Le bilan calamiteux des présidents africains « socialistes »

Plus que d’autres, les quatre chefs d’Etat africains ( Gbagbo, Alpha Conde, Issoufou, IBK), qui ont milité dans l’Internationale socialiste (IS), ont aussi en commun soit d’avoir totalement échoué dans leurs vaines tentatives de démocratisation. 

Une chronique de Francis Sahel

A la belle époque, le « camarade » Gbagbo
emmenait son ami
Jack Lang dans les boites de nuit d’Abidjan

L’Ivoirien Laurent Gbagbo fut en 2000 le premier des quatre dirigeants africains militant à l’IS à devenir président de la république. Les dix années qu’il passera au pouvoir ne furent pas les plus enchantées de la Côte d’Ivoire. Entre populisme et rébellion armée de 2002, le « camarade Laurent », comme on l’appelait dans les instances de l’IS, n’a pas affiché de bilan à la hauteur des espérances suscitées par son arrivée à la tête de la Côte d’Ivoire.

Contre toute attente, le pouvoir du « camarade Laurent » a eu les meilleures relations avec le grand capital international : Bolloré, Bouygues, Accord, etc. A sa décharge, ses défenseurs affirment qu’il voyait dans les faveurs aux intérêts français une assurance-vie pour son régime.

Et pourtant, c’est cette même France qui apportera en 2011 un soutien militaire décisif à la rébellion pour prendre le palais présidentiel et arrêter Gbagbo. Le « camarade Gbagbo » passera ainsi des ors de la république aux fers de la détention pendant 8 années (2011-2019) à la prison de la Cour pénale internationale de Scheveningen, aux Pays-Bas. 

En Guinée, voisine de la Côte d’Ivoire, Alpha Condé, un autre membre en vue de l’Internationale socialiste, devient président en 2010. Les deux mandats (2010-2020) de l’opposant historique n’ont pas comblé les attentes des Guinéens. Outre l’échec économique du « camarade Alpha », qui n’aura pas réussi à assainir la mafia de l’attribution des permis miniers, les libertés individuelles ont connu un grand recul entre 210 et 2020. Au moins cent (100) personnes ont été tuées pendant la même période par les forces de l’ordre guinéennes lors d’opérations de maintien de la paix. Quatre militants de l’opposition sont morts en détention entre décembre 2020 et janvier 2021. 

A la fin de ses deux premiers mandats, « le camarade Alpha » s’est embarqué dans une aventure de changement de la constitution qu’il finira par imposer au prix de la mort d’une quarantaine de ses compatriotes. Ce forcing pour le troisième mandat lui vaudra de perdre ses derniers soutiens internationaux, y compris dans les rangs de l’IS.  

 

Quand deux « camarades » socialsites se retrouvent

Moins d’un an après Alpha Condé, « le camarade Mahamadou Issoufou » arrive au pouvoir en avril 2011 au Niger. En plus d’être membres de l’IS, « les camarades Alpha et Issoufou » ont en commun d’être des très proches de François Hollande, Premier Secrétaire du Parti socialiste (PS) français. A l’heure du bilan, Mahamadou Issoufou, qui quittera le pouvoir en avril prochain, n’a pas grand-chose à mettre sur la table. Pendant ses dix années à la tête du Niger, son pays est resté constamment dernier au classement de l’indice du développement humain (IDH) des Nations unies. L’insécurité s’est aggravée avec 3 régions sur 8 placées sous état d’urgence et la corruption est à son comble, comme en témoigne le scandale du détournement de plus de 78 milliards de FCFA (près de 117 millions d’euros) au ministère de la défense. Sur le plan des libertés, la gouvernance du « camarade Issoufou » n’a pas non plus été plus brillante, mêlant répression d’acteurs de la société civile, persécution de journalistes et criminalisation de l’opposition politique. 

François Hollande, qui a fait toute sa carrière au PS français,
avait un faible pour les Africains de l’Internationale socialiste

Pour boucler la boucle des quatre camarades de l’IS devenus chefs d’Etat en Afrique, le Malien Ibrahim Boubacar Keita (IBK) accède au pouvoir en 2013 et prête serment sous le regard complice de son ami Hollande devenu entretemps président de la république française. On sait ce qu’il advient ensuite des années de pouvoir de IBK.

L’ancien dirigeant de la Fédération des étudiants d’Afrique noire (FEANF, marquée à gauche)  a installé au cœur du pouvoir malien un système patrimonial, associant son fils Karim Keita, ses neveux, ses beaux-frères.  Il a porté la corruption et le détournement des deniers publics au zénith : entre 2012 et 2017 pas moins d’un milliard d’euros (plus de 650 milliards de FCFA) a été détourné au Mali, selon un décompte établi par une ONG canadienne. Confondant le bonheur des Maliens avec le sien, IBK s’est acheté en 2014 un avion présidentiel à près de 30 millions d’euros. Son régime finit par être emporté par le coup d’Etat militaire du 18 août 2020. 

A l’épreuve du pouvoir, les « socialistes africains » de l’IS n’ont pas guère brillé : Gbagbo et IBK ont été chassés par les armes ; Alpha a confisqué la démocratie pour s’adjuger un troisième mandat ; Issoufou laisse un bien maigre héritage à son successeur qui sera connu le 21 février prochain. 

Francis Sahel