs subis, les populations s’en remettent à Dieu pour obtenir la résolution de tous leurs problèmes. On ne s’étonnera donc pas de voir de nombreux hauts fonctionnaires, de parlementaires, des ministres et même des chefs de l’État s’investir dans un christianisme aux couleurs locales pour jouer aux intercesseurs auprès de Dieu. Ce faisant, les mécontentements grandissants pourront être anesthésiés et de nouvelles sources de revenus pourront être développées. Ces Églises seront aussi un vivier électoral irremplaçable, alors que les partis politiques sont largement discrédités.
L’exemple centrafricain
En Centrafrique, le général-président François Bozizé avait bien compris l’intérêt électoral qu’il pouvait tirer de son Église » du christianisme céleste- Nouvelle Jérusalem » mais, contrairement à son successeur, il n’avait pas vu l’aspect international des liens évangéliques dont il aurait pu tirer avantage avec les Églises américaines. Tout en se mettant sous la protection de la Russie et du groupe Wagner, le président Touadera a réussi à obtenir les bonnes grâces du Département d’État, par l’intermédiaire des Églises d’obédience baptiste américaines. Lui-même diacre, il participe aux offices banguissois, plein de ferveur mystique, en mettant de côté sa fonction de chef d’un Etat laïc. Il s’entoure de pasteurs qui lui servent plus ou moins d’oracles et ponctue, de plus en plus, ses discours de chef de l’Etat par des références à Dieu. A chaque séjour aux États-Unis d’Amérique, il ne manque pas de faire fructifier les liens avec l’Alliance internationale baptiste, ce qui facilite ses contacts avec le Département d’État. Lors de sa dernière tournée en Afrique, le Sous Sous-secrétaire d’État pour l’Afrique, Tibor Nagy, avait fait une escale de deux jours à Bangui afin de prodiguer des encouragements pour la tenue d’élections fin décembre 2020, sans s’appesantir sur la situation catastrophique du pays. Une nouvelle ambassadrice US a été nommée. Elle fait preuve de bonnes dispositions à l’égard du président Touadera, notamment en présidant le G5 Centrafrique, en apportant un soutien financier et technique conséquent, via l’Usaid, pour lutter contre le Covid-19 et les échéances électorales, pourtant de plus en plus improbables en 2020. La pression des Églises évangéliques américaines pour aider » un élu de Dieu », fut-il polygame, n’est peut-être pas étrangère à ce regain d’attention du Département d’État pour un pays ou les États-Unis d’Amérique n’ont aucun intérêt.
L’absence de soutien aux positions catholiques
Dans plusieurs États, où elle est bien implantée, l’Église catholique est beaucoup moins accommodante que les Églises évangéliques dont les pasteurs sont souvent des relais du pouvoir. L’Église catholique, par son centralisme, son universalisme et par son organisation hiérarchique, avec ses prêtres répartis sur l’ensemble du territoire, ses évêques dirigeant des diocèses, ses cardinaux, directement reliés au Pape, et les nonces apostoliques, ambassadeur du Saint-Siège, constitue une sorte d’État dans l’État. Alors que les Églises évangéliques interviennent rarement contre les pouvoirs établis, les admonestations des cardinaux et évêques à l’égard des Chefs de l’Etat ne manquent pas.
Citons les derniers exemples : En RDC, les cardinaux, Laurent Monsengwo et Fridolin Ambogo étaient les plus virulents détracteurs de Joseph Kabila. Ils ont également dénoncé l’élection suspecte de Félix Tshisekedi, mais celle-ci, en revanche, fut curieusement très vite validée par les États-Unis d’Amérique.
En Côte d’Ivoire, le cardinal d’Abidjan, Jean-Pierre Kutwa n’hésita pas à faire remarquer à Alassane Drame Ouattara qu’un troisième mandat présidentiel « n’était pas nécessaire ».
Au Togo, la Conférence épiscopale du Togo a stigmatisé le manque de transparence, d’équité, de crédibilité de la quatrième réélection de Faure Gnassimgbé. L’ancien archevêque de Lome vit quasiment en liberté surveillée.
En Centrafrique, le cardinal Dieudonné Nzapalainga s’associe, de moins en moins, à la plateforme religieuse, initialement constituée avec un pasteur et un imam, pour stigmatiser les violences des groupes armés et mettre en cause l’inertie du président Touadera. Que ce soit en RDC, en Côte d’Ivoire, au Togo et en Centrafrique, on ne verra pas la diplomatie de Donald Trump soutenir ces positions de l’Église catholique.
Dans la plupart des États d’Afrique centrale avec la disparition de l’Etat de droit, l’effondrement du système scolaire, les mirages de la démocratie que constituent les élections, les crises se succédant aux crises accélérant la décomposition de l’Etat, la résilience atteint ses limites. Dans de nombreuses parties de l’Afrique, l’islam dans sa diversité apporte ses solutions. Dans les régions christianisées, la religion catholique marque le pas face aux Eglises évangéliques qui offrent une adaptabilité incontestable au contexte africain. Les Etats-Unis d’Amérique ont bien vu tous les avantages qu’ils avaient sur les autres Puissances pour accompagner voire diriger l’essor de ces Églises du réveil.
]]>https://mondafrique.com/a-la-une/les-eglises-evangeliques-porte-dentree-de-trump-en-afrique-centrale/feed/0La guerre froide en Afrique(5/5), le Mali hésite entre Moscou et Washington
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https://mondafrique.com/international/guerre-froide-en-afrique-5-6-quand-le-mali-jouait-moscou-et-washinton/#respondMon, 28 Jul 2025 01:01:00 +0000https://mondafrique.com/?p=54051Pendant les huit années où il a exercé tout le pouvoir au Mali, Modibo Keita n’a cessé de louvoyer entre les intérêts des grandes puissances pour maximiser l’aide internationale accordée à Bamako. Un numéro d’équilibriste de grande volée Olivier Toscer Septembre 1959, le SDECE, le service de renseignement extérieur de la France rédige, à la […]
]]>Pendant les huit années où il a exercé tout le pouvoir au Mali, Modibo Keita n’a cessé de louvoyer entre les intérêts des grandes puissances pour maximiser l’aide internationale accordée à Bamako. Un numéro d’équilibriste de grande volée
Olivier Toscer
Le président malien Mobido keeita a tenté de jouer successivement le jeu de plusieurs grandes puissances: RUSSIE, CHINE, ETATS UNIS
Septembre 1959, le SDECE, le service de renseignement extérieur de la France rédige, à la demande Jacques Foccart, le M. Afrique du Général de Gaulle, un état des lieux du péril rouge en Afrique. Le dossier intitulé L’action du communisme en Afrique liste toute une série de points chauds visés par la propagande de Moscou et susceptibles de basculer du côté rouge de la force : l’Algérie, le Maroc, le Cameroun, la Guinée et l’Egypte principalement y figurent. Mais nulle mention du Mali.
Et pourtant dès la proclamation d’indépendance du pays, un an presque jour pour jour après ce rapport des services secrets, Bamako annonce se tourner vers l’Est. Quelques semaines plus tard, le président Modibo Keita expulse même l’armée française du Mali, contrairement aux accords signés avec la métropole quelques mois plus tôt. Dans la foulée, l’homme fort de Bamako se proclame socialiste révolutionnaire et partisan des thèses des non-alignés.
Les hommes de Foccart seraient-ils lourdement trompés en omettant de classer le Mali dans la liste des pays à surveiller ? Peut-être pas tant que cela, en réalité. Car les dirigeants de Bamako obsédés par l’urgence de se libérer du joug néo-colonial de la France vont se montrer plus opportunistes que proprement communistes. Dans la Guerre Froide qui glace le monde et le continent africain, Le Mali va devenir un savant manipulateur de la tension entre les deux Grands, afin de profiter au maximum des deux systèmes. Quitte à jouer également la carte chinoise
Dans un premier temps, l’URSS, déjà bien implanté en Guinée voisine, va essayer de pousser son avantage. Le bloc de l’Est devient l’un des principaux partenaires commerciaux du Mali avec 42 % des échanges, loin devant les Etats-Unis, avec seulement 2,3 %. Aux côtés des Soviétiques interviennent également plusieurs centaines de conseillers tchécoslovaques, chargés notamment de développer l’aviation civile et de cornaquer Air Mali. Le franc malien est également frappé à Prague.Les Allemands de l’Est, eux, même plus discrets, sont bien présent également à Bamako dans les premiers temps de l’indépendance.
