Trois journées de manifestations contre le pouvoir de Macky Sall débutent ce lundi au Sénégal alors que l’opposant Ousmane Sonko sera fixé ce 8 mars sur son sort par le tribunal de Dakar.
C’est un événement que le pouvoir sénégalais n’a pas anticipé : la création d’une coalition de partis et de structures de la société civile dont le puissant mouvement Y’en a marre, fer de lance de la chute du président Abdoulaye Wade en 2012. Sous la dénomination de Mouvement de défense de la démocratie (M2D), ce nouveau front organise à partir de ce lundi trois jours de manifestations à Dakar et dans le reste du pays.
Alors que les déferlements spontanés qui ont suivi l’arrestation le 3 mars de l’opposant Ousmane Sonko ont fait au moins 4 morts ainsi que des dizaines de blessés d’interpellées, ces trois journées de protestation font planer de lourdes menaces sur la stabilité du Sénégal.
Macky Sall, accusé du pire
En s’en prenant à Ousmane Sonko, désormais son principal opposant après le ralliement d’Idrissa Seck, arrivé second lors de la présidentielle de 2019, Macky Sall a provoqué un vent de contestation qui va bien au-delà des seuls partisans du leader du parti des patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF). Les manifestants ne se contentent d’ailleurs plus de réclamer la libération d’Ousmane Sonko, arrivé troisième lors de la présidentielle avec 15%.
La rue exige désormais la démission du président Macky Sall qu’ils accusent d’être derrière « une entreprise de liquidation politique » d’un opposant. Pour les militants du M2D, il ne fait aucun doute qu’il y a la main de Macky Sall derrière les ennuis judiciaires d’Ousmane Songo.
On peut faire crédit à leurs arguments, le président sénégalais ayant déjà usé du levier judiciaire pour écarter de la course au fauteuil présidentiel Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, et l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall. Tous deux étaient les meilleurs challengers de Macky Sall lors de la présidentielle de 2019. Comme par le passé, Macky Sall s’est défendu de toute ingérence dans ce dossier qu’il a qualifié d’affaire purement judiciaire. Toutefois, la célérité avec laquelle le parquet de Dakar a engagé les poursuites contre Sonko ainsi que les moyens d’enquête mobilisés accréditent la thèse de la main invisible du pouvoir politique dans l’enquête sur le viol présumé reproché à Sanko. Le bâclage de la procédure de levée de l’immunité parlementaire du député Sanko est venu conforter la thèse de « la cabale politique ».
Erreur de timing
Pourtant dans cette affaire, le plus troublant, c’est le timing choisi pour « neutraliser » Sanko qui devait, sans doute, être un des candidats le plus sérieux de la présidentielle de 2024. Pourquoi Macky Sall choisit-il d’abattre à trois ans de la présidentielle une carte dont il aurait pu se servir bien plus tard ? Pourquoi n’a-t-il pas attendu de lever l’ambiguïté sur son intention ou non de modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat. Pourquoi s’en prendre prématurément à ceux qui peuvent contrarier son ambition présidentielle? A y regarder de près, Macky Sall applique aux opposants sénégalais la politique de la carotte et du bâton.
Idriss Seck avait rallié le pouvoir en échange de la présidence du conseil économique et social. D’autres personnalités comme Aissata Tall, ancienne figure du Parti socialiste sénégalais, ont obtenu des maroquins dans le gouvernement en récompense de leur ralliement. Pour les autres que le président Sall a du mal à débaucher, il ne reste plus que le bâton. Certains de ses propres partisans qui ont manifesté une volonté trop ostentatoire de lui succéder en ont fait les frais. C’est le cas d’Amadou Ba, tout-puissant ministre des Finances puis des Affaires étrangères, désormais sur la touche pour avoir manifesté ouvertement son souhait d’être le successeur de Macky en 2024. Amadou Ba, ancien directeur général des Impôts, fut des principaux bailleurs de fonds de la candidature de Macky en 2012.
La très grande ampleur de la protestation contre l’arrestation d’Ousmane Sonko porte à croire que la marche de Macky Sall vers la présidentielle de 2024 ne sera pas un long fleuve tranquille. A supposer même qu’il surmonte l’épreuve avec la rue favorable au président du PASTEF, il lui faudra convaincre les Sénégalais d’accepter une modification de la Constitution pour lui permettre de se présenter. L’opposition pourrait alors être beaucoup plus forte et plus large et inclure même certains de ses partisans qui souhaitent tourner sa page et jouer leur partition.
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