Le sénateur mauritanien Mohamed Ould Ghadda qui était apparu comme le chef de file des opposants à la révision constitutionnelle du président Azis est arrêté depuis le référendum de cet été et sans être jugé. Candy Ofime de Human Rights Watch (HRW) l’a rencontré en prison
Mohamed Ould Ghadda, ancien membre du Sénat mauritanien, était assis sur le sol devant la cellule qu’il partage avec huit autres prisonniers, quand je l’ai rencontré à la prison de Nouakchott il y près d’une semaine,.
« J’ai refusé de demander au tribunal d’être placé en liberté provisoire, parce qu’alors cela serait plus facile pour eux de laisser l’affaire traîner », a expliqué Ghadda, qui passe ses journées dans une cellule commune en attendant des nouvelles de la procédure judiciaire. « Pour moi, il n’y a que deux options acceptables : jugez-moi ou acquittez-moi. »
A la tète des opposants
En mars dernier, Ghadda a contribué au rejet d’amendements constitutionnels qui visaient à dissoudre le Sénat, soutenus par le président Mohamed Ould Abdel Aziz. Lorsque le président a soumis la même proposition à un référendum national le 5 août, Ghadda a dénoncé la manœuvre haut et fort. Cinq jours après l’approbation de la proposition du président par les électeurs, Ghadda était placé en garde à vue.
Ghadda a été détenu pendant trois semaines avant de voir un juge. Les six premiers jours, il était détenu au secret. « Ils m’ont laissé seul dans une pièce sombre, personne ne m’adressait la parole », a rapporté Ghadda. Il a dû attendre six semaines de plus avant qu’un juge ne l’interroge sur l’affaire. Ghadda, à qui j’ai pu rendre visite grâce à la Commission nationale des droits de l’homme mauritanienne, est poursuivi pour avoir supposément accepté des financements de l’homme d’affaires et philanthrope exilé Mohamed Bouamatou, fonds que Ghadda est censé avoir distribués aux sénateurs de l’opposition.
Le ministre de la Justice, Brahim Ould Daddah, m’a indiqué le 19 octobre que le parquet avait l’intention de prouver que les actes de Ghadda constituaient des infractions à la loi mauritanienne anti-corruption de 2016. Ghadda soutient qu’il est innocent de tout méfait.
La Mauritanie a émis un mandat d’arrêt international contre Bouamatou, riche opposant au président. Le collège de juges d’instruction qui a entendu Ghadda le 12 octobre a également placé sous contrôle judiciaire douze autres sénateurs, quatre journalistes indépendants et deux leaders syndicaux – eux aussi à cause de leurs liens supposés avec Bouamatou.
Une logique d’intimidation
De nombreuses personnes en Mauritanie ont confié à Human Rights Watch qu’ils pensaient que derrière cette enquête de corruption, se cachait en réalité la volonté de réduire au silence un opposant du président et d’intimider les autres opposants, les journalistes indépendants et les acteurs de la société civile qui pourraient accepter un soutien de la part de Mohamed Bouamatou.
Pour dissiper cette impression, rien ne serait plus efficace qu’une résolution rapide de la procédure en cours contre Ghadda. Les autorités devraient donc soit le juger de façon équitable, soit abandonner les poursuites contre lui.
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