L’engagement de l’Union soviétique ne répond à la seule volonté d’abaisser le rideau de fer sur le Mali. Les Soviétiques pensent pouvoir faire de bonnes affaires dans le pays, notamment en mettant la main sur la recherche minière. Ils espérent mettre à jour des gisements semblables à ceux du désert algérien. En échange de leur participation à la construction de grandes infrastructures dans le pays (stade omnisport de Bamako, flotte d’Illiouchine pour Air Mali, école nationale d’administration, ect) le rusé Modibo Keita cède en effet aux Soviétiques, l’ancien bureau minier de l’AOF, issu de la colonisation française. Mais, malgré quantités de forages dans l’Adrar des Ifogas et à Tin Raidane, les Soviétiques doivent déchanter. La Mali reste très pauvre en ressources naturelles.
« Nous vendons le communisme à l’Afrique. Mais dans les faits, nous devons payer les Africains pour qu’ils nous l’achètent » Krouchtchev
Ancien haut responsable du KGB aujourd’hui directeur d’un institut sur la sécurité à Moscou, Andreï Salnikov l’a récemment rappelé : « Khrouchtchev disait toujours : « Nous vendons le communisme à l’Afrique. Mais dans les faits, nous devons payer les Africains pour qu’ils nous l’achètent ». Moscou crache donc au bassinet, équipant l’armée malienne en équipements lourds et en instructeurs militaires et prenant une part prépondérante dans l’éducation et la formation.
Dès la proclamation d’indépendance, le Mali avait rompu tous les liens de coopération éducative avec le Sénégal, seul pays voisin à posséder une université. Et le Mali n’avait aucun établissement d’enseignement supérieur sur son sol. La France demeurait le seul lieu de formation possible pour son élite, au grand déplaisir des dirigeants farouchement anticolonialiste du pays.
L’URSS offre donc ses services. Une partie de la future élite malienne va aller se former sous les rudes latitudes moscovites, comme une partie des étudiants africains de cette époque. La particularité malienne est que cette formation des cadres va concerner également en grand nombre les femmes. Une curiosité issue des relations poussées existant entre Aoua Keita, la seule femme à siéger au bureau politique de l’US-RDA, le parti au pouvoir à Bamako et la très puissante organisation féministe du parti communiste d’Union soviétique, la CFS, le Comité des Femmes Soviétiques.
Sage-femme de profession, Aoua Keita pousse pour augmenter les quotas d’étudiantes à être acceptée en Union Soviétique pour des études de médecine. Le Mali sera ainsi le premier pays africain à se doter de médecins femmes.
Le malien Modibo Keita et le chinois Chou en Lai en 1964
Modibo Keita, désireux de maximiser l’aide internationale, n’accorde aucune exclusivité aux Soviétiques
Mais ses investissements à fonds perdus commencent à lasser le Kremlin. D’autant que, Modibo Keita, désireux de maximiser l’aide internationale, n’accorde aucune exclusivité aux Soviétiques et se rapproche de plus en plus de la Chine.
Dès 1962, Pékin envoie cinq experts en agriculture auprès de l’Office du Niger, crée sous la colonisation française pour cultiver le coton mais réorientée par le nouveau pouvoir vers la culture du riz. Des dizaines d’autres techniciens chinois vont suivre.
Les Maliens sont aux anges. Une série d’archives chinoises confidentielles récemment exhumées par la fondation MacArthur aux Etats-Unis montrent qu’ils se sentent autorisés à toujours en demander plus. « Le gouvernement du Mali a encore demandé que nous envoyons des experts en sculpture sur bois et ivoire pour enseigner à l’Institut de l’art du Mali, écrivent par exemple les responsables des artisans chinois au hiérarques du Parti. Précisant que les Maliens n’ont encore rien précisé concernant la rémunération des experts ». Et de proposer un partage des dépenses : les indemnités d’habillement, de matériel, les salaires et les dépenses de voyage à la charge de Pékin ; l’argent de poche, les dépenses de logement, de santé et de transport sur place à celle de Bamako. « Merci de préciser si cet arrangement est acceptable ou non »[1].
Forcément, la place grandissante des Chinois auprès du pouvoir malien ne laisse pas l’Ouest indifférent. « Les Maliens sont été impressionnés par les techniciens chinois, particulièrement par leur énergie, leur gentillesse et leur mode de vie simple, relève la CIA dans un rapport spécial classé « secret »[2]. MaisPékin est en train d’encourager les sentiments anticolonialistes déjà fort et essaye de les diriger contre les Etats-Unis et l’URSS », s’alarme l’agence américaine, s’inquiétant par exemple « des louanges extravagantes du Mali envers la bombe nucléaire chinoise. Elle est célébrée par la presse et la radio malienne comme une « une bombe de la paix », s’étranglent les analystes de Langley.
Les Soviétiques, qui ont déjà rompu avec la Chine, voient eux aussi d’un mauvais œil se rapprochement sino-malien. « Nous préférons nous allier avec nos ennemis, les Américains, si cela était nécessaire pour empêcher le socialisme chinois de s’imposer dans le monde », aurait dit Leonid Brejnev à un ministre malien en visite à Moscou, selon un rapport du renseignement français[3].
Bamako, qui estime avoir tiré de Moscou tout ce qu’il y avait à prendre, ne fait pas grand cas des états d’âmes soviétiques. Les dirigeants maliens pensent pouvoir compter sans réserve sur la Chine. C’est un peu présomptueux. Car les Chinois eux mêmes, commencent à trouver ce partenaire africain un peu trop exigeants.
Malgré les communiqués de la propagande qui louent l’amitié sino-malienne, les conseillers techniques se font en réalité tirer l’oreille pour venir à Bamako.
Pourtant l’ambassadeur chinois est très vite inquiet de la tournure prise par la coopération entre son pays et le Mali : « Nos experts en agriculture et les camarades traducteurs ne sont en général pas bien préparé pour un séjour de longue durée au Mali et ne souhaitent pas rester plus longtemps, écrit-il à Pékin, relevant la difficulté du contexte malien comme le climat et les rudes conditions de vie (…) Dans le futur, nous devrons expliquer clairement combien de temps ils devront rester à l’étranger. Si nous ne sommes pas surs, nous ne devons pas donner de date aléatoire pour leur retour pour éviter d’avoir à une pas respecter notre parole, ce qui pèse sur leur moral »[4].
Après le refroidissement avec Moscou, l’idylle avec Pékin risque, elle aussi de tourner court. C’est l’avis des analystes de la CIA qui, connaissant l’appétit insatiable du Mali pour l’aide étrangère, regardent la situation d’un œil amusé : « Pékin a offert un prêt à long terme et sans intérêt de 19,6 million de dollars, bien inférieur à celui de 55 million déjà obtenu de l’URSS », notent-ils 1965. Et de conclure : « Bamako pourrait peut-être subir une désillusion face au peu d’efficacité de l’aide chinoise comme cela s’est déjà passé avec le pourtant plus ambitieux programme d’aide soviétique ».
Mais plus nationalistes que communistes dans l’âme, les Maliens ne sont pas à un changement d’alliance près. Quatre ans seulement après leur indépendance et des lunes de miel consécutives avec les Soviétiques et les Chinois, ils se préparent déjà à se retourner vers l’Hexagone. « Les relations avec la France ont beaucoup variées depuis la mi-1964, observe par exemple la CIA. A la différence d’avant, quand la pression chinoise était forte et que,Paris était la cible favorite de la propagande, aujourd’hui, les porte-paroles maliens se gardent d’incriminer la France dans leurs récentes dénonciations des activités impérialistes. Et en plusieurs occasion, Keita et ses ministres ont approuvé la politique étrangère de De Gaulle ».
Effectivement, peu à peu, la France revient sur la scène politique malienne, notamment en volant au secours du franc malien en 1967.
