Installé en grandes pompes début du quinquennat d’Emmanuel Macron, le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA), qui signait un renouveau de la politique africaine, est devenu une coquille vide.
Une chronique de Francis Sahel
De très fortes ambitions étaient annoncées lors de la création en aout 2017 du Conseil présidentiel pour l’Afrique, structure voulue par le président français Emmanuel Macron pour dépoussiérer les relations entre la France et l’Afrique. Cet organisme supposé novateur n’a pas su trouver sa place entre la Cellule africaine de l’Elysée, le Quai d’Orsay et le ministère des Armées qui cogèrent la politique africaine
À seulement deux ans de la fin du quinquennat de Macron, le CPA affiche un bien maigre bilan.
Cet agrégat de personnalités venues d’horizon divers était alors censé accompagner le renouvellement du partenariat franco-africain. A seulement deux ans de la fin du quinquennat de Macron, le CPA affiche un bien maigre bilan. Ses membres revendiquent d’avoir tenu la plume du président français pour le discours qu’il a prononcé en novembre 2017 à l’Université de Ouagadougou. A l’épreuve des faits, aucune promesse de ce discours devant environ 800 étudiants burkinabé n’a été tenue. Bien au contraire, les visas pour la France, un des engagements du discours de Ouaga, sont encore plus difficiles à obtenir pour les étudiants africains. La France a d’ailleurs choisi de doubler voire tripler les droits d’inscription des étudiants étrangers en France, une mesure qui pénalise particulièrement la jeunesse africaine à laquelle Macron avait promis monts et merveilles à Ouagadougou.
Autre élément revendiqué par le CPA pour attester de son utilité et de l’importance du travail accompli en deux ans et demi : l’évolution de la position de la France sur la restitution des biens culturels spoliés pendant la colonisation. Quelques œuvres ont certes été restituées par la France au Bénin, au Sénégal mais on est bien loin d’une démarche concertée franco-africaine réclamée par la société civile et les intellectuels africains. La France a rendu ce qu’il a voulu rendre, selon le rythme qu’elle a choisi et sans que l’on sache exactement pourquoi elle rend tel nombre d’œuvres à tel pays et tel autre nombre de pièces à tel autre pays.
A supposer même que le CPA ait eu le rôle qu’il revendique sur la rédaction du discours de Ouaga et dans l’évolution de la position de la France sur la restitution du trésor culturel africain volé pendant la colonisation, nous sommes bien loin des problématiques déterminantes des relations franco-africaines.
Le CPA est resté aphone sur la crise au Sahel alors qu’elle est devenue centrale dans les relations entre la France et ses anciennes colonies sahéliennes.
Le CPA n’a pas soufflé mot sur la confiscation du pouvoir par des présidents africains à la faveur des révisions constitutionnelles pour s’octroyer un troisième mandat.
Le CPA ne dit rien non plus alors que des autocrates instaurent subtilement des présidences à vie en écartant toute idée d’alternance à la tête des Etats.
A la décharge de ce Conseil, certains diront qu’il a écrit des notes au président Macron sur chacun de ces sujets. Si tel avait été le cas, ses notes n’ont pas été prises en compte, si tant est qu’elles aient été lues par le chef de l’Etat : la France officielle ne dira toujours rien alors que le Tchadien Déby s’apprête à être le candidat de son parti à la présidentielle d’avril prochain, après 31 années passées au pouvoir. Pas un mot non plus face à la volonté du Congolais Sassou N’Guesso de succéder à lui-même cette année après 36 années de pouvoir.
Depuis sa création, la structure censée conseiller Emmanuel Macron sur l’Afrique n’a rencontré directement que deux fois le président de la République française
En vérité, l’échec du CPA était programmé dès sa naissance. L’ancrage institutionnel de la nouvelle structure était un des plus flous : directement attaché au président de la république, sans lien avec lien avec la Cellule africaine de l’Elysée, le Quai d’Orsay et le ministère des Armées qui sont les vrais décideurs de la politique africaine de la France.
S’y ajoute le choix des membres du CPA sur la base des critères sans aucune lisibilité. Officiellement, « ces personnalités ont été choisies pour leur investissement dans la relation entre l’Afrique et la France, pour leur action en faveur du développement du continent africain et pour leur volonté d’engagement pour un partenariat d’opportunités partagées entre la France et l’Afrique ». Résultat de ce profilage fourre-tout : le CPA se retrouve avec des membres aux parcours difficilement compatibles, éparpillés aux quatre coins de la planète sans agenda précis.
Depuis sa création, la structure censée conseiller Emmanuel Macron sur l’Afrique n’a rencontré directement que deux fois le président de la République française. Signe de l’impasse dans laquelle se trouve le CPA, son premier coordinateur, le diplomate franco-béninois Jules Armand Aniambossou, condisciple de Macron à l’ENA dans la promotion Senghor, a préféré abandonner son poste pour devenir ambassadeur de France en Ouganda.
Rien n’indique aujourd’hui que le conseil présidentiel va pouvoir redresser la barre. « L’OTAN est en état de mort cérébrale », avait jugé le président Macron. Le CPA aussi