La ville de Marseille a commémoré le 75 anniversaire de sa libération par des unités de Tirailleurs algériens, de Goumiers et de Tabors marocains composant la 3è D.I.A* commandée par le général de Monsabert , un des chefs de l’héroïque Armée d’Afrique .
Une chronique de Lounès Cherif
Le débarquement de Provence eut lieu le 15 août 1944 et avait vu déferler dans le Midi les divisions de Tirailleurs, de Zouaves, de Spahis, de Goumiers, de Tabors, de Chasseurs d’Afrique, etc. Le mot d’ordre des combattants de cette armée dont mon père faisait parti était : «vive la France! ».
Le président Macron qui a prononcé des mots forts lors de la commémoration du 75è anniversaire du débarquement de Provence du 15 aout 1944 à Saint-Raphaël et ensuite à Bormes-les-Mimosas, a lancé à propos des combattants africains un appel aux «maires de France pour qu’ils fassent vivre, par le nom de nos rues et de nos places, par nos monuments et nos cérémonies, la mémoire de ces hommes». Il s’agit de ne pas oublier le rôle imminent de l’Armée d’Afrique engagée dans de durs combats à Toulon et à Marseille face à une armée allemande lourdement équipée.
Après le débarquement, l’Armée d’Afrique, dont les combattants étaient déjà aguerris par les batailles de Tunisie et d’Italie et la libération de la Corse en 1943, prend rapidement Toulon malgré une résistance acharnée des défenseurs allemands. Les régiments indigènes arrivent aux portes de Marseille le 23 août 1944. Après de terribles combats, notamment lors de la prise du mont de Notre Dame de la Garde le 25 août 1944 par les combattants musulmans de la 3è D.I.A et particulièrement les 3è et 7è Régiments de tirailleurs algériens, Marseille est enfin libérée le 28 août 1944. Devant une foule en liesse, un important défilé au son de la nouba se déroule le lendemain sur le Vieux-Port pour fêter la libération de la capitale du sud qui coïncide avec la libération de Paris.
Ensuite, l’épopée des soldats indigènes va se poursuivre tout le long du Rhône, en Franche-Comté et en Alsace, jusqu’à la libération totale de la patrie. Ces hommes du sud traverseront le Rhin et livreront leurs derniers combats jusqu’au Danube. C’est ainsi qu’en hiver 1944 alors que le reste du pays libéré fête chaque jour la paix revenue, au lointain les combats font rage et les soldats africains s’y font toujours tuer. On y entend les récitations coraniques invoquant «Allah» qui accompagnent les rites funéraires des soldats musulmans morts aux combats.
Dans son ordre du jour numéro 9, le général de Lattre commandant la 1ère Armée Française écrira à ses soldats africains : «De toute mon âme, je vous dis ma gratitude.»**. Le général de Montsabert écrira de son côté : «C’est grâce à l’Armée d’Afrique que la France a retrouvé non seulement le chemin de la victoire et la foi en son armée, mais aussi et surtout l’honneur et la Liberté.»**.
Quant à Marseille, 75 ans après, il n’y a toujours pas de lieu dédié à l’Armée d’Afrique ni musée ni mémorial ni des noms de rues ou de places portant des noms de soldats musulmans qui ont libéré la citée phocéenne tel le sergent Messaoud Lassani qui fut le premier à se lancer à l’assaut de la colline de Notre Dame de la Garde. Lors de la commémoration du dimanche 25 août 2019, présidée par le sénateur-Maire M. Gaudin, non seulement le communiqué de presse de la ville indiquait le 29 au lieu du 28 août 1944 comme date de la libération de Marseille mais plusieurs élus n’étaient pas présents à ce rassemblement organisé aux pieds de la Basilique ni à la messe qui fut célébrée en hommage à ces combattants venus d’Afrique. Il manquait la présence du député M. Mélenchon et celle de la sénatrice Mme Ghali ainsi que celles d’autres élus locaux et nationaux marseillais. Ces derniers furent probablement excusés mais on notait aussi l’absence des acteurs et des représentants associatifs musulmans y compris ceux qui siègent à «Marseille Espérance» méconnaissant apparemment cette histoire qui les concerne pourtant en premier chef. Les élèves en tenue impeccable de l’Etablissement Lacordaire de Marseille représentaient les nouvelles générations avec à leur tête une jeune fille major de sa promotion portant une fourragère jaune.
Lors de la messe, sans la présence notoire de citoyens musulmans hormis la mienne, le fanion de la 3è D.I.A portant un symbole de l’islam formé de 3 Croissants (bleu, blanc, rouge) fut exposé sur l’autel durant toute la cérémonie. Le père Pierre Brunet, vicaire général, prononça une homélie dans laquelle résonnaient les mots de paix et de fraternité et il invoqua avec solennité le rôle et le sacrifice «des Goumiers, des Spahis, des Tabors, des Tirailleurs d’Afrique Noire et d’Afrique du Nord parmi les troupes alliées qui avaient été les principaux artisans de cette libération.».
La Nation, tout entière liée par les sacrifices consentis pour sa liberté, doit enseigner et évoquer régulièrement l’histoire et le souvenir de l’Armée d’Afrique.
L’auteur de cet article, Lounès Chérif, ancien réserviste membre honoraire de l’armée, est le fils d’un ancien combattant de l’Armée d’Afrique blessé en Belgique en 1940 et qui participera au débarquement de Provence et à la campagne de la libération jusqu’au Rhin-Danube
*D.I.A : Division d’Infanterie Algérienne
* L’Armée d’Afrique 1830-1962, sous la direction du Général R. Huré. Editeur Charles Lavauzelle. Paris 1972