Pour « L’Obs », l’argent arabe sent mauvais

L’Obs traine un peu vite dans la boue Zouhir Boudemagh, le mécène qui a financé l’orchestre d’Anne Gravoin, l’épouse de Manuel Valls

En accueillant le journaliste de Mondafrique au « Bocal », l’antre du célèbre Fouquet’s où il possède ses habitudes… depuis 1976,  Zouhir Boudemagh parvient à réagir avec humour à « l’enquête exclusive » et en tout cas à charge que vient de publier L’Obs contre lui. Son crime? L’aide financière qu’il a apportée à la création de « l’Alma Chamber Orchestra » d’Anne Gravoin, l’épouse du Premier ministre français et musicienne accomplie. « Pour assurer une information équilibrée et sereine au sein de L’Obs, explique-t-il en souriant, je vais suggérer au groupe koweitien pour qui je travaille de racheter le journal. »

Un arabe, ça va…

C’est sa façon, élégante, d’expliquer que les fonctions qu’il exerce au sein du groupe Al Sayer, créé voici cinquante ans par une des familles les plus riches du Koweit, lui épargnent les fins de mois difficiles. De quoi, en tout cas, jouer les mécènes, à hauteur de quelques centaines de milliers d’euros, en faveur de « l’Alma Chamber Orchestra » de madame Valls. Riche et arabe, il y a visiblement, pour L’Obs, un mot de trop.

Est ce un hasard d’ailleurs si dans cette enquête « exclusive », le meilleur ami de Zouhir Boudemagh est un autre arabe, l’homme d’affaires et ancien commissaire à l’intégration, Yazid Sabeg? Est-ce une surprise s’il « fréquente beaucoup » Jeannette Bougrab, l’ancienne secrétaire d’État de Nicolas Sarkozy, encore une arabe? Le premier, apprend-on, gravite « dans le monde de la Défense », nécessairement trouble, et la seconde est « exilée » en Finlande, où elle est, de façon tout à fait officielle, l’attachée culturelle de l’Ambassade de France. Comme disait l’ancien ministre Brice Hortefeux, dont les plumitifs de L’Obs semblent s’inspirer, un arabe, ça va, mais trois, bonjour les dégâts.

Poutine et les belles bagnoles

Sous la plume approximative des deux journalistes de l’hebdomadaire, le mécène mélomane devient une espèce de maffieux « d’origine algérienne », amateur du Fouquet’s, ce qui est vrai, mais aussi de Vladimir Poutine, de belles voitures et de bling bling. Pourquoi? On ne l’apprendra pas. « On sait juste », poursuit l’hebdomadaire, que Zouhir Boudemagh travaille pour un petit constructeur automobile, PGO, qui tire le diable par la queue au fond des Cévennes françaises. Pas un mot sur le rachat il y a dix ans de cette usine en redressement judiciaire par le groupe koweitien où Zouhir Boudemagh travaille, par ailleurs, à titre principal.

Partageant sa vie entre Dubai, où il réside, la France, son pays, et l’Algérie où il vend des véhicules chinois, Zouhir Boudenagh a perdu sa femme qu’il adorait en 2012. « J’ai pensé que la façon d’honorer sa mémoire était d’aider un orchestre dont les concerts seraient autant d’occasions de faire avancer la paix et la tolérance, des valeurs qu’elle a incarnées toute sa vie « .  L’émotion perce sous sa bonhommie, ce que L’Obs appelle, en ricanant, « la légende » qui a présidé à la création d l’Orchestre.

Du Raï à l’Iran

La rencontre fortuite de cet ancien élève du Conservatoire avec Anne Gravoin, violoniste reconnue, via un producteur de Raï, Mohamed Mestar, sera l’acte de naissance de « l’Alma Chamber Orchestra ». Le 8 janvier dernier, l’orchestre qui se produisait sur la scène de la Philarmonie de Paris réunissait 2400 amateurs (dont 2100 entrées payantes). « De quoi envisager l’avenir avec optimisme », avance Zouhir Boudemagh avec gourmandise. De quoi permettre à Anne Gravoin de financer ses concerts par ses propres recettes.

La musique adoucissant les mœurs, « l’Alma Chamber » s’est toujours voulu une passerelle entre le peuples. L’orchestre se produit aussi bien en Algérie – c’est une première pour une formation française depuis l’indépendance -, qu’au Maroc et en Tunisie, mais aussi en Israel. Il a même été question d’un concert à Téhéran, lors d’un déjeuner qui réunissait l’ambassadeur de Téhéran à Paris, Anne Gravoin et Zouhir Boudemagh. Mais le gouvernement français se trouvait à l’époque en pleine négociation avec les Iraniens, le projet fut donc reporté.

Au service de la Françafrique?

Mais le procès de nos amis de L’Obs ne s’arrête pas là.  L’Orchestre, estiment-ils, serait juste au cœur d’un vaste réseau où on croiseraient des marchands d’armes, des dictateurs africains et les pires parrains de la Françafrique. Diable!!!

Dans sa recherche de partenaires financiers, Zouhir Boudemagh s’est effectivement tourné vers une personnalité qui ne fait pas l’unanimité. Notre mécène conclut ainsi un partenariat ponctuel et logistique avec la Fondation de Jean-Yves Olivier, flamboyante figure de la Françafrique et constant conseiller du président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou-Nguesso. Clairement, ce dictateur qui vient de se faire réélire en fraudant plus que de raison et en réprimant les manifestations n’est pas la meilleure carte de visite pour la paix et la fraternité dont se réclame l’Alma Chamber Orchestra.

Manque de chance, Jean-Yves Olivier se fait décorer, en juin 2015, par Manuel Valls. D’où le soupçon distillé par L’Obs que Manuel Valls participe, via son épouse, au blanchiment de la dictature congolaise. Ce qui est la thèse soutenue à l’Elysée par la conseillère Afrique de François Hollande, Anne Le Gal, aujourd’hui en partance. « Je ne fréquente pas Sassou, je n’ai rien à voir avec ce monde de la Françafrique. Quant à Manuel Valls, j’ai diné une seule fois avec lui », répond sobrement Zouhir Boudenagh.

L’ombre de Sassou est juste une fausse note dans la brillante partition d’Anne Gravoin et de Zouhir Boudenagh.