Le dramaturge franco-roumain, Eugène Ionesco, maître de l »absurde, aurait pu écrire sur la tragédie centrafricaine. « La Cantatrice chauve », n’est-elle pas toujours à l’affiche dans un théâtre parisien, soixante ans après sa création ?
Évidemment, les acteurs de « la Cantatrice chauve » où l’absurde côtoie l’alogisme, se succèdent après une période plus ou moins longue, lorsqu’ils ont épuisés le sujet et que la pièce a besoin d’un renouveau, sans que la mise en scène n’en soit bouleversée. Comme la pièce de Ionesco, mais dans un registre dramatique pour le peuple centrafricain, quasiment abandonné à lui-même, la République centrafricaine ne fait pas relâche.
Des politiques en quête d’auteur….
A Bangui, les locataires du Palais de la Renaissance arrivent souvent sur la scène centrafricaine, de manière impromptue, alors que leurs qualités ne les prédisposaient pas à un tel rôle de composition. C’est encore le cas de l’actuel président Faustin-Archange Touadera. Les observateurs de la scène centrafricaine se demandent comment le recteur de l’université de Bangui, si apprécié de ses étudiants et de ses collègues, a-t-il pu accepter les avanies du général-président Francois Bozizé et de sa famille, durant cinq années ( 2008-2013), puis briguer la présidence d’un pays dont l’existence même est parfois mise en cause.
Ce brillant universitaire, produit d’un enseignement supérieur centrafricain, aujourd »hui disparu, et de la coopération sud-sud, n’était pas préparé à diriger un proto-État, dramatiquement abandonné et exploité durant la colonisation et qui n’a toujours pas coupé le cordon ombilical qui le lie à la mère-patrie.
En attendant … la Minusca
Le 15 novembre 2017, le Conseil de sécurité de l’ONU prolongera le mandat de la Minusca et augmentera ses effectifs de 900 nouveaux Casques bleus. Est-ce qu’avec ses 13 000 soldats et policiers de la paix, la Minusca protégera davantage les Centrafricains ? On ne peut qu’ardemment le souhaiter.
Toutefois, il est à craindre que l’intrigue du théâtre centrafricain soit conservée intégralement, avec cette X ème opération de maintien de la paix en Centrafrique. Le noeud de cette tragédie interminable continuera d’être nourri par la prédation systémique, le népotisme et le clientèlisme érigés en dogmes, l’éradication obstinée de toute fonction de contrôle, la préservation de l’impunité qui bénéficiera ensuite aux dirigeants en place et l’abandon de l’arrière-pays aux bandes armées pour assurer la cogestion des richesses nationales. Le « business de guerre », comme le qualifie si justement le clairvoyant cardinal Dieudonné Nzapalainga, continuera de profiter de ce fonds de commerce au détriment des tourments du peuple centrafricain. Il serait quand même temps de retirer cette mauvaise pièce de théâtre de l’affiche internationale. C’est aux Centrafricains de le faire.
Longtemps à l’affiche
La nouvelle donne espérée passera par l’abolition d’un régime politique inapproprié menant à une oligarchie prédatrice, une audacieuse mais non pernicieuse décentralisation des sept régions, une utilisation judicieuse des technologies modernes pour développer le pays et restaurer l’Etat. Le mandat des Casques bleus doit être réaménagé afin de combattre les trafics et les ressources des bandes armées et d’arrêter la spirale meurtrière au lieu de songer à maintenir une paix inexistante.
Sinon la crise centrafricaine restera encore longtemps à l’affiche internationale, quelque soit le nombre de Casques bleus, souvent réduits au rôle de spectateur.