Qu’elles aient lieu ou non sans violences post-électorales, les élections municipales et régionales, ce samedi 2 septembre, puis sénatoriales, le 16 septembre, constituent un sondage grandeur nature pour la Présidentielle qui aura lieu en Côte d’Ivoire en 2025. D’autant plus que la multiplication des coups d’état militaires contre des pouvoirs arbitraires et le récent rassemblement des BRICS qui ouvre l’Afrique vers le vaste monde, bouleversent le paysage politique du continent. Ces événements fondateurs accentuent en Côte d’Ivoire le choc frontal entre deux visions du monde qui opposent les deux frères ennemis, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara
Norbert NAVARRO
Les flonflons de la campagne électorale officielle éteints, ce sont les militants qui seront, ce samedi, chargés de monter la garde pour veiller à la régularité de ce double scrutin décisif. Mais au-delà de ces derniers virages électoraux avant la ligne droite de la présidentielle de 2025, les trois grands partis ivoiriens devront choisir leur cap: soit l’Afrique d’hier, incarnée par un Ouattara aligné sur l’occident; soit l’Afrique de demain, qu’entend représenter un Gbagbo tourné vers le Panafricanisme.
Ils étaient trois grands chefs historiques ivoiriens -Gbagbo, Bédié, Ouattara-, ils ne sont plus que deux. Le 1er août dernier, le doyen de ce trio a quitté la scène. A 89 ans, l’ex-président Henri Konan Bédié s’est éteint. Tout puissant chef du PDCI-RDA, premier parti politique ivoirien, créé par Félix Houphouët-Boigny (premier président et « père » de la nation ivoirienne), Bédié, en juillet 2019, avait noué une alliance avec Gbagbo pour affronter Ouattara dans les urnes.
Toujours en chantier, ce rapprochement entre PDCI, le mouvement de Bédié, et PPA-CI, le parti de Gbagbo, va-t-il survivre au double-scrutin de ce samedi 2 septembre ? La pilarisation de la vie politique ivoirienne va-t-elle s’effacer au profit d’un clivage entre ceux qui s’accrochent au pouvoir et ceux qui lancent le défi de la démocratie élective ? À la lumière des récents bouleversements survenus en Afrique, la joute électorale de ce samedi devrait brosser les grands clivages de la prochaine élection présidentielle.
La Côte d’Ivoire retient son souffle.
Pour se convaincre de l’importance des scrutins de ce mois de septembre, il suffit de jeter un coup d’œil sur « la Une » du quotidien indépendant ivoirien « Soir Info » de ce vendredi 1er septembre. Pour ne froisser personne, chaque duel municipal au sommet est doublement présenté. A Port-Bouët, commune de l’agglomération d’Abidjan où perche la base militaire française, le ministre Justin Koné Katinan, candidat du PPA-CI de Laurent Gbagbo, affronte le maire sortant, Sylvestre Emmou, du PDCI-RDA. Chacun des deux candidats a droit à sa photo au format strictement identique et, en pages intérieures, à son article calibré au trébuchet.
Même traitement pour le duel de Yopougon, où Michel Gbagbo, candidat du PPA-CI et fils de l’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, affronte le président de l’Assemblée nationale, Adama Bictogo, candidat du RHDP du président Alassane Ouattara. On sent bien que le scrutin de samedi sera un véritable sondage grandeur nature que l’opposition ivoirienne attend et que le pouvoir redoute
Bien peu lisible en kiosque, ce vrai trombinoscope témoigne du manifeste souci de la presse locale de ne pas envenimer de prévisibles tensions post-électorales, comme celles qui ont ensanglanté la Côte d’Ivoire, en 2010-2011 puis en 2020, lors des élections présidentielles, comme en atteste le billet d’humeur de ce scrupuleux journal. Lequel y évoque ainsi « la phase la plus cruciale avec la proclamation des résultats. Des perdants accuseront leurs adversaires de fraude. Des tensions seront inévitables », soupire, fataliste, Soir Info.
Des listes électorales tronquées
Porte-parole de Laurent Gbagbo, Habiba Touré dénonce la présence de près de 7000 cas d’usurpation d’identité sur la liste électorale. Présidente de Safe, la Sentinelle anti-fraude électorale créée par Laurent Gbagbo au sein du PPA-CI, Maître Touré affirme que « plus de 2 millions (d’électeurs inscrits) ne remplissent pas les conditions prévues à l’art.7 du Code électoral » ivoirien, soit « plus du quart d’une liste électorale d’environ 8 millions d’inscrits ». Et Habiba Touré de se scandaliser d’autant plus que la CEI, la Commission électorale « est au courant » et qu’elle n’a « jamais contesté » ces accusations.