Le coup d’Etat militaire qui balaiera Modibo Keita en 1968 portera un coup fatal à l’influence communiste à Bamako. Et progressivement, après avoir profité des espèces sonnantes et trébuchantes de la Guerre Froide, le pays retournera dans le giron de l’Occident.
[1] Câble confidentiel du Bureau de coordination de toutes les coopératives artisanales de Chine au Comité de liaison culturelle à l’étranger de la République populaire de Chine daté du 8 décembre 1964
[2]Le Mali, principal atout de Pékin en Afrique, rapport spécial de la CIA daté du 12 février 1965.
[3] Note du SDECE à Jacques Foccart, le M. Afrique du Général de Gaulle, datée du 26 septembre 1969,
[4]Durée de travail des experts agronomes aidant le Mali, câble de l’Ambassade de Chine au Mali au bureau général pour les relations économiques avec les pays étrangers, le 10 janvier 1963
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]]>Sans jamais intervenir directement militairement en Angola, les Etats-Unis, sous l’impulsion du « faucon » Henry Kissinger, ont mené à partir de 1975 une guerre souterraine aux Soviétiques et aux Cubains en nombre sur les champs de bataille angolais. Livraisons d’armes, financement de mercenaires, opérations de déstabilisation : l’engagement de la CIA explique la durée d’un conflit qui aura duré plus de quinze ans
Une enquête d’Olivier Toscer
Jonas Savimbi, leader de l’UNITA, un des trois mouvements qui se disputent le pouvoir en Angola lors de l’indépendance du pays
Le 27 juin 1975, la Maison-Blanche réunit un conseil national de sécurité. Autour du président Gérald Ford et du Secrétaire d’Etat Henry Kissinger, siègent notamment le Secrétaire à la Défense James Schlesinger et le patron de la CIA, Bill Colby. Un seul sujet à l’ordre du jour : la situation en Angola. Elle est désastreuse du point de vue américain.
Depuis plus d’un an, après l’annonce de son retrait par le Portugal, la puissance coloniale, le pays est à feu et à sang. Trois mouvements rivaux se disputent le futur pouvoir, les armes à la main : d’un côté, les communistes du MPLA d’Agostinho Neto ; de l’autre, deux mouvements pro-occidentaux, le FNLA de Roberto Holden et l’UNITA de Jonas Savimbi.
Massivement soutenu par l’Union soviétique et le bloc de l’Est, ainsi que par des forces cubaines, encore peu nombreuses[1], le MPLA est aux portes de Luanda la capitale. Un situation qui inquiète Henry Kissinger au plus haut point : « L’histoire de l’Afrique a montré que le point essentiel est le contrôle de la capitale, professe-t-il ce jour-là. Par exemple dans la guerre civile au Congo, la raison pour laquelle nous avons pu sortir par le haut a été que nous n’avons jamais perdu le contrôle de la capitale Léopoldville. En Angola, si Neto(le leader de la rébellion pro-communiste,ndlr) gagne Luanda, il aura une base de pouvoir et petit à petit gagnera les faveurs des Africains »[2].
Et le Secrétaire d’Etat, faucon anticommuniste par excellence, de peindre devant le Président Ford, le tableau angolais en noir : « Les cargaisons d’armes soviétiques ont renversé la situation. (…) Le Portugal vacille face à Neto et les Soviétiques ont confiés des équipements importants, comme des transports de troupe, entre les mains de Neto », s’alarme-t-il.
Le président américains, Ronald reagan, en compagnie du leader de l’UNITA, Jonas Savimbi
Plusieurs options sur la table.
La première est la neutralité, « laisser la nature suivre son cours », comme il dit. Et de lister les avantages d’une telle position attentiste : « Echapper à une implication militaire coûteuse, nous protéger contre les critiques de la communauté internationale et nous éviter d’être dans une confrontation plus dure avec le MPLA ». Mais Kissinger tient aussi à mettre le président Ford devant les inconvénients d’un tel détachement américain. « Le résultat probable sera que Neto sera en position de force, l’Angola prendra une direction progressiste. Et le cerveau de la politique étrangère américaine de pointer également le risque de s’aliéner son allié, voisin de l’Angola, Le Zaïre. Mobutu aura la tentation de s’allier avec Savimbi (le leader de l’UNITA, groupe de rebelles pro-occidentaux, ndlr) et le Zaïre pourrait également conclure que nous nous désintéressons du sort de cette partie du monde et devenir devienne anti-américain ». Une hypothèse, en réalité peu réaliste, vu le soutien financier sans faille de la CIA dont Mobutu a bénéficié depuis le début de son règne il y a quinze ans…
Lors de cette réunion cruciale du Conseil de Sécurité, Kissinger écarte également d’un revers de main, la voie diplomatique. « Mon ministère y est favorable mais je ne le suis personnellement pas. Si nous appelons les Soviétiques à la modération, cela sera vu comme un signe de faiblesse et on arrivera à rien », explique-t-il.
En réalité, deux mois seulement après la chute de Saigon et le retrait des troupes américaines du Vietnam, Henry Kissinger est chaud partisan de repartir sur le sentier de la guerre, du côté de Luanda. Il penche clairement pour la livraison d’armes
« Le comité ad-hoc pour l’Angola a d’abord envisagé d’envoyer des fonds puis a étudié l’envoi d’armement. Je recommande qu’un groupe de travail étudie cette dernière option en détail », annonce-t-il au président. « En tous les cas, ne rien faire est inacceptable », répond ce dernier.
Dans ce document partiellement déclassifié, la CIA liste ses opérations secrètes menées en Angola pendant l’année 1975l
Engagement américain en Afrique Australe.
Les archives de la CIA récemment déclassifiées montrent en effet que le conflit angolais ne se résume pas à l’engagement historique de près de 20 000 soldats cubains sur le terrain et de l’implication massive des conseillers militaires soviétiques. L’action secrète des Américains, une gigantesque offensive basée sur les opérations clandestines, permet d’expliquer, la durée record du conflit angolais qui va durer vingt-sept longues années.
Au départ, les Etats-Unis avaient étudié la faisabilité d’un opérations aéronavale sur Luanda pour anéantir les forces pro-communistes. Mais ils y avaient finalement renoncé pour éviter un conflit armé direct et incertain avec le bloc de l’Est. « Le rapport de force est favorable au mouvement pro-soviétique du MPLA grâce à un afflux massif d’armes soviétiques »[3]avaient rapidement constaté les experts
La croisade angolaise est donc confiée à la CIA. Il s’agit de fournir les deux autres mouvements de libération non-communistes en armes et en moyens financiers, mais sans que cela ne s’ébruite.
Dès le 29 juillet 1975 un avion de transport C141 arrive de Kinshasa avec un premier chargement d’armes pour la rébellion anti-communiste. D’autres suivront. Mais selon les règles de l’action clandestine, ces armes ne doivent pas pouvoir être attribuées aux Etats-Unis. Ce sont donc essentiellement des armes de la Seconde guerre mondiale qui sont acheminés, ainsi que des missiles anti-aériens SA7 fourni par Israël. La CIA a convaincu l’Etat hébreu d’effectuer cette livraison en échange d’équipements américains modernes livrés à Tel Aviv.
Le 13 septembre 1975, les Américains accentuent encore leur aide « pour distribuer plus d’armes américaines modernes en Angola, entraîner des miliciens angolais hors du territoire angolais et recruter des conseillers militaires non-américains »[4]. Mais tout est fait pour garder cet engagement militaire américains le plus secret possible. Même son principal allié dans la région, le Zaïre, ne doit pas intervenir directement pour éviter d’alerter les Soviétiques. « Il faut éviter d’encourager Mobutu a envoyer ses propres troupes au Cabinda mais coopérer avec lui pour armer et entraîner des forces cabindaises », préconisent les experts de la CIA. Même si Bill Colby, le patron de l’Agence reconnaît que « si le renseignement montre que la situation en Angola se détériore, on ne pourra pas calmer Mobutu »[5]
Les combattants de l’UNITA, soutenus par les Américains
Détour par l’Afrique du Sud
La CIA préfère jouer la carte de l’Afrique du Sud, un partenaire réputé plus fiable et moins soupçonnable d’agir sur ordre américain. Les troupes sud-africaines entrent ainsi en Angola le 14 octobre 1975 mais sans parvenir à empêcher la chute de la capitale Luanda aux mains des procommunistes. A partir de cette date, ce qui était une guerre civile africaine devient un conflit mondialisé, même en l’absence visible de l’US Army sur le terrain.
