Plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées mardi 8 juin, quasi-simultanément, à Paris et à Bamako, en soutien au journaliste Olivier Dubois, deux mois jour pour jour après son enlèvement dans le nord du Mali.
Un article de David Poteaux
Ce journaliste indépendant, qui collaborait avec plusieurs médias, dont Jeune Afrique, Le Point, Libération et Mondafrique, et qui s’était installé à Bamako il y a cinq ans, a été enlevé le 8 avril à Gao, alors qu’il pensait aller à la rencontre d’Abdallah Ag Albakaye, un responsable du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaeda et dirigé par Iyad Ag Ghaly.
L’alerte avait été lancée dès le 10 avril, alors qu’Olivier Dubois n’avait pas pris le vol qui devait le ramener à Bamako. Son enlèvement avait été confirmé près d’un mois après, le 5 mai, par la diffusion d’une vidéo de 21 secondes dans laquelle le journaliste français confirme, d’un ton grave, qu’il se trouve entre les mains de ses ravisseurs.
Aux mains des hommes d’Ag Ghaly
Officiellement, rien, pour l’heure – hormis ses propres déclarations -, ne prouve qu’il est détenu par le GSIM. Au sein de la cellule de crise mise en place au Quai d’Orsay, on préfère rester prudent sur ce point. Mais pour les spécialistes de la région, il ne fait plus guère de doute qu’il est aux mains des hommes d’Ag Ghaly.
Les manifestations de soutien organisées hier visaient tout à la fois à mettre la pression sur les autorités françaises pour qu’elles mettent tout en œuvre afin d’obtenir la libération d’Olivier Dubois, et à lui envoyer un message de soutien, en espérant qu’il l’entendra. « Les précédents otages de ce groupe, notamment Soumaïla Cissé [l’ancien opposant détenu pendant plusieurs mois par le GSIM en 2020 et qui est mort du Covid quelques semaines après sa libération, NDLR], ont dit à quel point le fait de pouvoir écouter la radio était important pour eux. On espère qu’Olivier en a une à sa disposition et aura entendu nos messages », indique un membre du comité de soutien.
Cette double-manifestation était organisée par Reporters sans frontières, le comité de soutien #FreeOlivierDubois, constitué de proches et de collègues journalistes, et les employeurs réguliers d’Olivier Dubois. À Paris, il a réuni plusieurs journalistes qui ont été otages dans le passé : Florence Aubenas, Philippe Rochot, George Malbrunot, Edouard Elias, Roméo Langlois, Jean-Jacques Le Garrec. « Nous savons ce que c’est d’être aux mains de ceux qui ont un droit de vie ou de mort sur nous. Mais on sait aussi que tu vas revenir, que bientôt tu seras sur cette place avec nous », a témoigné Florence Aubenas. Il y avait également des membres de sa famille, dont sa sœur, Canelle Bernard, qui lui a rendu un vibrant hommage, rappelant les petits bonheurs de leur enfance, les héros d’Olivier lorsqu’il était gamin (Superman, les 4 Fantastiques), et sa passion pour le journalisme.
« Olivier aime le Mali »
À Bamako, c’est sa compagne, Déborah Al Hawi Al Masi, qui a pris la parole. « Je suis très émue de tous vous voir, a-t-elle déclaré. Il manque énormément à ses enfants. Olivier, tout le monde le sait, aime le Mali. Il est venu, il est tombé en amour du Mali et je pense que quiconque lit son travail se rend compte que c’est un journaliste qui aime profondément le Mali ».
Olivier Dubois s’est fait remarquer ces dernières années pour ses enquêtes et ses reportages au Mali, au plus près des acteurs de terrain. Il avait notamment publié une série assez exceptionnelle de reportages consacrés à la milice dogon Dan na Ambassagou, qui sème la terreur dans le centre du Mali. Il s’était rendu dans le fief de cette milice, sur le plateau dogon, une zone dangereuse où très peu de journalistes se sont rendus ces derniers temps.
Olivier Dubois est de ceux, qui, selon un proche, « pensent qu’il faut aller au plus près du terrain et rencontrer toutes les parties prenantes pour comprendre » un conflit. Il jouit en outre d’une réputation de journaliste méticuleux, qui prend le temps de vérifier chaque information.
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