Des violences post-électorales sont elles donc à redouter dans les jours qui viennent en Côte d’Ivoire ? Au PDCI-RDA, on ne dit guère autre chose. Porte-parole de parti, Soumaïla Brédoumy estime « très élevé » le risque de fraude. Car il y a « de grands enjeux pour le parti au pouvoir et les candidats du RHDP vont tout faire pour vouloir imposer certains de leurs leaders ». Dans la seule agglomération de la capitale économique ivoirienne, Abidjan, Soumaïla Brédoumy évoque à cet égard les communes d’Abobo, de Yopougon ou encore de Marcory. Et il prévient : « la jeunesse est difficile à contenir quand elle se rend compte que son vote lui a été volé ».
Présentant ce scrutin comme « un test » et soulignant que le président Bédié lui accordait une « grande importance », Soumaïla Brédoumy estime encore que « les événements actuels en Côte d’Ivoire et en Afrique donnent raison à la vision du PDCI-RDA », que « l’idée d’alliance avec le PPA-CI ira en se renforçant » et qu’elle « va aller au-delà du PPA-CI pour reconquérir le pouvoir d’Etat ».
Dans l’isoloir cette année, l’électeur aura-t-il en tête le récent coup d’Etat militaire survenu au Gabon ? Porte-parole de la CEI, Emile Ebrottié assure que « non », les électeurs étant, selon lui, davantage préoccupés par les questions domestiques que par « ce qui se passe ailleurs ».
La CEI joue gros ? Elle joue « toujours gros », souligne son premier secrétaire permanent adjoint, Emile Ebiottié.
Et Emile Ebottié de balayer les craintes de troubles, rappelant qu’en 2021, la Commission électorale a organisé des élections législatives « inclusives », remarquant que « jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas eu de problèmes entre les partis politiques » et qu’il n’y a pas eu de « casse » cette année, même s’il admet que des affrontements entre militants ont émaillé la campagne électorale, et que du matériel électoral a été saccagé ici-ou-là, jusque qu’à Korhogo, la d’ordinaire très tranquille grande ville du nord, où a été vandalisé celui du Dr. Issa Malick Coulibaly, candidat du PPA-CI, qui affronte à l’élection municipale le candidat du RHDP Lassina Ouattara, dit « Lass PR ». Mais après avoir remarqué que de telles violences électorales sont monnaie courante ailleurs, y compris en France, le porte-parole de la CEI, se veut rassurant sur le scrutin.
Les premiers résultats sont attendus ce samedi après 20h, heure locale (22h en France), la CEI ayant jusqu’au 4 septembre pour en communiquer la totalité. Dans ce contexte ivoirien tendu où un pouvoir ivoirien autoritaire pourrait fausser une nouvelle fois les résultats de ces scrutins, le président Ouattara devrait méditer sur la chute soudaine et imprévisible des présidents gabonais et nigérien.
La revue de presse Afrique de Norbert Navarro
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Il est à souhaiter que ces élections locales se passent dans le calme et la transparence. Pour cela une condition est nécessaire et indispensable. Que les influenceurs étrangers divers et variés laissent pour une fois les Ivoiriens régler leurs problèmes entre eux sans ingérence aucune, je dirai sans ingérence manipulatrice aucune. Les Ivoiriens n’ont besoin d’aucun parrainage partisan ni d’aucun tuteur ou directeur de conscience extérieurs pour les aider à décanter entre les meilleurs, les moins bons et les pires d’entre eux. Tout ce que je peux leur souhaiter est que chacune et chacun d’entre eux au moment de voter pense en son âme et conscience qu’il a fait le bon choix, celui qui permettra le développement économique et social dans son quartier, dans sa ville et préservera la paix en Côte d’Ivoire, dans l’espace CEDEAO et dans toute l’Afrique. Que les Esprits de nos Ancêtres veillent sur ces scrutins, sur la Côte d’Ivoire, sur l’Afrique de l’Ouest, sur l’Afrique entière et sur l’ensemble du monde. Frédéric Atsou Galley.