A l’instar des chefs d’État africains, les patrons du foot n’hésitent pas à modifier le règlement pour se maintenir au pouvoir. C’est le cas d’Issa Hayatou, 69 ans, président de la CAF
Un tour éliminatoire insipide marqué par une cascade de matchs vraiment nuls, quelques éclairs en quarts et demi-finales, une finale à mourir d’ennui qui a valu seulement par une interminable série de tirs au but, l’édition 2015 de la Coupe d’Afrique des Nations tombera vite dans l’oubli. Rendez-vous en 2017 dans un pays qui sera désigné cette année.
Hayatou, 69 ans, patron du foot africain
Ce ne sera pas le Maroc, exclu de la compétition pour quatre ans, pour avoir déclaré forfait dans l’organisation de l’édition 2015 pour cause de fièvre ébola. Une sanction très lourde prononcée par l’indéboulonnable Issa Hayatou, le tout puissant président camerounais de la Confédération de la CAF (Confédération Africaine de Football) depuis bientôt trente ans. Et qui, à 69 ans cette année, entend rempiler pour un huitième mandat en 2017. Bien qu’il aura dépassé la limite d’âge, fixée à 70 ans, par les statuts. En politique, on modifie la Constitution pour se maintenir au pouvoir. Dans le foot, il suffit de changer le règlement. Le prochain congrès de la CAF, prévu en avril au Caire, devrait supprimer cette disposition et permettre à Hayatou de marcher sur les traces de Sepp Blatter, qui, à 79 ans, vient d’annoncer sa candidature à un cinquième mandat de président de la FIFA (Fédération Internationale de Football Association) qui chapeaute la CAF. En 2012, dans une interview, Blatter s’était pourtant déclaré favorable à une limitation du nombre de mandats à deux ou trois, qu’il n’entend pas aujourd’hui s’auto-appliquer, mais s’était prononcé contre la barrière de l’âge au motif que « il y a des septuagénaires qui sont jeunes dans leur tête ». Il y a quelques semaines, il a pourtant voté pour une limite d’âge à 80 ans au Comité International Olympique dont la FIFA est membre. Comprenne qui pourra.
La FIFA, une « famille de mafieux »
Dans un monde du foot qui brasse quotidiennement des milliards, la présidence d’autocrates comme Blatter ou Hayatou, qui exercent sans contre-pouvoirs, favorise une corruption endémique dont l’illustration est l’attribution de la coupe du monde 2022 au Qatar. Selon un ancien président de la fédération anglaise de football, la Fifa se conduit comme une « famille de mafieux », « La corruption a été érigée en système et soutenue par l’absence d’investigations et où la plupart des accusés échappe aux enquêtes. Des douzaines de travailleurs immigrés tués dans la construction des stades au Qatar sont ainsi ignorées ». Hayatou, lui, est sérieusement soupçonné d’être l’un des trois dirigeants du football africain à avoir reçu une malette contenant un million et demi de dollars pour voter en faveur du Qatar. Comme dans les affaires de valises qui ont circulé dans la Françafrique, il n’y a évidemment pas de preuves intangibles, mais des témoignages et des soupçons qui dans un système vraiment démocratique, devraient remettre en cause ce vote corrompu. Il n’en est rien. Blatter et Hayatou, malgré les protestations, maintiennent le cap sur le Qatar en 2022. Avec peut-être des matches en hiver puisque la pratique du foot sous une température estivale supérieure à 40 degrés est très difficile. En 2022, Blatter aura 86 ans et Hayatou, 76 ans. En l’état actuel de corruption et l’immobilisme du monde du football, il y a toute raison de penser qu’ils seront encore assis sur le couvercle de la marmite. En exerçant respectivement un septième et un dixième mandat.