Mondafrique. Quel bilan faites vous de la campagne pour les législatives au Maroc? Pourquoi a-t-on l’impression que les islamistes du PJD et les modernistes du PAM moderniste font la course en tète et que les autres formations comme le Rassemblement National des Indépendants (RNI) auquel vous appartenez ont été marginalisées?
Salaheddine Mezouar. Nous avons senti tout au long de cette campagne la présence et la sympathie de nos militants sur le terrain. Le RNI existe tout de même depuis quarante ans! Hélas, les mises en scène médiatiques ont souvent donné l’impression que le scrutin se réduisait à la confrontation entre deux partis seulement, le PJD et le PAM. Mais il n’en est rien. Les Marocains ont l’esprit ouvert et ils n’aiment guère qu’on leur dicte leurs choix.
Mondafrique. Quel bilan dressez vous de votre participation au gouvernement de monsieur Benkirane, le leader des islamistes du PJD?
S.M. Nous n’avons rejoint le gouvernement de monsieur Benkirane qu’en 2013, par souci de stabiliser les institutions alors que l’Istiqlal avait quitté le navire. A cette date, le déficit budgétaire avait augmenté et les investissements avaient considérablement chuté. Le Rassemblement National des Indépendants, à la tète des départements ministériels de l’économie, des finances et des Affaires Etrangères, a contribué, sous la haute autorité de Sa Majesté Mohamed VI, à redresser la situation. La croissance s’est élevée l’année dernière à 4,7% et encore cette année, malgré la sécheresse, à plus de 2%. Les réserves de change qui avaient chuté à quatre mois de réserves ont quasiment doublé. Le déficit budgétaire a été réduit de 7,3 à 3,4%.
Mondafrique. Voici des résultats qui feraient en France le bonheur de monsieur Hollande. Quel est, dans ce bilan, l’apport spécifique du ministère des Affaires Etrangères que vous avez dirigé?
S.M. Le bilan de la diplomatie marocaine, sous l’impulsion du Palais, est triple: une logique offensive sur la question nationale du Sahara contre nos adversaires; la diversification de nos partenaires sur la scène internationale, en nous tournant entre autres vers la Chine; l’essor d’une diplomatie économique qui a vue de nouveaux métiers, dans l’automobile et l’aéronautique, devenir des secteurs phares de l’industrie marocaine.
Mondafrique. Pourquoi s’être éloignés depuis six mois du PJD qui dirigeait le gouvernement auquel vous étiez associés?
S.M. Depuis les élections municipales de 2015 où il a remporté certaines grandes villes, le PJD, probablement grisé par sa victoire, a montré une volonté hégémonique et une absence de solidarité . Ce mouvement marqué par une certaine inconstance nous a paru plus guidé par des préoccupations électorales que par l’intérêt national.Nous avons voulu remettre les pendules à l’heure.
Mondafrique. Le Rassemblement National des Indépendants pourrait-il changer d’alliances?
S.M. La question est en débat. D’autant plus que le PAM a été depuis sa création en 2008, toujours proche de nous. Nos relations sont courtoises, malgré des frictions locales. Nous oeuvrerons en tout cas dans un esprit de tolérance et de stabilité des institutuins.
Mondafrique Les premiers résultats semblent montrer, ce vendredi mation que le PJD arrive en tète, mais pas dans une situation réellement dominante. Or le chef du gouvernement doit, d’après la constitution, être nommé au sein du parti arrivé en tète. Qu’adviendrait-il si monsieur Benkirane ou un autre membre du PJD était nommé à la tète du gouvernement sans avoir une majorité au Parlement?
S.M. Il existe effectivement une faille dans notre constitution. Dans l’hypothèse que vous soulevez, rien n’est prévu explicitement. Il faudrait dans ce cas que le Conseil Constitutionnel donne son interprétation juridique de cette équation politique nouvelle. Au delà, on peut imaginer que les deux chambres réunies en congrès complètement utilement les textes fondateurs, adoptés en 2011 à l’initiative de Sa Majesté, avec éventuellement une ratification par référendum. Nous n’en sommes pas encore là!
Des propos recueuillis par Nicolas Beau