Dans un courrier adressé le 10 janvier à l’association « Sherpa », qui s’est fait connaître à Paris par des procédures engagées pour biens mal acquis contre trois régimes africains, la Banque islamique de développement (BID) la annoncé qu’elle renonçait à financer l’extension d’une centrale électrique en Mauritanie. Les conditions de passation du marché passé entre la Somelec, l’équivalent d’EDF à Nouakchott, et la société de droit finlandais Wärtsilä n’ont pas paru limpides aux financiers séoudiens.
Grace aux pétrodollars, les financiers du Golfe, l’Arabie Saoudite en tète, sont aujourd’hui les principaux banquiers de l’Afrique francophone, très loin en tète devant la Banque Mondiale ou à fortiori l’Agence française de développement (AFD), le bras armé du Quai d’Orsay en matière de développement. Et la surprise, la voici : les Séoudiens de la Banque Islamique de développement (BID) viennent de montrer qu’ils pouvaient être sensibles aux soupçons de corruption qui planaient sur leurs interlocuteurs africains. Après avoir pris conseil auprès des experts de « Sherpa », l’ONG créée en France par maitre William Bourdon pour lutter contre la corruption, les patrons de la BID ont fait savoir qu’ils se retiraient, pour l’instant, du projet d’extension de la principale centrale électrique de Mauritanie, dont le montant était de 50 millions d’euros. Une première ou presque !
Des soupçons anciens
La décision de la BID résulte notamment de la précédente attribution, en 2012, du marché public qui avait permis la construction de la centrale électrique, en 2012. La filiale française de la société finlandaise Wärtsilä avait en effet obtenu le marché, sous forme d’un gré à gré, dans des conditions qui avaient déjà été dénoncées par l’association Sherpa. Parmi les signaux alarmants, figurait le montant de l’offre du groupe finlandais, plus élevé que celui des autres candidats. L’éviction inexpliquée de certains concurrents, dont notamment la société de droit espagnol TSK avaient nourri, aussi des soupçons de corruption. La presse locale, sans preuves matérielles, avaient dénoncé l’influence d’un des fils du Président Aziz, le chef d’Etat Mauritanien, sur l’attribution de ce marché. « La Banque Islamique de Développement, se félicite-t-on au sein de Sherpa, démontre ainsi que les engagements des grandes banques de financement en faveur d’une plus grande transparence dans l’attribution de marchés publics peuvent être concrétisés ».
La Société Mauritanienne d’Électricité (SOMELEC), société à capitaux publics, a en charge la production, le transport, la distribution et la commercialisation de l’électricité en milieu urbain et périurbain sur la totalité du territoire national de la Mauritanie. La SOMELEC est connue en Mauritanie pour sa gestion chaotique. Le réseau d’alimentation d’électricité, vétuste et surexploité, est ponctué d’innombrables coupures. Sur fond de dettes colossales. En octobre 2010, les responsables du Fonds Arabe pour le Développement Économique et Social (FADES) avaient été déjà alertés sur l’opacité et les difficultés de la mise en œuvre des financements par la SOMELEC.
La France qui a prêté plusieurs dizaines de millions d’euros pour la construction des centrales en Mauritanie semble moins regardante que l’Arabie Saoudite. Interrogé au printemps 2013 à Nouakchott, les responsables français de l’agence locale l’AFD avaient mis en avant la faiblesse des effectifs de coopération économique pour justifier une absence réelle de contrôle. Pourtant, « la gouvernance » et « le développement humain » figurent parmi les objectifs des programmes d’aide lancés par Paris. Mais personne ne semble vraiment s’en soucier au sein de l’ambassade française à Nouakchott, au mieux avec la présidence mauritanienne.