Un an après le coup d’État gabonais, la naissance d’un autocrate

Brice Oligui Nguema lors du défilé de la fête nationale du Gabon, le 17 août 2024 à Libreville.

Le Gabon célèbre ce 30 août 2024, le premier anniversaire du coup d’État qui a renversé Ali Bongo, au pouvoir depuis 2009, et qui a porté à la tête du pays le général Brice Oligui Nguema, ancien aide de camp d’Omar Bongo.

C’était il y a un an. Le 30 août 2023, au milieu de la nuit, des militaires gabonais annonçaient « la fin du régime en place » depuis la cour du palais Rénovation, présidence du Gabon, véritable forteresse tenue par la Garde prétorienne du Gabon, la « Garde républicaine ». Ce coup d’État est survenu après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle qui s’est tenue le 28 août 2023 au Gabon et qui avait vu Ali Bongo être déclaré vainqueur contre son principal opposant, Albert Ondo Ossa.

Si les militaires laissent entendre que le résultat du vote a été truqué – donc qu’Ali Bongo a perdu – ils annoncent non pas la remise du pouvoir au véritable vainqueur, mais annulent l’élection et finissent par porter à la tête de l’État le commandant en chef de la Garde républicaine, le général Brice Oligui Nguema.

« Le système Bongo » toujours en place

Un an après le coup d’État, la première chose que l’on remarque au Gabon, c’est que le nouveau régime a su recycler les anciens collaborateurs des Bongo, père et fils, qui ont régné sur le Gabon pendant plus d’un demi-siècle. Ainsi, le gouvernement actuel du Gabon est dirigé par un ancien Premier ministre d’Ali Bongo et plusieurs de ses ministres ont été ministres sous Ali Bongo, y compris dans le gouvernement qui a été renversé par le coup d’État du 30 août 2023.

« Le Parti Démocratique Gabonais [ancien parti Etat] a certes perdu le pouvoir, mais il reste toujours au cœur du pouvoir », observe un ancien dignitaire du temps d’Ali Bongo qui a préféré prendre ses distances avec les militaires.

« C’est tout de même étrange qu’on ait voté pour se débarrasser du PDG et que l’on se retrouve avec des hiérarques du Parti Démocratique Gabonais partout », remarque un militant d’un ancien parti d’opposition.

Comme le faisait Omar Bongo, et avec plus de réussite qu’Ali Bongo, Brice Oligui Nguema a réussi à distribuer des postes à toute la classe politique ainsi qu’à la société civile du Gabon. Grand seigneur, il a nommé tout un parlement et distribué des postes de parlementaires à des gens qui vont dans leur circonscription rendre compte de leur action à des personnes qui ne les ont jamais élues, mais qu’importe !

« Les Gabonais vivent toujours de la même manière »

Sur le plan social, qu’est-ce qui a vraiment changé depuis la prise du pouvoir par les militaires ? « Les Gabonais vivent toujours de la même manière », déclare Christian Bernard Rékoula, membre de la société civile, persécuté sous le régime d’Ali Bongo et qui, après un séjour au Gabon sous le régime militaire, propose une analyse qui prend à contrepied le discours officiel.

Panneau publicitaire à la gloire de Brice Oligui Nguema.

Aucune mesure sociale sérieuse n’a été prise pour améliorer significativement les conditions de vie des Gabonais vivant avec moins d’un dollar par jour (soit 500 francs CFA), ce qui représente 39,2 % de la population gabonaise, soit concrètement plus de 900 000 personnes.

Un culte de la personnalité impressionnant

Un an après le coup d’État, le Gabon connaît un culte croissant de la personnalité du général Brice Oligui Nguema. Affiches, chansons, militants avec casquettes et tee-shirts à son effigie : Brice Oligui Nguema a ramené le pays aux pratiques du parti unique.

Se définissant lui-même tantôt comme « Sankara », « Rawlings » ou encore « De Gaulle », Brice Oligui Nguema – qui est décrit par ses partisans comme le « Messie » – s’est donné une dimension non moins messianique en s’appelant lui-même Josué, du nom du successeur de Moïse, le personnage biblique !

Comme Mobutu apparaissait dans les nuages à la télévision du Zaïre, grâce à un spectacle de drones, Brice Oligui Nguema est parvenu à faire apparaître son image dans le ciel de Libreville, sous les cris des Librevillois ébahis, eux qui avaient pourtant assisté aux spectacles d’Ali Bongo, qui ne manquaient pas de panache non plus…

Portrait de Brice Oligui Nguema généré par des drones dans le ciel de Libreville la capitale du Gabon.

Un an après, le coup d’État qui a renversé Ali Bongo n’a pas vu émerger un pays nouveau, mais plutôt la régénération d’un système qui n’est jamais parti mais qui a juste changé de maître.

Les élections présidentielles sont pourtant prévues dans un an au Gabon. Nul doute que Brice Oligui Nguema sera candidat (il a d’ailleurs été publiquement invité par un autre général à se présenter) et qu’il sera déclaré vainqueur vu que l’organisation du scrutin est revenue totalement au ministère de l’Intérieur.

Pourtant, peu après le coup d’État, Brice Oligui Nguema avait annoncé qu’il remettrait le pouvoir aux civils à l’issue de la transition, sans préciser qu’il devait devenir un civil lui-même… 

Le clientélisme et l’armée, les atouts de Brice Oligui Nguema