Exclusif : Les dessous du deal entre PSA et le Maroc

En grande difficulté en France, PSA Peugeot Citroën a décidé d’installer sa première usine de construction automobile sur le continent africain au Maroc. Récit d’une négociation

psapaysage_0Le royaume du Maroc vient d’empocher un véritable Jackpot. Le constructeur automobile français PSA Peugeot Citroën vient de signer un accord avec le gouvernement chérifien, pour installer une usine, la première du genre en Afrique et au Moyen-Orient. Le projet revêt pour les deux parties une importance capitale. Pour le Maroc, le fait d’avoir un deuxième constructeur sur ses terres, lui permet d’atteindre la taille critique qui logiquement devrait lui garantir l’arrivée d’autres constructeurs. L’Allemand Volkswagen et l’Américain Ford ont déjà pris contact avec les autorités marocaines pour discuter d’éventuelles opportunités d’investissements. Du Côté de PSA Peugeot Citroën, en grande difficulté, installer une usine au Maroc, lui permet de gagner en compétitivité et d’en faire une plate-forme vers l’Afrique.

Révolutionner l’industrie

D’après des sources bien informées à Rabat, les négociations ne furent pas de tout repos. Cela commence avec l’arrivée de Moulay Hafid Elalamy à la tête du département de l’industrie et Commerce au Maroc. L’homme d’affaires rompu aux raids audacieux en Afrique, notamment dans le secteur de l’assurance et de la réassurance, est un redoutable négociateur. Son flair pour les bonnes affaires est inégalé. Quand en avril 2014, il prend un engagement devant le roi Mohammed VI de révolutionner l’industrie du royaume à travers son Plan d’Accélération Industrielle, il a déjà une idée derrière la tête. Il sait que la Chine ne peut plus continuer à être l’unique usine du monde. Il multiplie les initiatives envers Pékin afin d’attirer les mastodontes chinoises. Celles-ci se montrent réceptives et commencent à affluer vers le royaume.

Mais, le nouveau ministre ne compte pas s’arrêter là. Il veut marquer de son empreinte son passage au département de l’Industrie. Les équipes du ministère prospectent. Toutes les pistes sont passées en revue. Les constructeurs japonais : trop long à se décider et ont une culture de management assez particulière. Les constructeurs allemands : ils ont trop peur d’aller en Afrique. Reste les Français et les Américains. Aussi bien les uns que les autres sont intéressés. La firme du Michigan est très sensible aux arguments marocains et réfléchit déjà à faire de Casablanca un Hub africain. L’établissement d’un projet viendra après. Car il est primordial pour les Américains de connaître le pays.

En même temps, le Français Peugeot Citroën est chaud pour délocaliser une partie de sa production en Afrique. Son concurrent direct Renault lui a brûlé la politesse en se lançant dans les voitures low cost et érigeant à Tanger-Med son usine la plus compétitive. Le nouveau management de PSA est convaincu que la survie de la marque au lion passe par une restructuration du projet industriel. D’ailleurs, le nouveau PDG, Carlos Tavares avait déjà piloté l’installation de l’usine de Renault au Maroc. Entre lui et Moulay Hafid Elalamy s’installe rapidement une très grande complicité. Les réunions se succèdent à un rythme effréné. Le projet commence à prendre forme. Le roi du Maroc donne sa bénédiction et met tout son poids dans la balance pour qu’une nouvelle usine automobile sorte de terre. Peu de gens sont alors dans la confidence. Mohammed VI suit les négociations de très près. Le projet « mars »-nom de code donné à l’opération par le ministre de l’Industrie et du Commerce avance rapidement.

Et quand les contrats sont ficelés début 2015, Moulay Hafid Elalamy est un homme comblé. En deux ans, il aura réussi à tenir parole et les dimensions du projet industriel de PSA sont là pour le prouver. En 2025, ce sont 200 mille voitures de marques Peugeot et Citroën qui sortiront de l’usine de Kénitra, avec un taux d’intégration qui pourrait dépasser les 80 %. Pour la première fois également, une usine de moteurs fabriquera 200 mille unités avec un taux d’intégration de 80 %. Un centre de recherche et développement qui emploiera 1500 ingénieurs et hauts techniciens donnera au projet une dimension unique en Afrique. Le royaume est aujourd’hui une puissance industrielle en Afrique, et, d’ici la fin de l’année, d’autres annonces aussi importantes pourraient tomber confortanr cet élan.