Originaire de Tombouctou, le styliste nigérien Alphadi a annoncé que le Festival International de la Mode en Afrique se tiendrait en novembre à Niamey malgré l’instabilité sécuritaire
Le Festival International de la Mode en Afrique (FIMA) 2015 se tiendra du 25 au 29 novembre à Niamey au Niger. Pour en faire l’annonce, le célèbre styliste nigérien et Président fondateur du Festival, Alphadi, a tenu une conférence de presse jeudi 18 juin à la Maison de l’UNESCO dans le 7ème arrondissement de Paris. Celui que l’on surnomme « Le magicien du désert » promet un 10ème FIMA « plus gros et plus fort » pour redorer l’image du continent noir et promouvoir l’excellence à l’africaine.
« La culture est un point de départ incontournable pour instaurer la paix et accélérer le développement en Afrique » a affirmé Alphadi, de son vrai nom Sidhamed Seidnaly. Cet événement est toujours très attendu dans les milieux de la mode, de la culture mais aussi de la politique. Rendez-vous biennal, le FIMA, qui fête sa 10ème édition cette année, aura lieu cette année, non pas dans le désert nigérien, mais à Niamey, au stade Général Seyni Kountché et au Palais du 29 juillet. Le festival sera l’occasion de braquer les projecteurs sur les talents africains dont regorge le continent et de donner un joli coup de pouce au tourisme nigérien. Autant dire que ce festival n’est pas un simple défilé de mode mais bien la concrétisation d’un projet soutenu par les autorités politiques du Niger. La présence à la conférence de presse de personnalités comme le Secrétaire Général du Ministère de la culture M. Moustapha Maï ou encore de M. Inoussa Ousseini, ambassadeur nigérien délégué permanent à l’Unesco, en témoigne. Moustapha Maï a d’ailleurs rappelé l’engagement personnel du Chef de l’État Mouhamadou Issoufou et de son Premier ministre dans la réussite du FIMA.
L’édition 2015 revue et enrichie
« L’Afrique n’a pas la chance d’avoir des financiers qui croient en elle » s’est indigné Alphadi. Un paradoxe quand on connaît la richesse des pratiques vestimentaires en Afrique dont se sont toujours inspirés de grands noms de la Haute Couture internationale. L’Afrique est le foyer de nombreux designers qui puisent leur inspiration dans le savoir-faire ancestral des ethnies africaines pour créer une mode originale et moderne. Mais alors pourquoi ne sont-ils pas plus reconnus à l’international ? « Nous avons le génie mais pas la connaissance académique » répond le Secrétaire Général du Ministère de la culture. Pour lui, l’excellence à l’africaine passe nécessairement par la formation. Cette année, le thème du Festival « Éducation, industrie pour une Afrique de métissage et de paix » annonce la couleur.
Avec le soutien du Gouvernement nigérien, la 10ème Édition du FIMA sera l’occasion de concrétiser un projet cher à Alphadi : l’ouverture de l’École Supérieure de la Mode et des Arts (ESMA) à Niamey. Son école, le créateur nigérien la veut « conçue pour dispenser une formation d’excellence pour des créateurs fiers de leur culture », car dit-il, « quand on est pas formé, on ne peut entrer dans la sphère des grands ». Parrainée par le célèbre brodeur François Lesage, cette école offrira des formations dans tous les métiers de la mode, du stylisme à la confection. L’ouverture est prévue à la rentrée 2015.
Dans l’optique de faire briller la création de mode africaine, le 10ème anniversaire du FIMA sera aussi l’occasion de lancer la 1ère édition du salon international de l’industrie de la beauté et de la mode : HASKE. « HASKE », qui signifie « Lumière » en langue Haoussa, servira l’ambition de créer des rencontres entre les investisseurs, les grands acheteurs et les créateurs africains de talent, encore inconnus. « Ce sera un salon pour renforcer la distribution et offrir de la visibilité à la mode africaine auprès d’acheteurs internationaux mais aussi auprès des consommateurs africains ». Pour le Prince du désert, le salon HASKE, qui aura comme partenaires la Chambre de Commerce et d’Industrie du Niger, la Maison de l’Afrique à Paris et de nombreuses Chambres de commerce africaines, sera un coup de projecteur sur la mode et les arts africains et contribuera au développement de l’Afrique.
La menace terroriste n’est pas loin
Depuis 1998, date de sa création, le FIMA se veut le porte-voix d’une Afrique en mouvement où règne la paix. Mais la grande peur du djihadisme qui déstabilise la région du Sahel pourrait jeter un voile noir, et pas en mousseline de soie, sur la participation de certaines grandes personnalités au Festival. La proximité du Niger avec le Tchad, le Nigéria et le Mali finit d’assombrir le tableau. Malgré tout, si personne ne veut minimiser les risques, l’Etat nigérien et le couturier se veulent rassurants. « Depuis six ans, la paix est totale » déclare Alphadi. Et d’ailleurs, le FIMA 2015 sera résolument urbain. « Nous avons choisi le lieu en conséquence. Le stade Seyni Kounté est en plein centre ville et la sécurité est totale ». Moustapha Maï s’est empressé de rappeler le contexte du 1er FIMA organisé en plein désert, considéré comme le foyer de la rébellion touareg, qui fut pourtant un franc succès. Ce que le Secrétaire Général du Ministère de la culture appelle la peur du « isme » (terrorisme, islamisme, intégrisme), n’entame pas la « quiétude qui règne au Niger ». Moustapha Maï ne nie pas la réalité de la crise qui secoue le Nigeria, « fief présumé de Boko Haram » mais assure la main sur le cœur que le gouvernement travaille pour une paix durable au Niger.
Avec le FIMA, et dans un contexte particulier (nouvelle attaque de Boko Haram dans le sud-est du pays mercredi soir, tourisme en berne, point de passage de migrants), le Niger semble rechercher un nouveau souffle en rayonnant par son art et sa culture.