Pendant les 27 années que va durer le conflit angolais, l’armée américaine n’interviendra qu’une seule fois sous son pavillon, entre aout et octobre 1992, et de manière plutôt pacifique puisqu’il s’agissait de ramener par avion Hercules C-130 des rebelles pro-occidentaux chez eux, à la fin de la guerre. Mais pendant toutes la durée du conflit, des avions F27 affrétés par la CIA se chargeront de plusieurs opérations de transport. L’un d’eux sera même abattu par des MIG de l’armée de l’air cubaine en 1976.
La CIA n’est pas en reste non plus pour financer le recrutement de mercenaires à 300 dollars la semaine pour épauler les forces du FNLA de Roberto Holden. Budget total : 1,5 million de dollars. Plusieurs d’entre eux, tous arrivés via le Zaïre voisins, seront ainsi capturés par les hommes du MPLA et jugés publiquement. Certains seront condamnés à mort et exécutés.
Reagan élu, la CIA triomphe
En 1980, avec l’arrivée de Ronald Reagan à la Maison Blanche, les offensives clandestines de la CIA repartent de plus belle.
La CIA est chargé d’approvisionner la guérilla de Jonas Savimbi en armes et d’impliquer l’armée zaïroise, jusque là plutôt tenue à l’écart, dans le conflit. L’engagement américain devient de plus en plus massif. En 1987, Reagan donne même le feu vert pour livrer des missiles anti-aérien Stinger, le nec plus ultra de l’époque, à la guérilla anticommuniste. Il y en a pour 15 millions de dollars. Mais l’effort reste néanmoins dérisoire face aux milliards de dollars d’équipement fournis à ses alliés par l’Union Soviétique. L’équilibre des forces qui reste à l’avantage du bloc de l’Est, même si Washington ne cesse de mettre à contribution ses alliés dans le soutien à Savimbi. L’Arabie Saoudite par exemple paie la formation des rebelles de l’UNITA au Maroc pour cinquante millions de dollars. Même le Brésil est sommé d’envoyer des conseillers militaires sur le terrain.
La CIA attendra 1991 et le début du processus de paix pour mettre un point final à son opération secrète en Angola. Le bilan est maigre. Le MPLA, même si son vernis marxiste a disparu, est toujours au pouvoir à Luanda.
Le bilan humain du conflit est, lui, évalué à 500 000 morts.
[1] Selon un mémorandum titré « L’implication des Cubains en Angola », rédigé par la CIA le 22 juin 1977, ils ne sont que quelques centaines sur le terrain avant un engagement militaire beaucoup plus massif à partir de septembre 1975
[2] Minutes du Conseil de Sécurité Nationale du 27 juin 1975
[3] Extrait du récapitulatif des plans d’actions secrètes en Angola de janvier à octobre 1975, rédigé par la CIA, le 22 octobre 1975
]]>https://mondafrique.com/international/guerre-froide-en-afrique-6-6-nos-revelations-sur-la-cia-en-angola/feed/1L’armée américaine se tourne vers l’Afrique côtière « démocratique »
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Sun, 15 Sep 2024 07:35:50 +0000https://mondafrique.com/?p=118215Le général Michael Langley, patron du commandement américain pour l’Afrique (Africom), a déclaré jeudi que la coopération militaire de son pays allait désormais s’orienter en Afrique de l’Ouest vers les pays côtiers qui partagent avec les Etats-Unis « nos valeurs démocratiques et nos objectifs. » « Nous sommes en discussion avec la Côte d’Ivoire, le Ghana et le […]
]]>Le général Michael Langley, patron du commandement américain pour l’Afrique (Africom), a déclaré jeudi que la coopération militaire de son pays allait désormais s’orienter en Afrique de l’Ouest vers les pays côtiers qui partagent avec les Etats-Unis « nos valeurs démocratiques et nos objectifs. »
« Nous sommes en discussion avec la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Bénin », a précisé le général en visite au Kenya, lors d’une visio- conférence de presse consacrée à ses déplacements au Sahel et, plus généralement, à ses récentes rencontres avec les dirigeants africains, de la Somalie à l’Afrique de l’Ouest. « Nous commençons à repenser et à recalibrer notre action. »
Le général a déclaré que le retrait des forces américaines du Niger s’était déroulé sans incident. Les planificateurs militaires américains réfléchissent avec les responsables du Département d’Etat sur la politique à mener dans la région. La coopération dans le domaine de la sécurité au Sahel est nécessaire, a dit le général. La menace terroriste dans la région persiste et les pays ont besoin d’assistance pour assurer la sécurité et la stabilité pour leurs populations. « Nous allons continuer à échanger avec eux », a indiqué le commandant d’Africom. Ces derniers mois, les Etats-Unis ont dû abandonner leurs deux bases du Niger, y compris l’importante base de drones d’Agadez, et réduire leur présence au Tchad.
« Toutes nos activités et nos approches centrées sur les partenaires doivent être conduites par les Africains et mises en oeuvre avec l’appui américain », a-t-il insisté, apparemment soucieux de ménager la susceptibilité des armées du continent. « Ces principes guident tous nos engagements de coopération militaire avec l’Afrique sur tout le continent. »
Au-delà du terrorisme et du crime organisé, le changement climatique
Le commandement continuera d’échanger sur les questions de sécurité avec les pays partenaires, y compris dans la lutte contre les organisations extrémistes violentes et le crime transnational. En surplomb de tout cela, a-t-il dit, il y a l’inquiétude du continent sur les effets du changement climatique. Le changement climatique pourrait aggraver les migrations de masse et les tensions ethniques et engendrer des conflits pour l’accès aux ressources. « Nous abordons d’abord toutes ces questions avec nos partenaires africains, et puis j’écoute, j’apprends et nous proposons ensuite un ensemble de solutions concertées », a dit Langley.
Ces derniers mois, le commandant d’Africom a observé l’exercice African Lion, au Maroc. Il s’est rendu en Algérie, en Tunisie et en Libye. « L’objectif est d’unir les efforts, parce que nous savons que sur la scène globale, il y a d’autres pressions qui s’exercent au Maghreb et la possibilité du réveil d’organisations extrémistes violentes », a-t-il dit. « Chacun de ces pays fait face à des défis de nature différente. J’étais là-bas pour apprendre et pour comprendre leur approche de l’antiterrorisme. »
En ce qui concerne la Somalie, Langley a rapporté s’être entretenu avec le Président Hassan Sheikh Mohamoud au sujet de sa guerre contre les Shebab. Il a dit sa disponibilité à travailler à l’installation de la coalition parrainée par l’Union africaine pour venir en aide à la Somalie, la nouvelle Mission de soutien et de stabilisation de l’Union africaine (AUSSOM). Il s’est déclaré optimiste sur les capacités de l’armée somalienne à libérer les zones tenues par les Shebab.
Il a relevé l’influence de la Russie et de la Chine sur le continent, accusant la Russie d’avoir déstabilisé « du Sahel à la République centrafricaine ». Il a affirmé que les efforts des Etats-Unis pour harmoniser leur approche avec certains de ces pays avaient été « déformés à travers de la désinformation sur ce qu’Africom essayait de faire ». La désinformation a attisé l’instabilité dans la société civile et dans certains milieux militaires », a-t-il estimé.
]]>Série Niger (3/5), l’introuvable neutralité américaine
https://mondafrique.com/decryptage/niger-3-5-lintrouvable-neutralite-americaine/
Thu, 08 Aug 2024 23:27:00 +0000https://mondafrique.com/?p=115374Le 26 juillet 2023, c’est un coup d’Etat sans coup de feu qui fait tomber le Président Mohamed Bazoum, chose inédite dans le monde et même au Niger. Celui qui s’empare du Président est l’homme chargé de sa sécurité, le général Abdourahamane Tiani, qui commande la Garde Présidentielle. En ce matin de saison des pluies, nul […]
]]>Le 26 juillet 2023, c’est un coup d’Etat sans coup de feu qui fait tomber le Président Mohamed Bazoum, chose inédite dans le monde et même au Niger. Celui qui s’empare du Président est l’homme chargé de sa sécurité, le général Abdourahamane Tiani, qui commande la Garde Présidentielle. En ce matin de saison des pluies, nul ne peut encore imaginer les conséquences considérables à venir pour le Niger et pour l’ensemble de la région. En cinq épisodes, Mondafrique vous raconte comment une révolution de Palais a redessiné les rapports de force au Sahel.
