La militarisation de l’État algérien

Après l’éviction brutale, le 8 février, du patron de la police nationale, Farid Bencheikh, proche de la Présidence, et son remplacement par le directeur de la police aux frontières, Ali Badaoui, très engagé dans la lutte anti terroriste des années 1992-1998 auprès des services algériens, l’institution militaire cherche à écarter les hauts cadres policiers qui ne lui ont pas fait allégeance avant la Présidentielle qui doit avoir lieu en décembre 2024.

Le Président Tebboune pourra être candidat pour un deuxième mandat, à condition d’être dépossédé de la plupart de ses réseaux au sein de l’appareil sécuritaire.

La vaste purge qui se poursuit au sein de la police à l’initiative des militaires algériens vise désormais des directeurs centraux, mais aussi des chefs de sûreté de certaines wilayas importantes. Mais il ne s’agit en aucun cas d’un simple ajustement des appareils sécuritaires. On assiste à la militarisation du régime de la part de l’État Major et des services secrets, cette fois décidés à s’unir dans un contexte régional tendu (Mali, Libye, Maroc…) et face à une crise sociale sans précédent à l’approche du Ramadan au mois de mars.

À travers ces hauts cadres policiers nommés par communiqué présidentiel en juillet 2023 et révoqués … huit mois plus tard, c’est Abdelmajid Tebboune qui est ciblé. Le marchandage qui se dessine pour la Présidentielle de décembre 2024 est le suivant: le Président Tebboune pourra être candidat pour un deuxième mandat, à condition d’être dépossédé de la plupart de ses réseaux au sein de l’appareil sécuritaire. Il ne reste plus qu’à mettre la main sur un certain nombre de postes diplomatiques qui pourraient être confiés à des hauts gradés pour que l’État soit à nouveau militarisé comme il l’était avant que l’ex Président Bouteflika réussisse à affaiblir le pouvoir de l’armée et écarte en 2015 « le parrain » du système militaire, le général Mediène, dit « Toufik ». 

Le Roi est nu

Dans un pays comme l’Algérie  dont la marque de fabrique est l’opacité, le protocole est souvent un formidable révélateur des rapports de force au sein du pouvoir. Lors de la passation de pouvoir à la tète de la police voici une semaine, le général Djebbar Mhenna patron de la DGDDSE (sécurité extérieure) et le général Kamel Majdoub Kehal, patron de la DGSI (sécurité intérieure) étaient présents. Cette mise en scène a été perçue, notait Mondafrique, comme le prélude d’une prise mise au pas de la police. 

Un coup fatal a été porté à l’éminence grise de Tebboune et son directeur de cabinet, Boualem Boualem, qui, face à l’institution militaire, pouvait, via ses réseaux dans la police et au sein des Renseignements Généraux, espionner ses adversaires et organiser des coups tordus.

Ce temps là est révolu. Le Roi Tebboune est nu!.

Les wilayas sous tutelle

Ce mouvement qui touche les directeurs centraux, les inspecteurs généraux au sein de la direction centrale de la sûreté nationale (DGSN) s’est étendu aux chefs de sûreté de certaines wilayas (Préfectures). Pour les instigateurs de ce grand remue ménage, le bit est de contrôler les territoires les plus reculés de la République algérienne à l’approche de la Présidentielle de décembre prochain.  

Nommé patron de la police, Ali Badaoui a laissé sa place de directeur de la police aux frontières à son adjoint, l’officier supérieur « Arselan » qui a occupé le poste du chef de la sûreté de l’aéroport d’Alger. De même, la très sensible direction des renseignements généraux qui était tenu par un proche du cercle présidentiel, change de titulaire.

Le sort des limogés demeure inconnu, ils ne sont même pas « appelés à d’autres fonctions ». En revanche, la mise sous ISTN (« Interdit de sortie de territoire national ») d’un grand nombre de tous les cadres évincés de police est évoquée par les médias dès le 10 février 2023, deux jours après de départ de leur chef. 

2021, la gendarmerie reprise en main.

Depuis sa nomination en 2020, le chef d’état major, le général Chengriha a toujours eu l’obsession de consolider l’influence de son clan sur la totalité de l’appareil sécuritaire. Dès l’été 2021, le général Yayia Ali Oulhadj, un de ses fidèles, avait été choisi comme patron de la gendarmerie. Dans la foulée, une purge touchait une douzaine de chefs de région. D’autres cadres étaient nommés, mais dans le plus grand secret. Autant dire que l’ensemble du corps a été véritablement décapité, pour permettre au chef d’état major de centraliser tous les pouvoirs en confiant les responsabilités, même à un niveau intermédiaire, à des affidés. Au détriment du moral des troupes qui vient fonctionner une pure cooptation au détriment d’une armée qui restait en Algérie une des rares écoles de la réussite .  

Le prédécesseur du général Yaya Ali Oulhadj, le général Nordine Gouasmia, n’avait pas voulu impliquer le corps la gendarmerie dans les affrontements directs avec les manifestants du « Hirak » (ou « mobilisation populaire »). Les « escadrons de sécurité routière » bloquaient seulement les accès les manifestations, le vendredi, qui se dirigeaient vers la capitale et les grandes agglomérations. Les groupes d’intervention et de neutralisation (GIN) secondaient les forces de police lorsque celle-ci se trouvent débordées.

Cette stratégie d’intervention graduée qui fut celle de Gaïd Salah durant l’année 2019 et grâce à laquelle le sang ne coula pratiquement pas en Algérie malgré des mobilisations populaires massives, n’est plus du goût du général Said Chengriha qui aspire à éradiquer définitivement toute contestation, y compris au sein de l’État.

Résultat, plus personne en Algérie n’ose bouger dans les rangs de la police et de la gendarmerie

 

Voici ci dessous la dernière tentative du clan présidentiel de contrer les coups tordus des services algériens

Essaid Bensdira, un « réfugié » à la solde des clans militaires algériens