À quelques semaines du Congrès du PJD, le mouvement islamiste marocain, l’ancien Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, se bat becs et ongles pour rester à la tête du parti.
Entre la monarchie et Abdelilah Benkirane, ce n’est pas vraiment le grand amour. Mohammed VI, après plusieurs mois de blocage gouvernemental, l’a poussé vers la sortie pour le remplacer par Saad-Eddine El Othmani, islamiste lui aussi mais plus intellectuel et beaucoup moins flamboyant. Aujourd’hui, ce sont ses frères du PJD, mais aussi ceux du Mouvement unicité et réforme, sa base arrière idéologique, qui ne veulent plus de lui.
Beaucoup des ténors de la mouvance islamiste lui attribuent la dégradation des relations avec la monarchie. Mais les militants jeunes restent attachés à ce leader politique charismatique. La base contre le sommet.
Zaïm non grata
Si Aziz Rabah, actuel ministre de l’Énergie et ancien secrétaire général de la jeunesse du PJD, lorgne sur la place d’Abdelilah Benkirane à la tète du PJD, Mustapha Ramid, membre lui aussi du gouvernement, est encore plus virulent envers le zaïm. Le ministre des Libertés et des droits de l’homme, qui mène aujourd’hui le courant anti-Benkirane dit “des ministres”, menace carrément de démissionner si l’ancien Chef du gouvernement ne renonce pas publiquement à un troisième mandat.
Entre les deux hommes, la guerre a éclaté sur les réseaux sociaux. Une première puisque le parti n’a jamais connu un lavage de linge sale public entre ses leaders.
Et c’est Benkirane qui a tiré le premier en sous-entendant qu’il a mené la campagne électorale de 2011 “seul”, alors que d’autres faisaient leur pèlerinage à la Mecque”. Cette sortie médiatique fut qualifiée de “rabaissante” par plusieurs militants de « la Lampe », le surnom familier donné au PJD. Du coup, Ramid est sorti de ses gonds: “C’était bien moi qui étais visé, puisque j’étais le seul à faire le voyage pour accomplir le pèlerinage (…) contrairement à ce qui a été avancé, j’ai bel et bien participé à la campagne électorale.” Sur Facebook, le ministre avait accusé son ancien boss de “s’être approprié le parti à force de s’autocongratuler”.
Depuis ce clash, les deux leaders se sont royalement ignorés, Benkirane séchant les réunions avec Ramid pour un prétexte ou un autre.
Opération séduction
Mais Benkirane n’est pas seul dans son combat, il est soutenu par quelques noms connus du parti qui voit en loi “un chef charismatique irremplaçable”. La parlementaire Amina Maelainine l’encourage même à faire une tournée dans le pays pour raviver la flamme de sa popularité. Et c’est ce que Benkirane est en train de faire comme il a l’habitude à chaque fois qu’il est sur le point de prendre une décision impopulaire.
Depuis quelques jours, il tient, à son domicile, des réunions avec des militants et des cadres de différentes régions. Les rencontres sont documentées par des photos destinées aux réseaux sociaux.
Benkirane compte sur la jeunesse du PJD pour soutenir sa propre succession. Dimanche 19 novembre lors d’une session extraordinaire de la jeunesse de son parti, il a tenu à rassurer ses fidèles sur les conséquences d’un éventuel 3e mandat. “Les PJDistes ne sont pas des putschistes”, a-t-il lancé pour se démarquer des accusations le désignant comme le responsable des dégradations des liens avec la monarchie. C’est l’État qui a “tout fait pour que vous ne réussissiez pas”, a-t-il tonné sans nommer personne.
Apparemment selon lui, l’État n’est pas la monarchie sur laquelle il n’a pas tari d’éloges. C’est même lui qui aurait persuadé Saad-Eddine El Othmani, son successeur, de ne pas démissionner après sa nomination par le roi à la tête du nouveau gouvernement. Vrai ou faux, la partie de poker menteur ne fait que débuter au sein d’un mouvement qui a perdu de sa superbe.
Le troisième mandat en suspens
Récemment, Abdelilah Benkirane s’est dit peiné d’entendre que certains sont prêts à quitter le parti sen cas de troisième mandat. Le 11 novembre, une réunion du Secrétariat général, en l’absence de Benkirane, s’était terminée par un vote contre un troisième mandat. Mais rien n’a été encore ratifié par e Conseil national du PJD qui se réunira le 25 novembre pour trancher de cette délicate question statutaire.
Si l’existence de courants au sein du mouvement islamiste l’affaiblit, ce pluralisme permet au PJD d’afficher une normalité qui lui permettra de durer dans le paysage plitique marocain..
VOIR AUSSI L’ENTRETIEN DE MONDAFRIQIE AVEC ABDELILAH BENKIRANE , ALORS CHEF DE GOUVERNEMENT, AVANT LES LEGISLATIVES DE 2016