Ce troisième volet est consacré au récit de l’introuvable neutralité américaine, qui a eu pour conséquence l’abandon forcé de la base de drones stratégique d’Agadez.
Evidemment, le coup d’Etat est une mauvaise nouvelle pour Washington. Au-delà des considérations stratégiques globales, les Etats-Unis s’inquiètent pour leur base 201 d’Agadez, qui permet à leurs drones de survoler tout le nord du continent, de Nouakchott à Djibouti. Ce poste d’observation est unique, et, pour l’heure, irremplaçable.
Il n’empêche, selon une source diplomatique interrogée par Mondafrique, qu’on a «tendance à surestimer l’importance stratégique du Niger pour les Etats-Unis.» Contrairement à ce qu’ont dit beaucoup de commentateurs français par la suite, «jamais le Niger ne l’a emporté sur la France dans la balance des intérêts.» Selon cette même source, Emmanuel Macron a été directement informé par Joe Biden pendant toute la durée de la crise. Ce sont, d’ailleurs, les renseignements américains qui ont révélé au Président français l’implication de l’ancien Président Issoufou dans le putsch. «Les Etats-Unis n’ont jamais été déloyaux vis à vis des Français. Tout ce que les Américains ont fait, les Français le savaient et en étaient avertis à l’avance», insiste la même source. La gravité de la crise entre Paris et Niamey (voir épisode 2) a donc conduit inexorablement au retrait américain.
Des barrières légales
Lorsque survient le coup d’Etat, le Département d’Etat se débat d’abord contre des entraves légales internes pour pouvoir conserver sa précieuse base à 110 millions de dollars. En cas de putsch, la section 7008 des lois de crédit restreint strictement la marge de manoeuvre de Washington, même avec une majorité large au Congrès. L’option la plus simple est, dès lors, de tenter d’infléchir la position du nouveau pouvoir à Niamey pour desserrer l’étau, normaliser la situation et continuer de faire fonctionner la base de l’Air Force.
Base américaine de drones à Agadez
C’est pour cette raison que très rapidement, Victoria Nuland arrive à Niamey, dès le 7 août 2023, pour offrir sa médiation en vue d’une sortie de crise. La sous-secrétaire d’Etat par intérim vient aussi faire part de la «vive inquiétude» américaine et exprimer son «engagement résolu à soutenir la démocratie ainsi que l’ordre constitutionnel.» Le compte-rendu se garde de parler de coup d’Etat et mentionne une «tentative extra-constitutionnelle de prise du pouvoir».
La diplomate rencontre alors «des membres du groupe qui revendique le pouvoir au Niger». Le chef de la délégation du Conseil national pour la sauvegarde de la Patrie est le général Salaou Barmou, nommé trois jours plus tôt chef d’Etat-major des Forces armées nigériennes, un officier longtemps présenté comme «l’homme des Américains». Victoria Nuland est d’ailleurs accompagnée d’officiers qui le connaissent personnellement. «Pour nous, de façon intéressante, le général Barmou (…) est quelqu’un qui a travaillé très étroitement avec les forces spéciales américaines pendant de très nombreuses années. Donc nous avons pu explorer en détail les risques encourus par certains aspects de notre coopération dont il s’est historiquement beaucoup occupé. Nous sommes confiants que cela sera pris en compte», dit-elle lors d’un point de presse le jour-même.
Un échange franc et difficile
Mais l’échange ne se passe pas bien. Victoria Nuland avoue que «les conversations ont été extrêmement franches et parfois assez difficiles parce que, à nouveau, nous poussons en faveur d’une solution négociée.» Et de poursuivre : «ils sont assez fermes sur leur vision de la façon dont ils veulent procéder et cela n’est pas conforme à la Constitution du Niger.»
Au-delà de la base 201, Washington s’inquiète d’une nouvelle perte d’influence de l’Occident qui pourrait bénéficier à la Russie, comme ce fut déjà le cas en Centrafrique et au Mali. La diplomate soulève donc la question de Wagner. Les militaires nigériens «comprennent parfaitement les risques pour leur souveraineté en cas d’invitation de Wagner», dit-elle, un peu rassurée sur ce point. N’empêche que Victoria Nuland repart bredouille, sans avoir pu rencontrer ni Mohamed Bazoum ni le général Abdourahamane Tiani.
Actuel chef d’Etat-major des FAN, le général Barmou a longtemps commandé les forces spéciales
Presque trois mois plus tard, la rupture de la coopération entre les deux pays et la menace de faire perdre au Niger des centaines de millions de dollars d’aide n’ont pas fait fléchir les autorités militaires. Le parapluie américain aurait pu permettre à Niamey de s’essayer à un grand écart d’équilibriste dans le grand jeu mondial. Certains l’ont espéré. Mais cela n’a finalement pas été possible, malgré les liens tissés pendant douze ans entre les deux pays, malgré les quatre soldats des forces spéciales tués à Tongo Tongo par l’Etat Islamique en octobre 2017, malgré le général Salaou Barmou et son master en études de sécurité stratégiques de l’Université de la Défense nationale à Washington DC.
La fermeté, mais sans intervention armée extérieure
Il faut reconnaître aux Etats-Unis d’avoir, bien que solidaires de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de ses décisions, rapidement fait savoir leur hostilité à un règlement par la force, privilégié, au contraire, par Emmanuel Macron. La crainte d’une instabilité accrue de la région, déjà en proie à un conflit armé qui s’enracine, en était la source. Mais dès les premiers jours, Washington ne s’est guère fait d’illusions, nous dit une source diplomatique, sur l’issue funeste qui se dessinait à terme pour ses intérêts.
Côté nigérien, la méfiance s’installe à la faveur de la tentative d’évasion avortée de Mohamed Bazoum, dans la nuit du 18 au 19 octobre 2023. Selon les sources de Mondafrique à Niamey, un hélicoptère américain devait transporter l’ex-Président au Nigéria, profitant de la totale liberté de circulation des aéronefs américains à ce moment-là. Le projet d’évasion a été déjoué dans l’oeuf mais il a révélé une entreprise organisée impliquant, au-delà de proches du Président déchu, la France et les Etats-Unis. Une lettre officielle des Etats-Unis aurait été adressée au Premier ministre Lamine Zeine à la suite de cet épisode, pour tenter d’amortir le coup. Dès lors, les militaires à Niamey acquièrent la conviction que le millier de soldats américains représente une menace pour leur pouvoir, comme les Français avant eux.
A la recherche de nouveaux partenaires pour sa sécurité, le régime de Niamey se tourne vers la Russie, l’Iran, la Turquie. Le vice-ministre russe Iounous-bek Evkourov est reçu le 4 décembre à Niamey par le général Tiani. Il s’agit de renforcer l’accord de coopération militaire déjà en vigueur. Une semaine plus tard, le 13 décembre, la secrétaire d’Etat adjointe aux Affaires africaines, Molly Phee, fait le voyage de Niamey. Elle rencontre le Premier ministre, plaide pour la négociation avec les autorités régionales et un partenariat équitable entre le Niger et les Etats-Unis. A cette date, le Niger est sous blocus depuis près de six mois, sur décision des instances régionales ouest-africaines. Les Etats-Unis approuvent cette fermeté de la CEDEAO et demandent à l’unisson, par la voix de Molly Phee, «un calendrier raisonnable pour une transition crédible et rapide qui permettra au Niger de revenir rapidement avec un gouvernement démocratiquement élu».
Une coopération de défense informelle et coûteuse pour le Niger
Molly Phee à Niamey, décembre 2023.
