Ancien chef du Haut Conseil islamique (HCI) et principal soutien du président Ibrahim Boubacar Keita qu’il combattit ensuite, l’imam wahhabite Mahmoud Dicko a noué une alliance avec la junte au pouvoir. Au risque d’être victime de l’impopularité des militaires.
Vendredi 14 janvier, l’imam Mahmoud Dicko revient de la Mecque. Tel un président, debout dans sa voiture décapotable, qui roule lentement dans les rues de la capitale malienne, il salue de la main ses inconditionnels venus l’acclamer. Et tant pis si le coran prohibe le culte de la personnalité et prône l’humilité… Le scénario a été minutieusement écrit : l’avion de l’imam s’est posé sur le tarmac de Bamako juste après la prière du vendredi pour que ses fidèles puissent être au rendez-vous.
L’imam Dicko s’était rendu à la Mecque à l’invitation de la ligue Islamique Mondiale (LIM), une ONG dirigée par les Saoudiens pour promouvoir le wahhabisme dans le monde. A cette occasion, l’imam malien a reçu en cadeau l’horloge géante qui fait appel à la prière cinq fois par jour.
Retour aux sources…
Cette visite, largement médiatisée au Mali par les réseaux proches de l’Imam, peut être considérée comme une faute politique à plusieurs égards.
En s’alliant avec le M5, une coalition de partis laïcs et en devenant la figure de proue de l’opposition qui a contribué à destituer le président Ibrahim Boubacar Keita, Mahmoud Dicko avait réussi à gommer l’image dureligieux sectaire qui lui collait à la peau.
En prenant la tête de l’insurrection, en dénonçant la corruption, le népotisme et la mauvaise gouvernance ; en demandant que justice soit faite pour les onze civils morts devant sa mosquée de Badalabougou lors de la manifestation du 11 juillet 2020, l’ancien président du Haut Conseil Islamique du Mali avait acquis une grande popularité et avait fini par faire oublier qu’il était un sunnite rigoriste.
Plus personne ne rappelait qu’en 2009, il avait réussi à faire plier le président Amadou Toumani Touré dit ATT sur le projet de loi du code de la famille qui représentait de nouvelles avancées pour les femmes. Les diplomates occidentaux, après l’avoir longtemps soupçonné de vouloir prendre le pouvoir pour imposer la charia au Mali, se bousculaient chez lui. Mahmoud Dicko était redevenu fréquentable.
En se rendant en Arabie Saoudite et en y recevant les honneurs, le célèbre imam malien prend le risque que cette visite soit perçue comme un renouvellement de son allégeance aux wahhabites.
Une popularité en berne
Politiquement, cette mission à la Mecque était d’autant moins habile que sur la scène malienne Mahmoud Dicko n’a plus le vent en poupe. A la chute d’IBK, il s’est affranchi de ses anciens alliés du M5 et est devenu un homme clé des militaires au pouvoir. Il a réussi à imposer quelques-uns de ses proches au sein du Conseil National de Transition (CNT).
Or, les nouvelles autorités de la transition malienne ont beaucoup déçu, en cinq moins elles ont perdu tout crédit aux yeux de la population. Par conséquent, la popularité de l’imam est aussi en chute libre, s’il a été suivi et lors des grandes manifestations 2020, ce n’était pas en tant que religieux mais en tant qu’opposant à un pouvoir honni.
D’autant que le Mali est un pays majoritairement soufi, les confréries de cette obédience sont nombreuses et puissantes. Chérif Housmane Madani Haïdara actuel président du Haut Conseil islamique a constitué un pôle soufi qui ne manque aucune occasion de vilipender Dicko. La proximité de ce dernier avec les autorités de transition entraîne de facto l’hostilité de ces rivaux vis-à-vis du pouvoir de Bamako. Ce dernier aurait tout intérêt à s’émanciper des religieux pour ne pas être pris entre deux feux…
Moralité : on a beaucoup prêté à l’imam Dicko : faiseur de roi, fin politique, bon stratège, il n’est pas certain que cette réputation ne soit pas usurpée.