Série Maroc (3), « le retenez-moi » d’Ilyas Omari

Ilyas El Omaria semble reprendre les rênes du Parti authenticité et modernité (PAM), alors qu’ après les événements violents du printemps et de l’été dans le Rif, qui était son bastion, il avait perdu toute crédibilité. Un étrange poker menteur

Le 22 octobre, se tenait le Conseil national du PAM, le deuxième mouvement politique marocain par le nombre de députés qui, voici deux ans lors de son irruption dans la vie politique, avait bénéficié du soutien du Palais royal soucieux de redonner des couleurs au multipartisme dominé par les seuls islamistes. La démission, le 8 août dernier du secrétaire général (SG), Ilyas El Omari, qui était à l’ordre du jour de ces travaux, devait donner le départ d’une refondation du PAM. Grosse surprise: le SG démissionnaire est « prié » par les siens de revenir occuper son poste.« Quand il a démissionné de son poste de SG, il était sincère. D’ailleurs, il maintient cette décision, mais les militants en ont décidé autrement », affirme un membre dirigeant du PAM.Cette démission sera encore d’actualité à la prochaine réunion du Conseil national dont la date n’a pas encore été fixée.

« Une commission pour préparer les travaux de ce rendez-vous sera mise en place prochainement en coordination entre le Bureau politique et le Bureau fédéral », ajoutent nos sources. Cette commission sera chargée de préparer les scénarios de l’après-Ilyas El Omari.

Gagner du temps

Les détracteurs d’Ilyas El Omari l’accusent de ne pas avoir tenu parole quant à sa démission, voire carrément de chercher à se débarrasser de ses rivaux: le turbulent avocat Abdellatif Ouahbi, Hassan Benaddi, l’un des fondateurs du parti, voire Ali Belhaj, autre fondateur du parti et richissime homme d’affaires de l’Oriental. L’enfant du Rif aurait même fomenté tout un plan pour « liquider » les autres membres du Bureau politique pour s’en tailler un autre sur mesure.

Pour eux, Ilyas El Omari est dans le même état d’esprit que Abdelilah Benkirane, le SG du Parti de la justice et du développement, qui se réjouit de voir ses frères faire des mains et des pieds pour lui permettre un troisième mandat à la tête de la formation islamiste.

« Archi-faux !, répond un dirigeant du PAM. Le parti, dans la conjoncture actuelle, a besoin d’Ilyas El Omari et, le moment venu, ce sera aux militants de trancher ». « Nous avons beaucoup de respect pour les fondateurs. Mais les temps ont changé depuis. On ne peut plus tolérer les sorties de gens confortablement installés dans leurs fauteuils qui théorisent pour le PAM. Nos militants ne connaîtraient pas Ali Belhaj ou Hassan Benaddi s’ils les rencontraient dans la rue », poursuit notre source.

Sur un ton de défi, notre interlocuteur affirme que tout sera désormais décidé au PAM par la voie des urnes. Et n’écarte pas l’éventualité de voir Ilyas El Omari succéder à lui-même…

Ilyas, cette machine électorale

« Nos instances travaillent le plus normalement du monde », affirme un autre dirigeant, la main sur le cœur. Notre interlocuteur explique que les deux groupes parlementaires s’acquittent de leurs missions au sein de l’Hémicycle. Et mieux encore : le PAM enchaîne de nouveaux sacres électoraux à l’occasion de la tenue de divers scrutins partiels.

A Oujda, il a récupéré le 2 novembre l’un des deux sièges perdus sur décision de la Cour constitutionnelle au moment où le PJD est parti les mains vides. Le PAM a glané les sièges de Settat, Sidi Ifni et Béni-Mellal. Aujourd’hui, il a les yeux braqués sur les sièges qui seront mis en jeu en décembre prochain à M’Diq et Berrechid.

Dans tout ce processus, l’intervention d’Ilyas El Omari est décisive, lui qui chapeautait la commission nationale des élections et qui n’a pas oublié sa cuisante défaite devant le PJD, lors des élections du 7 octobre 2016.

« Aujourd’hui, nous avons l’ambition de devenir la première force politique et nous avons les moyens pour parvenir à cette fin », déclare un dirigeant du parti.

Et Ilyas El Omari, encore une fois, dans tout cela ? « Pour le moment, il est engagé à 100% dans les affaires du parti et de la région de Tanger-Tétouan qu’il préside. Ce lundi 6 novembre, il va présider la réunion du Conseil fédéral », répond une source interne.Pour rappel, Ilyas El Omari avait annoncé avoir rendu le tablier, le 8 aout dernier après un discours royal particulièrement virulent envers la classe politique, fin juillet.

Après un intérim assuré par Habib Belkouch, il revient en force à la tête du parti du Tracteur. C’est dire que la page El Omari n’est pas encore tournée.

Série Maroc (1), le multipartisme en coma dépassé