Zabaïed (1) est un homme honnête, un peu limité. Le pouvoir lui est certes monté à la tête, mais il tient à ses principes. Quand il était étudiant, il a dû lire quelques romans policiers, quelques poèmes en arabe ancien, mais il s’est surtout gavé de manuels de Droit constitutionnel. II n’a jamais voyagé, hormis les quelques colonies de vacances à Ain Draham
Chronique et illustration du dessinateur « Z »
Bourré de complexes et maltraité par ses camarades, il a dû marcher droit sans jamais se retourner. Il a appris le Coran par cœur et a vécu un seul amour resté platonique (Il se serait d’ailleurs marié avec la sœur de l’élue de son cœur…d’après mon taxiste).
Ses seuls vrais camarades sont les gens simples et modestes qu’il peut impressionner dans les cafés du centre ville. Ce n’est que parmi eux qu’il se sent moins loser. D’ailleurs il s’est promis de les venger contre les injustices du système.
Le miracle a eu lieu et il s’est trouvé projeté président. Mais ce n’était pas suffisant, il lui fallait faire tomber tout le système et réécrire une nouvelle Constitution pour venger les honnêtes gens et débarrasser une bonne fois pour toute le pays de tous ses méchants. Et c’est ce qu’il a fait ! …enfin presque.
L’épreuve du Pouvoir
Mais sous son règne, “les méchants” sont encore plus nombreux, et les gens sont de plus en plus pauvres. Une pénurie fait sérieusement planer la menace d’une famine. Blé, farine, œufs, sucre, tout manque et les prix explosent.
Ne pouvant plus payer ses fournisseurs, la Tunisie se retrouve incapable d’assurer ses réserves. Une situation inédite, pas seulement liée au contexte international. Kaïs Saïed a certes hérité d’une conjoncture délicate, mais sous son régime ça va de mal en pis. Selon les analystes, la raison de cet échec demeure l’incompétence totale de Saïed et de son équipe.
Mais pour Forrest Gump, c’est toujours la faute aux méchants spéculateurs qui “affament le peuple”(selon ses mots). Il convoque sa première ministre (le 9 septembre) l’innocente et douce Nejla Bouden et lui affirme sa détermination à poursuivre sa guerre contre les méchants ! Ses fans sur Facebook sont rassurés.
Police partout, Justice nulle part
Kaïs Saïed ne veut pas être un dictateur. Gardons en tête que c’est un romantique, un doux rêveur qui a juste été projeté au Pouvoir par la volonté d’Allah. Et pourtant, c’est sous son règne que la Justice a disparu et que la Police reprend du poil de la bête. On ne compte plus les abus, intimidations et bavures des forces de l’ordre (Un agent a tiré à bout portant sur un individu en plein cœur de Tunis, c’était le 7 Septembre).
Même la liberté d’expression, seule véritable acquis de la Révolution de 2011, est sérieusement menacée. Le journaliste et vaillant activiste Ghassen Ben Khelifa en sait quelque chose. Il vient tout juste d’être libéré suite à une détention arbitraire de 5 jours où il a été maltraité et privé de son avocat.
Le Poutine des arabes
Mais il faut reconnaître aussi, qu’à part quelques perturbateurs tels que Ghassen, Zabaïed n’a pas trop de soucis à se faire car les esprits critiques se font aussi rares que le blé et la farine.
Il jouit encore d’une relative popularité et profite malgré lui de la flagornerie d’un nombre incroyable de journalistes et d’intellectuels nostalgiques de la dictature. Le journal El Anouar dans son édition du 19 Août n’a pas hésité à comparer notre Forest Gump national à Poutine…
(1) ZABAIED est la contraction de ZABA (acronyme de Zine El Abidine Ben Ali, l’ancien dictateur) et de SAIED, l’actuel président tunisien accusé d’autoritarisme.
Kaïs Saïed vire les islamistes, mais revendique la charia