Dans l’intervalle, Salifou Modi, le ministre de la Défense, a pris pleinement possession de son portefeuille. Il découvre que la seule formalisation écrite de la coopération militaire entre le Niger et les Etats-Unis est une note verbale américaine du 6 juillet 2012 sur «le statut des personnels militaires et civils américains et des fournisseurs des Etats-Unis sous contrat avec le ministère de la Défense présents temporairement au Niger». Depuis la réponse positive à cette note, le 23 janvier 2013, du ministre des Affaires étrangères du Niger – qui n’est autre que Mohamed Bazoum – cette note fait office d’accord entre les deux pays. Les autorités nigériennes et américaines ont probablement voulu ainsi contourner la norme constitutionnelle nigérienne qui prévoit que les accords de défense doivent être approuvés par l’Assemblée nationale, alors présidée par Hama Amadou, la bête noire de Mahamadou Issoufou.
Le document entre les mains du général Modi aligne les privilèges accordés au personnel américain sur la Convention de Vienne, ce qui leur permet d’être entièrement sous régime américain, de porter leurs uniformes et leurs armes dans leurs missions officielles, de relever exclusivement de la justice américaine et de ne payer aucune taxe ou autre charge au Niger.
De ce fait, c’est le Niger qui s’acquitte, pour les Etats-Unis, des taxes dues par les aéronefs américains évoluant dans son espace aérien. Le général Modi découvre la facture : plus de 500 millions de francs CFA par trimestre. En effet, le texte prévoit que « les aéronefs possédés ou opérés par le département de la Défense ne seront pas soumis au paiement des frais d’atterrissage et de stationnement sur les installations nigériennes (ni) des frais de navigation, de survol ou de terminaux sur le territoire du Niger.»
Le général demande alors officiellement, via l’ambassade des Etats-Unis, une révision de l’accord et la prise en charge des frais de survol de l’espace aérien. Mais il ne recevra jamais de réponse.
La réunion de la rupture
Réunion à Niamey autour du Premier ministre Lamine Zeine, le 12 mars 2024
Lorsque Molly Phee revient le 12 mars à Niamey, accompagnée de la secrétaire d’Etat adjointe à la Défense, Celeste Wallander, et du général Michael Langley, le patron du commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom), elle s’attend sans doute à un échec. Mais peut-être pas à la franchise brutale de ses interlocuteurs.
Lors de la réunion du 13 mars, le général Modi met les pieds dans le plat. Il s’agace de n’avoir jamais reçu aucune réponse à son mémorandum proposant la formalisation du partenariat militaire. Puis il fait état de récents vols de drones américains non signalés dans l’espace aérien nigérien, découverts grâce à l’acquisition par le Niger d’un radar russe. L’un de ces drones est observé survolant la frontière bénino-nigérienne en coordination avec un avion de chasse français. D’autres à proximité d’une embuscade djihadiste. Pour le général, la mission des soldats américains n’est ni claire, ni loyale. «Vous êtes un vecteur d’insécurité», lance-t-il à ses interlocuteurs, médusés.
Le général Modi a été chef d’Etat-major des FAN de 2019 à 2023. Il a, à ce titre, fait plusieurs voyages aux Etats-Unis. Il s’est toujours plaint, comme son successeur, des règles d’engagement américaines. Les drones de longue portée décollant d’Agadez n’étaient pas là pour ouvrir le feu sur les groupes armés djihadistes. Le cadre légal de leur installation ne le leur permettait pas. Et la mort des quatre soldats des forces spéciales américains à Tongo Tongo, qui révéla leur présence au sol jusque là secrète, rendait le dossier très délicat. Finalement, à quoi sert alors cette coopération militaire ?
La discussion s’échauffe. La délégation américaine s’inquiète du rapprochement de Niamey avec ses ennemis. Accuse le Niger d’avoir conclu un accord secret de vente d’uranium avec Téhéran. «Vous venez nous menacer dans notre pays ?», s’enflamme le Premier ministre qui dément formellement un tel accord. «La CEDEAO et vous, c’est la même chose», s’emporte le colonel Ibro. La délégation américaine tente de plaider sa différence mais la réunion tourne court. Le lendemain, les deux parties se séparent sur un constat de désaccord total. Même le projet de compte-rendu est abandonné. L’avion américain ronfle déjà sur le tarmac de l’aéroport de Niamey. Faute de base légale, la coopération militaire entre les deux pays devient impossible. Et le contingent américain doit donc partir.
Le 16 mars, Niamey dénonce avec effet immédiat l’accord de coopération militaire avec les Etats-Unis. Un mois plus tard, Washington accepte de retirer son millier de soldats. Début août, ce retrait devrait être achevé. Depuis, le ton est redescendu. Les deux parties ont à coeur de ménager l’avenir. La coopération civile va reprendre à petits pas, plus modeste : le Niger n’est plus une priorité de l’attention américaine.
]]>Un petit tiers des soldats US a quitté le Niger
https://mondafrique.com/international/un-petit-tiers-des-soldats-us-a-quitte-le-niger/
Sat, 08 Jun 2024 15:20:15 +0000https://mondafrique.com/?p=112469Dans une déclaration conjointe, les autorités nigériennes et américaines ont annoncé samedi le début officiel du retrait des soldats US. Le 7 juin, 269 sur 946 personnels et plusieurs tonnes de matériel ont quitté le Niger à bord d’un C-17 Globemaster III de l’Armée de l’Air américaine, depuis la base aérienne 101 de Niamey, ont […]
]]>Dans une déclaration conjointe, les autorités nigériennes et américaines ont annoncé samedi le début officiel du retrait des soldats US.
Le 7 juin, 269 sur 946 personnels et plusieurs tonnes de matériel ont quitté le Niger à bord d’un C-17 Globemaster III de l’Armée de l’Air américaine, depuis la base aérienne 101 de Niamey, ont annoncé le ministère de la Défense du Niger et le Département de la Défense américain dans un communiqué.
« Ce vol marque le début d’une série de plusieurs rotations de gros porteurs pour le rapatriement du personnel et du matériel, conformément à l’accord sur le retrait des troupes américaines datant du 19 mai », précise le texte.
« Afin de permettre un retrait en bon ordre et en toute sécurité, une commission mixte de désengagement a été mise en place pour faciliter la coordination et garantir le bon déroulement de ce retrait. Cette commission mixte a établi des procédures pour un traitement diligent de toutes les questions liées à ce retrait, notamment la délivrance des autorisations de survol et d’atterrissage et l’organisation de convois terrestres de Ouallam et Diffa vers Niamey et Agadez. Aussi, dans un souci d’accélérer le processus de désengagement, un renfort en personnel logisticien américain est prévu au niveau des bases aériennes 101 et 201. »
Les Etats-Unis disposaient, jusqu’à tout récemment, de leur plus grande base de drones US sur le continent à Agadez, la capitale de la région nord du Niger. Des forces en petit nombre étaient également déployées à Ouallam, à l’ouest du Niger, dans la zone des trois frontières, et à Diffa, à la frontière orientale du pays, sur les deux fronts principaux de la guerre contre les groupes islamistes armés.
]]>Le général Langley défend la stratégie US en Afrique
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Mon, 03 Jun 2024 16:58:00 +0000https://mondafrique.com/?p=112055Le chef du commandement des Etats-Unis pour l’Afrique, le général Michael Langley, a vigoureusement défendu la stratégie antiterroriste de son pays sur le continent et il a promis de la renforcer, en dépit du rapprochement croissant avec la Russie et des critiques contre les Etats-Unis. Dans une interview accordée à l’agence Associated Press le […]
Le chef du commandement des Etats-Unis pour l’Afrique, le général Michael Langley, a vigoureusement défendu la stratégie antiterroriste de son pays sur le continent et il a promis de la renforcer, en dépit du rapprochement croissant avec la Russie et des critiques contre les Etats-Unis.
Dans une interview accordée à l’agence Associated Press le 29 mai, à Agadir, au Maroc, en marge de l’exercice militaire Afrique Lion, le général a imputé aux campagnes de désinformation russes le sentiment anti-américain observé au Sahel. Il a également estimé que l’armée américaine devait réaffirmer sa stratégie de longue date en faveur de la la stabilité au Sahel.
