Le président algérien Abdelaziz Bouteflika est actuellement hospitalisé dans une clinique de Grenoble. Selon nos informations, M. Bouteflika a été admis en milieu de semaine à la clinique d’Alembert, qui fait partie du Groupe hospitalier mutualiste de Grenoble. La pathologie pour laquelle a été admis le président algérien n’est pas connue, mais on sait qu’un étage entier de la clinique a été réservé à son usage
Pour le premier novembre, soixantième anniversaire du début de la guerre d’indépendance, pratiquement aucune manifestation officielle n’a été prévue à l’exception d’une projection monumentale sur la grande poste d’Alger. Le président Abdelaziz Bouteflika qui vit reclus et diminué dans son palais de Zeralda après l’élection présidentielle totalement truquée de l’année dernière a bien reçu, cette semaine, quelques ambassadeurs étrangers. Histoire de donner l’impression qu’un souffle de vie anime encore le chef de l’Etat et qu’il n’a pas pris le chemin d’une clinique genevoise ou d’un hôpital parisien.
Dans un message écrit rapporté par l’agence de presse algérienne, l’APS, le président Bouteflika, qui n’a plus la force de parler publiquement à la télévision, a rappelé que le peuple algérien « n’hésitera pas à se dresser contre toute velléité d’attenter à son unité et à ses constantes » et « repoussera toute menace à sa sécurité ». Ce qui, on en conviendra, n’engage pas outre mesure le pouvoir à Alger.
Mohamed Mediène, guetteur de l’ombre
Mais ce calme apparent masque les grandes manœuvres qui ont eu lieu dans les coulisses. Un compromis semble bien s’être dégagé entre le chef du DRS (services algériens), Mohamed Mediène, et le chef de l’Etat, Bouteflika. Pour « Toufik », le surnom attribué au général Mediène, qui s’est toujours voulu légitimiste, du moins respectueux de l’ordre constitutionnel, il n’est pas question d’intervenir pour brusquer les échéances et troubler la fin de vie de l’actuel chef de l’Etat, fut-il devenu totalement impotent et instrumentalisé par son entourage.
L’institution militaire a payé cher son intervention en première ligne après les émeutes d’octobre 1988 et durant les années noires contre le terrorisme. « Il n’est plus question pour lui, explique un diplomate français, de se retrouver en première ligne dans le choix du successeur de l’actuel président ».
Bouteflika et Mediène, un vieux couple….
Du coté du Palais de Zeralda, la plus grande prudence est de mise. Malgré les fortes pressions de Said Bouteflika, le frère du président et son principal conseiller, pour se débarrasser du patron du DRS, le président Bouteflika, ne veut pas aller à l’affrontement avec le général Mediene. Après tout, ce dernier l’a fait roi lors des élection présidentielles de 1999 , de 2004 et de 2009, sans s’opposer d’avantage au quatrième mandat en oeuvre après la présidentielle de 2014.
Il reste que dans l’univers impitoyable du pouvoir algérien, la fidélité n’est pas une vertu. Ce qui importe pour « Boutef », explique un homme d’affaires algérien, c’est de ne pas se retrouver face à face avec le chef d’Etat major, Gaid Salah, nommé certes par le clan présidentiel mais dont on connaît les ambitions démesurées, ainsi que la fascination pour le maréchal égyptien Sissi. « En un sens, explique le même homme d’affaires, le patron du DRS et le chef d’Etat major se neutralisent, ce qui permet à « Boutef » de continuer à gouverner le pays, sans être inquiété par l’institution militaire ».
« Le bon, la brute et le truand ».
Le scénario politique algérien, qui met en scène Bouteflika, Mediène et le général Gaid Salah, rappelle la fin de l’excellent western, « Le bon, la brute ou le truand », où l’on découvre les trois principaux protagonistes armés et face à face et où l’on sait que le premeir qui tire est mort. Pour l’instant à Alger, on s’observe. Du moins jusqu’à ce que Abdelaziz Bouteflika meurt de sa belle mort. Comte tenu de l’âge des artères des trois hommes en présence qui se partagent aujourd’hui le pouvoir, tous âgés d’au moins 75 ans, le plus fragile est incontestablement le président algérien.
Pour l’instant, quelques escarmouches ont lieu entre les principalses factions au pouvoir,, notamment sur le plan des nominations et sur le terrain sécuritaire, alors que des groupes « franchisés » par « l’Etat Islamique » essaiment dans le pays. La situation régionale, notamment en Libye avec qui l’Algérie possède des centaines de kilomètres de frontières, fait craindre tous les dérapages possibles. Or le DRS de Mediène a totalement repris la main sur ces dossiers. En septembre dernier en effet, Gaid Salah avait préconisé, face à ses interlocuteurs français et américains, une intervention algéro-égyptienne en Libye pour contrer les forces jihadistes. Telle n’est pas du tout la ligne du DRS hostile à toute intervention extérieure pour deux raisons au moins: l’absence de relais politiques à Tripoli, le refus de faire le sale boulot dans un pays qui, selon Alger, a été réduit au chaos par l’intervention franco-anglaise de 2011. Jeune attaché militaire à Tripoli dans les années 80, le général Mediène s’était opposé alors, et avec succès, à toute intervention américaine en Libye. Or selon des sources fiables du site « Mondafrique », le pouvoir algérien a désormais tranché contre toute intervention de troupes algériennes en Libye.
Seule la disparition annoncée du chef de l’Etat algérien, Abdelaziz Bouteflika, redistribuera les cartes durablement. Mais l’institution militaire et notamment le DRS qui n’a pas cherché à jouer la politique du pire reste « la colonne vertébrale » du régime, et même, pour reprendre le mot de Boumedienne, « sa moelle épinière »..