Tunisie, la « choura » islamiste cherche un compromis avec Kaïs Saïed

Le mouvement Ennahdha qui tiendra, le mercredi 4 août, une réunion du « parlement » du parti, pourrait pour la première fois en quarante ans d’existence mettre en cause le leadership de Rached Ghannouchi, leur chef historique. Pour prix de la survie politique du mouvement. 

Le « Majles el Choura » (« parlement ») du mouvement islamiste Ennahdha, composé de quelques cent vingt membres élus lors d’un scrutin relativement transparent, est traversé de courants concurrents.

Contrairement à une vision manichéenne de l’histoire tunisienne où les différents Présidents -Habib Bourguiba, Zine Ben Ali ou Beji Caïd Essebsi- auraient été des remparts contre l’Islam politique qu’iis auraient combattu de façon constante, le pouvoir en Tunisie a régulièrement tenté de trouver des formes de compromis avec cet adversaire désigné. Grace également à l’épreuve du pouvoir qu’ils ont connu en 2012 et 2013, les islamistes tunisiens ont ainsi acquis une réelle culture de la négociation. Leur leader, Rached Ghannouchi, aura manifesté durant les quarante années d’existence de son mouvement, une volonté constante de compromis. Ce que ses adversaires qualifient parfois de duplicité et de double langage.

Dans le contexte né du coup de force de l’actuel Président, Kaïs Saïed, et qui vise à écarter le mouvement islamsite de la vie politique tunisienne, les dirigeants d’Ennahdha, réunis le 4 Août, vont tenter, par un de ces retraits tactiques dont ils ont toujours été coutumiers, de trouver un compromis avec le Palais de Carthage. Histoire de négocier leur survie politique. « La plupart des responsables islamistes,  explique un de leurs compagnons de route, vont proposer une forme de soutien critique à Kaïs Saïed ».

Débats sémantiques

Coup de force ou coup d’État? À chacun son interprétation de la concentration de tout le pouvoir dans les  mains d’un seul homme. Par souci de conciliation, Rached Ghannouchi et ses plus fidèles soutiens devraient abandonner les accusations de « coup d’état » qu’ils avaient formulé dans un premier temps après les premières mesures de Kaïs Saied le 25 juillet aussoir. On les verra, durant la réunion de « la choura », adopter une forme de soutien critique face aux mobilisations populaires du 25 juillet. Et tant pis si ce jour là, les permanences d’Ennahdha furent attaquées dans plusieurs villes tunisiennes.

Même des idéologues comme  Abdellatif Mekki, l’ancien ministre de la Santé dont la légitimité est forte en raison de son passé militant étudiant et de ses longues années dans les bagnes de Ben Ali, sont prêts à faire profils bas. Pour une majorité des cadres du mouvement,  cette modération est le prix à payer pour éviter une possible chasse aux sorcières. « S’ils parviennent à survivre politiquement, constate un ancien ministre tunisien, le coup de force de Kaïs Saied pourrait les décharger de ces responsabilités gouvernementales où ils n’ont pas brilléet leur permettre de mettre fin à  la chute de popularité qu’ils connaissaient dans l’opinion publique ». 

La tète de Ghannouchi en jeu

Dans leur tentative de négociation avec un Kaïs Saied qui n’abat pas ses cartes, certains dirigeants islamistes seraient prêts à offrir la tète de Ghannouchi comme gage de leur bonne volonté. Des voix s’élèvent publiquement dans ce sens et les candidats à la succession, Mekki et d’autres, se préparent à un tel scénario. Mais les islamistes tunisiens ne lâcheront leur leader historique, encore très populaire, que « dans le cadre d’une négociation globale » avec l’actuel Président tunisien, explique un ancien dirigeant nahdhaoui.
Formé à la rude école d’un Rached Ghannouchi qui n’a jamais agi dans la précipitation et qui a réussi à survivre dans des contextes autrement plus répressifs, les islamistes tunisiens vendront cher leur peau ! 

Tunisie, Kaïs Saïed, l’étrangleur ottoman

 https://mondafrique.com/tuniise-kais-saied-letrangleur-ottoman/