Le président Touadera est-il devenu un digne successeur de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, dans l’art de rouler dans la farine aussi bien ses partenaires que ses adversaires ?
Le dernier exemple du double jeu du président Faustin-Archange Touadera concerne, d’une part, la feuille de route de l’Union africaine soutenue par l’ONU, la France et les Etats-Unis d’Amérique, et, d’autre part, la médiation russe, soutenue par le Soudan et ayant plutôt la faveur des groupes armés, hors de contrôle de Bangui et soucieux de préserver leurs fiefs rémunérateurs.
Les 15 septembre 2018, le président Touadera s’est rendu à Khartoum pour montrer physiquement son adhésion à la « Déclaration d’entente » signée, à l’intiative de Moscou, à Khartoum le 28 août 2018, par les principaux groupes rebelles de l’ex Seleka et de la mouvance anti balaka. Ayant embarqué à Berengo, désormais base russe à 80 km de Bangui, dans un aéronef russe et accueilli à Khartoum par des officiels russes venus de Moscou, le président Touadera a tenu à remercier chaleureusement ses partenaires russes pour cette » Déclaration d’entente » et le président Omar El-Bechir pour son implication au processus de paix.
Quelques jours auparavant, des déclarations officielles, à Bangui, avaient pourtant limité l’impact de cette initiative russe qui ne semblait pas alors entrer dans la stratégie gouvernementale centrafricaine et, évidemment, encore moins dans la Feuille de route de l’Union Africaine.
Double discours
Trois jours plus tard, le 18 septembre 2018, Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine, s’est rendu à Bangui pour faire le point avec les autorités centrafricaines, quelques jours avant l’Assemblée générale des Nations-Unies qui devrait examiner la crise centrafricaine. Évidemment, le discours du président Touadera était tout autre avec le responsable de l’Union africaine: la médiation russe, prétendait-il, s’inscrivait totalement dans la Feuille de route de l’Union africaine; et la Russie, selon lui, n’avait pas sa place dans le Groupe des partenaires (G5) chargés d’essayer de résoudre la crise centrafricaine.
Pour le président Touadera, la réunion de Khartoum, organisée, par les Russes le 28 août 2018, pour mobiliser les principaux seigneurs de la guerre en vue de cette fameuse « Déclaration d’entente », revêtait une malheureuse coïncidence avec la réunion, prévue exactement le même jour, pourtant de longue date, par l’Union africaine à Bouar, avec les mêmes chefs de mouvements rebelles pour faire avancer le processus de paix, inscrit dans la Feuille de route. Du grand art dans le double jeu !
La cohorte des déçus
A Bangui, les anciens candidats à la présidentielle qui avaient ensuite soutenu Faustin-Archange Touadera, les Chinois avec leurs déboires actuels de leurs sociétés minières, les Rwandais et leur retrait de la garde présidentielle, la France avec la campagne f’une rare hostilité de certains médias, évidemment financée et téléguidée par les proches de Touadera, les électeurs centrafricains bernés par le slogan « la rupture avec le passe », les responsables onusiens et du FMI qui ne cessent, malgré tout, de louer les améliorations de la gestion financière et les avancées démocratiques de ce pays – ce qui laisse pantois les citoyens de l’arrière-pays-, devront reconnaître l’exceptionnel savoir-faire de l’ancien professeur des universités pour adapter son langage en fonction de son auditoire et surtout de ses intérêts personnels.
Le président Touadera réussit le tour de force d’obtenir le soutien dans le même temps de Poutine, Trump, Macron, Gutterres, Xi Jinping, Omar el-Bechir, Junker, Netanyahu et de nombreuses associations humanitaires. Quel talent !