Hostile à la présence française au Mali et proche de l’Iran comme du Hezbollah libanais, Adama Diarra, dit « Ben le cerveau », leader du groupe « Yerewolo debout sur les remparts », s’est exprimé, les derniers jours précédant son arrestation, contre la sécurité d’Etat et contre la possible prolongation de la transition. Ce qui lui vaut d’être poursuivi pour « atteinte au crédit de l’Etat ».
Cet activiste très suivi sur les réseaux sociaux comptait parmi les piliers de l’ancien régime du président Ibrahim Boubacar Keita (IBK), avant de se rapprocher de l’Iran et de critiquer la présence française. Cet influenceur avait été épinglé par le pole Economique et Financier pour corruption et détournement de fonds publics. Aujourd’hui, sa position de soutien aux colonels au sein du CNT semblait le mettre à l’abri des poursuites judiciaires alors que le « Mali Koura » , le Mali nouveau, a fait de la lutte contre la corruption un de ses chevaux de bataille. Apparemment les rapports de force au sein de la junte militaire sont plus complexes qu’on le pensait.
Le lundi 4 septembre 2023, Adama Diarra, dit « Ben le cerveau », président fondateur et porte-paroles du groupuscule panafricain anticapitaliste « Yéréwolo debout sur les rempart » est arrêté par la Brigade d’Investigation Judiciaire (BIJ) de la police. Après une journée de garde à vue, le Procureur du Pôle National de lutte contre la Cybercriminalité près le TGI de la commune VI de Bamako a ordonné son placement sous mandat de dépôt en raison du caractère flagrant du délit qui lui est reproché. Poursuivi pour des faits « d’atteinte au crédit de l’Etat », il est désormais incarcéré à la Maison Centrale d’Arrêt (MCA) de Bamako.
La durée de la transition en question
Le chef de Yerewolo, également membre du Conseil National de Transition (CNT) a tenu des propos polémiques lors d’une émission radio diffusée le 27 août 2023. Il a plus précisément dénoncé l’incompétence et la moralité douteuse du Directeur Général de l’agence nationale de la sécurité d’état (ANSE) le Colonel MODIBO KONÉ. Il le tient pour responsable du « virage inattendu pris par la transition ».
Il a également vivement critiqué l’idée d’une prolongation de cette dernière, exhortant les colonels de la junte à organiser l’élection présidentielle de février 2024 pour éviter aux Maliens les conséquences de nouvelles sanctions de la CEDEAO. Il a également réclamé la radiation du CNT pour corruption de Mamadou Diarrassouba[1], ancien questeur de l’Assemblée Nationale sous le régime précédent et aujourd’hui ferme soutien de la junte au pouvoir.
Trouble parmi les influenceurs pro junte
Membre du CNT, « Ben le Cerveau » bénéficie en principe de la protection juridique afférente à son statut. Son immunité apparait cependant tout aussi factice que cette « Assemblée » non représentative. Le pôle national de lutte contre la cybercriminalité est d’ailleurs une création récente destinée à renforcer les moyens répressifs du Procureur de la commune VI, connu comme l’exécuteur des basses œuvres judiciaires du régime contre ses opposants. Il y a donc une certaine ironie à ce que « Ben le cerveau », partisan de la première heure des colonels putschistes, pourfendeur de la présence militaire française en 2021 et 2022, puis de celle de la MINUSMA en 2023 soit aujourd’hui la première victime politique de cette nouvelle structure.
Désœuvré, sans mission spécifique et donc sans appui financier, « Ben le cerveau », recherchait depuis plusieurs mois de nouveaux parrainages. En juillet 2022, il est reçu une première fois à l’ambassade d’Iran à Bamako, puis opère un premier séjour à Téhéran en novembre de la même année. Il entame un nouveau voyage le 04 août 2023 avec une escale de15 jours à Beyrouth (Liban) pour une séance de travail avec le bureau politique du Hezbollah.
L’apologie de l’Iran
Le rapprochement avec les services iraniens ne tarde pas à transparaitre à travers ses déclarations. Il voit ainsi dans le Mali et l’Iran « deux cas d’école de la révolution partageant les mêmes histoires de lutte et [qui] ont les mêmes ennemis arrogants et impénitents ». Il affirme également que « le Mali et l’Iran sont deux pays pilotes en terme de résistance, d’auto-détermination et d’expression du nationalisme vainqueur ! ». En juillet 2023, à l’occasion des sanctions prises par l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) du Département du Trésor des États-Unis à l’encontre des autorités militaires maliennes liées au groupe Wagner, il appelle au cours d’un point presse à « encercler les Ambassades américaines au Mali et dans le monde entier ». Affirmant être venu à bout du « petit Satan », il met alors en garde le « grand Satan » contre le risque de connaître « un nouvel Iran, un nouveau Cuba» . Ses liens avec Hezbollah constituent aujourd’hui un argument contre de « Ben le cerveau » accusé de coopérer avec des terroristes islamistes.
Son arrestation sème l’émoi et la division au sein des activistes pro transition qui se déchirent sur la question. Son mouvement a publié un communiqué qui rappelle surtout la nécessité de « protéger la transition …contre l’impérialisme sous toutes ses formes ». Une sorte de dédouanement qui ressemble à « un abandon en plein vol ».
En usant du nouveau pôle national de lutte contre la cybercriminalité pour juguler la liberté de ton d’un partisan du régime, les colonels font un exemple. Ils ne tolèrent aucune critique ou dissidence, d’où qu’elle vienne. L’exercice comporte cependant des risques, notamment celui d’éloigner une partie des activistes panafricains parmi les plus dynamiques à soutenir le régime, cela au moment où il pourrait en avoir le plus besoin compte tenu des défis sécuritaires et socioéconomiques auquel il est confronté.
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