Les 6000 soldats américains stationnés en Afrique ont récemment été confrontés à des revers inédits avec la décision de N’Djamena et Niamey, deux de leurs alliés clé dans la région, de faire appel à l’armée et aux paramilitaires russes et de demander aux Américains d’abandonner leurs bases.
“Un sentiment négatif s’est répandu ces dernières années contre un de nos meilleurs alliés, la France, sur les réseaux sociaux et dans les médias en général », a dit Langley. “Une grande partie de ce sentiment négatif a été encouragé par la mésinformation et la désinformation émanant de la Fédération de Russie. » “Il faut qu’on fasse émerger notre narratif dans ces pays », a-t-il insisté.
Les coups d’Etat enregistrés au Sahel depuis 2020 sont survenus dans un contexte d’augmentation croissante du nombre des victimes du terrorisme dans la région depuis 2013. L’impuissance des gouvernements civils à enrayer la progression des groupes armés extrémistes a alimenté la frustration des armées nationales, de surcroît humiliées d’apparaître comme les supplétives des armées étrangères. Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les nouvelles autorités militaires ont pris leurs distances avec l’Occident et se sont rapprochées de la Russie.
Doubler la mise
Plutôt que de remettre en question la stratégie américaine, Langley a dit que les Etats-Unis comptaient “doubler la mise et se réengager avec ces pays » à travers des actions non militaires pour lutter contre le changement climatique et les crises agricoles et pour appuyer la gestion des conflits ethniques et des déplacements de personnes.
Langley a précisé que les Etats-Unis s’en tiendraient à leur approche gouvernementale privilégiant la bonne gouvernance et le renforcement des institutions au-delà de l’action militaire. Leur armée soutiendra les pays africains selon les modalités qu’ils veulent. Elle n’imposera pas ses idées, a-t-il insisté. Mais il s’est dit convaincu que les juntes ne seraient pas capables de vaincre le terrorisme ni d’assurer la stabilité à long terme. “Je ne veux pas interpeller ces pays mais ce sont des régimes militaires », a-t-il dit.
Environ un millier de soldats américains stationnés au Niger et une centaine d’autres au Tchad sont en train de vider les lieux. DoublLangley a affirmé que les forces américaines étaient engagées dans leur retrait du Niger en sécurité et en ordre et qu’elles réfléchiraient à leurs futurs partenariats en matière de sécurité plus tard. Il a ajouté que le statut des forces américaines au Tchad serait discuté une fois que le pays aurait installé son prochain gouvernement issu des élections du 6 mai.
Langley n’a pas précisé si les Etats-Unis avaient l’intention d’ouvrir de nouvelles bases ailleurs en Afrique mais il a affirmé que leur stratégie serait largement guidée par les besoins exprimés par les pays d’Afrique de l’Ouest. Dans les pays côtiers, a poursuivi Langley, les autorités expriment une inquiétude croissante à l’égard de la menace extrémiste violente et elles souhaitent pouvoir être en mesure de surveiller les régions frontalières dangereuses.
“Ce que ces pays demandent, c’est ce que veulent les Etats-Unis », a-t-il insisté. « Nous ne prescrivons rien. »
]]>Un communiqué consensuel de Washington et Niamey sur le retrait des troupes
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Mon, 20 May 2024 00:48:58 +0000https://mondafrique.com/?p=110671Dans un communiqué conjoint publié le 19 mai, les autorités nigériennes et américaines ont annoncé leur accord sur un retrait « en bon ordre et en toute sécurité des forces américaines du Niger. » « Ces discussions ont été conduites en toute transparence et avec un parfait respect mutuel entre les deux parties », insiste le texte, qui s’efforce […]
]]>Dans un communiqué conjoint publié le 19 mai, les autorités nigériennes et américaines ont annoncé leur accord sur un retrait « en bon ordre et en toute sécurité des forces américaines du Niger. »
« Ces discussions ont été conduites en toute transparence et avec un parfait respect mutuel entre les deux parties », insiste le texte, qui s’efforce de ménager les susceptibilités de part et d’autre, contrastant avec le bras de fer diplomatique observé entre Niamey et Paris au lendemain du coup d’Etat. Selon ce communiqué, le retrait a déjà commencé et se terminera « au plus tard le 15 septembre 2024. »
Soucieux de ménager l’amour-propre des deux camps, « le ministère de la Défense nationale du Niger et le Département de la Défense des Etats-Unis rappellent les sacrifices communs des forces nigériennes et américaines dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et se félicitent des efforts mutuels consentis dans la montée en puissance des forces armées nigériennes. » Quatre soldats des forces spéciales américaines ont trouvé la mort en 2017 dans une embuscade de l’Etat islamique à Tongo Tongo, près de la frontière entre le Niger et le Mali. C’est à l’occasion de cet événement qu’avait été révélée la présence de troupes au sol américaines au Niger.
Le ministre de la Défense du Niger, le général Salifou Mody et le sous-secrétaire américain à la Défense pour les opérations spéciales et conflits de faible intensité, Christopher Maier, signataires du communiqué publié à Niamey par la Présidence de la République, affirment, sans plus de détail, l’engagement de « poursuivre la coopération dans les domaines d’intérêts communs. »
Dans la foulée des consultations diplomatiques intenses menées après la demande nigérienne de retrait des soldats américains, les auteurs précisent que « le retrait des forces américaines du Niger n’entache en rien la poursuite des relations entre les Etats-Unis et le Niger dans le domaine du développement », le dialogue diplomatique se poursuivant « pour définir l’avenir de leurs relations bilatérales. »
]]>Le Tchad demande la révision des accords de défense avec les Etats-Unis
https://mondafrique.com/international/le-tchad-demande-la-resiliation-des-accords-de-defense-avec-les-etats-unis/
Fri, 19 Apr 2024 17:04:08 +0000https://mondafrique.com/?p=108273Dans une information donnée ce vendredi, la télévision américaine CNN a révélé que le gouvernement tchadien avait demandé officiellement aux autorités américaines la résiliation des accords de coopération militaire entre les deux pays. Citant quatre sources américaines, CNN précise que le courrier adressé la semaine dernière à l’attaché de défense US réclamait la […]
Dans une information donnée ce vendredi, la télévision américaine CNN a révélé que le gouvernement tchadien avait demandé officiellement aux autorités américaines la résiliation des accords de coopération militaire entre les deux pays.
Le général de Marine Michael Langley, chef du Commandement américain pour l’Afrique, a déclaré à la CNN que des autorisations diplomatiques préalables à des vols militaires au Niger « avaient été récemment refusées ou laissées sans réponse, ce qui nous a contraint à prolonger les déploiements dans certains cas. »
“La hiérarchie supérieure du Commandement américain pour l’Afrique continue de travailler étroitement avec le Département d’Etat et les autres administrations pour assurer que les soldats américains déployés au Niger reçoivent le soutien et les services dont ils ont besoin”, a affirmé le général Langley. Une source américaine officielle a indiqué à CNN qu’AFRICOM restait engagé dans les activités de renseignement et que le Département de la Défense et AFRICOM étaient « informés quotidiennement de la situation sur le terrain au Niger ».
Offensive russe en Afrique
Il y a une semaine, la télévision publique nigérienne avait annoncé la livraison de matériel militaire russe, y compris d’un système de défense aérien de dernière génération. En mars, le général Langley avait confié à la Commission sénatoriale de la défense que la Russie essayait « de reprendre l’Afrique centrale et le Sahel à un rythme accéléré. » Et de poursuivre: « La Fédération de Russie est sur le point de s’emparer d’un certain nombre de pays grâce à la désinformation qu’elle répand via la Libye et à partir d’une réponse stratégique, de son accès et de son influence à travers tout le Maghreb. Il s’agit du flanc sud de l’OTAN. Nous devons être capables de garantir et de préserver notre accès et notre influence dans tout le Maghreb, du Maroc jusqu’à la Libye.”
Lors d’une autre audition le mois dernier, le haut gradé avait précisé que les pays d’Afrique centrale étaient confrontés à un « dilemne », « ayant besoin d’aide au développement de la part de pays comme la Russie et la Chine mais pesant les risques pour leur souveraineté nationale. » « Dans cette région, les enjeux sont élevés », a-t-il conclu.
Langley qui était au Tchad en janvier de cette année aux côtés du conseiller principal d’AFRICOM, le sergent-major Michael Woods, avait rencontré les chefs de l’armée tchadienne, y compris le général Abakar Abdelkerim Daoud, le chef d’état-major général. AFRICOM, avait-il ajouté,C restait « engagé dans la construction de partenariats solides avec le Tchad et les autres nations africaines. »
]]>L’offre militaire russe répond à de nouveaux besoins en Afrique
https://mondafrique.com/international/loffre-militaire-russe-repond-a-de-nouveaux-besoins-en-afrique/
Sat, 06 Apr 2024 06:44:52 +0000https://mondafrique.com/?p=107343Le départ des Américains de la base d’Agadez, réclamé à la mi-mars par Niamey, semble se confirmer. Si les contentieux sur les conditions de la coopération entre les deux pays ont compté dans la rupture, les autorités militaires nigériennes, comme leurs voisines du Mali et du Burkina Faso, se tournent aussi vers la Russie parce […]
]]>Le départ des Américains de la base d’Agadez, réclamé à la mi-mars par Niamey, semble se confirmer. Si les contentieux sur les conditions de la coopération entre les deux pays ont compté dans la rupture, les autorités militaires nigériennes, comme leurs voisines du Mali et du Burkina Faso, se tournent aussi vers la Russie parce que son offre répond mieux à leurs besoins sur le terrain de la guerre.
Olivier Vallée
Le 26 mars, quelques jours après la déclaration annonçant l’arrêt de la coopération militaire avec les Etats-Unis, le général Abdourahamane Tiani, président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), s’est entretenu au téléphone avec Vladimir Poutine. Outre les félicitations d’usage au Président russe pour sa réélection, Abdourahamane Tiani a abordé clairement le projet d’une coopération stratégique multisectorielle et globale entre Niamey et Moscou. En effet, il ne s’agit pas simplement d’un basculement d’alliance diplomatique de l’Ouest à l’Est mais d’une adhésion des militaires maliens et nigériens à un nouveau modèle de la guerre, par une montée en puissance basée sur l’utilisation de nouvelles technologies. La Russie a déjà convaincu le Niger et le Mali de l’efficacité de son radar de surveillance aérienne avancé pour la couverture de l’espace aérien et l’alerte précoce en cas d’attaque par voie aérienne. Le dispositif d’appui russe très rapidement mis au service du Niger lui a permis de disposer de renseignements électroniques, de débuter des cyber-opérations et de disposer d’une couverture radar efficace.
Moscou a édifié depuis 2014 sa propre doctrine de « guerre sans contact » qui a été partiellement mise en œuvre au Mali. Cette doctrine est bien accueillie sur l’ensemble du continent car elle repose notamment sur la détection de la menace et l’usage de drones peu coûteux et faciles à utiliser. La guerre de drones est décriée car elle fait des victimes civiles en cas d’erreur de ciblage mais elle permet d’épargner un maximum de vies de soldats. Ce qui, au Sahel, est un enjeu essentiel, après les nombreuses pertes enregistrées depuis 2012.
La guerre sans contact théorisée par la Russie vise à vaincre l’ennemi sur le terrain économique et politique, à l’aide d’attaques prolongées et ciblées à travers des armes conventionnelles et des moyens électroniques mais aussi par des mesures non militaires, notamment informationnelles renforçant le potentiel contestataire au sein de la population adverse.
Wagner en bout de course au Sahel
Au Mali, depuis le mois dernier, l’effectif de Wagner a diminué de 1000 hommes. La brutalité de la milice russe, qui opère parfois sans même se faire accompagner d’interprètes, ne plaide pas en faveur de la poursuite de cette collaboration entre armée nationale et société militaire privée qui brouille, au surplus, les chaînes de commandement. Le ministère russe de la Défense souhaite remplacer Wagner en Afrique par son concurrent Redut ou même directement par des troupes régulières spécialisées, en particulier dans la guerre air-sol.
Selon le Figaro du 30 mars, Alexandre Bikantov, ambassadeur de Russie à Bangui, discuterait de l’installation d’une base russe en République centre-africaine. «Les ministères de la Défense des deux pays poursuivent les négociations», a affirmé Alexandre Bikantov lors d’une interview avec l’agence de presse russe Tass le 26 mars. «Des efforts sont en cours pour choisir un emplacement pour la base», a-t-il poursuivi.
C’est la localisation de la base qui posera le plus de soucis aux puissances extérieures comme les Etats-Unis et la Chine. La RCA voisine plusieurs pays en pleines turbulences politiques : le Tchad, le Cameroun et le Soudan. La base offrira aux Russes une capacité de projection et de stockage de matériel déterminante pour agir sur les zones contiguës. Il s’agit d’un stade supérieur à l’appui militaire russe déjà apporté à la RCA et très apprécié par l’entourage du Président Faustin Archange Touadéra. La disparition officielle de Wagner réinsère le contingent opérant en RCA dans la sphère des relations de coopération interétatique.
Un partenariat de confiance
Moscou a réussi à devenir un partenaire de confiance face aux Américains ou aux Français perçus comme des agents de désinformation et de déstabilisation. La faillite la plus retentissante en matière de coopération civile et militaire en Afrique reste pourtant celle de l’Union européenne, impuissante en matière de contre-insurrection mais méprisante et volontiers répressive à l’égard des régimes issus de coups d’État. En face, la Russie a bâti une offre militaire cohérente sur la durée. La demande a évolué et les pays confrontés à des guérillas mobiles et fuyantes ont abandonné toute référence au concept mou et vague de guerre hybride.
Le ministère de la Défense russe se prépare depuis des années à se substituer à l’Occident pour la coopération militaire. Entre 2014 et 2018, la Russie a signé 19 accords de défense en Afrique. Si l’Égypte et l’Algérie achètent en milliards d’US $, les autres pays commencent à se fournir chez les Russes en matériel de détection, en drones et en hélicoptères. L’ouverture antérieure de la Russie à la formation d’officiers africains lui a donné d’autres atouts lors des changements de régime au Sahel : le premier coup d’État au Mali en 2020 est le fait de colonels de retour de Russie.
La mort de Prigojine, le 23 août dernier, a sonné le début de la reprise de contrôle officiel de Wagner. Ses hommes sont répartis à présent en un corps de volontaires sur le front ukrainien et un autre expéditionnaire, destiné principalement à l’Afrique. Le corps expéditionnaire fixé à 20 000 hommes au terme de 2023 n’a toujours pas fait le plein. Son chef est Andrei Averyanov, déjà à la tête du service des actions spéciales du GRU, le service de renseignement militaire russe. Devant le besoin croissant de combattants russes en Ukraine, Andrei Averyanov entend mobiliser des non-Russes pour le corps expéditionnaire, des Syriens aux Soudanais.
Vers de nouvelles relations d’État à État
Le recrutement s’avère également difficile parce que le modèle économique de Wagner ne peut plus être reproduit. Wagner se payait avec des concessions minières et n’hésitait pas à emprunter les hélicoptères et les camions de l’armée malienne. Ce n’est plus à l’ordre du jour et il faudra que le ministère de la Défense russe définisse un partenariat cohérent qui pourrait être plus attrayant pour les gouvernement africains.
Le Mali, le Cameroun, Madagascar, la Tanzanie, le Burkina ont réformé récemment leurs codes miniers. Dans ce nouveau cadre légal, la possibilité de l’État d’attribuer des permis et de constituer des sociétés où le secteur public est majoritaire devrait autoriser des compagnies minières russes à investir et à travailler sans se cacher. La raffinerie d’or installée près de Bamako pourra aussi, suite au nouveau code minier, s’intégrer dans une société d’économie mixte d’où le corps expéditionnaire pourra tirer des revenus. Cette officialisation de la relation économique qui accompagne la coopération militaire vise à éviter des accusations de colonialisme russe.
L’agence fédérale russe de l’énergie atomique Rosatom complète, par ses liens avec les trois pays de l’Alliance des Etats du Sahel, le début d’une stratégie d’autonomie énergétique et de stockage de ressources stratégiques. Dans ce domaine également, la lente progression de l’agence atomique russe en Afrique coïncide avec la nouvelle donne militaire de Moscou après la fin de Wagner.