Frédéric Bongo, principal accusé du procès du coup d’État de 2019 !

Kelly Ondo Obiang alors en formation à EFA en Cote d'Ivoire.

Lors du procès des auteurs de la tentative de coup d’Etat du 7 janvier 2019 au Gabon perpétré par le lieutenant Kelly Ondo Obiang, des faits de torture sont publiquement dénoncés dans l’enceinte d’un tribunal. Une première! Ce qui permet au pouvoir gabonais de mettre publiquement en cause Frédéric Bongo, le demi frère d’Ali Bongo qui avait été relégué voici deux ans en Afrique du Sud mais qui nourrit des projets de retour.

Un article de Jocksy Ondo Louemba

On a appris de manière formelle durant le procès du lieutenant Kelly Ondo Obiang que la pratique de la torture avait lieu au « Palais Rénovation », siège de la plus haute institution du Gabon : la Présidence de la République. C’est une première à Libreville que ces pratiques odieuses ssoient reconnues dans un tribunal et répercutées dans les media officiels. À ceci une raison: le pouvoir gabonais veut mettre en cause le demi frère d’Ali Bongo et ancien patron du service de renseignement de la garde présidentielle, Frédéric Bongo, qui cherche à revenir à Libreville pour y jouer un role de premier plan dans la succession qui se prépare.

Retour sur un putsch manqué

Le lundi 7 janvier 2019, le Gabon se réveille avec la gueule de bois. Un message tourne en boucle sur les écrans de télévisions et dans les téléphones portables : on y voit trois militaires portant l’uniforme caractéristique de la Garde Républicaine avec à leur tête un lieutenant qui délivre un message insurrectionnel annonçant la fin d’une ère et que « l’armée a décidé de se mettre aux côtés de son peuple afin de sauver le Gabon du chaos ».

L’officier qui délivre le message s’appelle Kelly Ondo Obiang, Lieutenant de la garde Républicaine, commandant second de la garde d’honneur. Le Lieutenant Kelly Ondo Obiang qui se présente comme le leader du Mouvement Patriotique des Jeunes des Forces de Défense et de sécurité (MPJFDS) demande aux militaires en service « de se procurer par tous les moyens une arme et des munitions », de prendre le contrôle des points stratégiques du Gabon tout en invitant les civils à rejoindre les militaires. Sur une armée de plus de 5.000 hommes seuls deux militaires se joindront au mouvement du Lieutenant Kelly Ondo Obiang quant à la réaction des loyalistes elle est rapide et efficace. Après avoir sécurisé la ville et empêché les populations de prendre la rue.  L’armée restée loyale donne l’assaut au siège de la principale chaîne de radio et de télévision du Gabon où les militaires félons sont retranchés.  Deux d’entre eux seront abattus sans autre forme de procès : l’adjudant de Gendarmerie Simon Pierre Ekong qui avait rejoint les putschistes et le Sergent de la Garde Républicaine Etienne Nze Cekirge. Les mutins faits prisonniers ne doivent leur vie qu’à l’intervention d’un ancien officier français en service dans la Garde républicaine peu adepte des exécutionssommaires….

Alors que toute son escouade est neutralisée, le meneur Kelly Ondo Obiang est introuvable. Retranché dans le transformateur avec son fusil d’assaut, il finit par se livrer à un gendarme du GIGN gabonais.

La Présidence du Gabon, centre de torture

Les anciens putschistes sont conduits au palais présidentiel du Gabon pour être interrogés. Par qui ? Selon des témoignages concordants par des éléments de la Direction Générale des Services Spéciaux (DGSS) de la Garde Républicaine commandé par le Lieutenant-Colonel Frédéric Bongo qui a d’ailleurs en personne pris part à la l’assaut du siège de la radiotélévision gabonaise où étaient retranchés les militaires insurgés. 

Il n’y a pas que des éléments de la Direction Générale des Services Spéciaux du Gabon, d’autres militaires et d’autres civils sont présents. Tous tiennent à voir et à punir ces « ingrats » qui ont osé se dresser « contre la main qui les a nourris » avec un « traitement particulier » pour le meneur le Lieutenant Kelly Ondo Obiang qui est en quelque sorte « le fils d’Ali Bongo » car issu du Lycée militaire de Libreville créé par lui alors qu’il était ministre de la Défense du Gabon. Fils d’autant plus indigne qu’il avait été recruté dans la garde prétorienne du Gabon chargée de protéger le président du Gabon et celui de la famille Bongo depuis 1967.

Frédéric Bongo, bourreau en chef

Les militaires putschistes sont comme l’on disait dans l’antiquité « soumis à la question » c’est-à-dire torturés. On les torture pour connaitre l’ampleur de la « gangrène » mais aussi pour « punir leur ingratitude » (Sic). La presse en ligne du pouvoir se gargarise au même moment en écrivant qu’interrogé le Lieutenant Kelly Ondo Obiang « s’est mis à chanter comme un rossignol ». Tout est fait pour les humilier, les briser et les détruire.

Sur le lieu de sa torture ainsi que de ses compagnons le Lieutenant Kelly Ondo Obiang est formel. Il a bien été torturé à la Présidence de la République du Gabon : « J’ai été conduit à la présidence de la République. Le directeur des services de renseignement (Le Lieutenant-Colonel Fréderic Bongo, ndlr) et ses gars m’ont conduit après dans une pièce isolée (de la présidence gabonaise, ndlr). J’étais attaché et torturé pendant plus d’une heure ». Le Lieutenant Kelly Ondo Obiang qui désigne formellement le Lieutenant-Colonel Frédéric Bongo, frère d’Ali Bongo, comme étant l’un de ses bourreaux : « Il m’a montré une seringue avec du sang à l’intérieur. Il m’a dit que ce sang est contaminé du VIH et qu’il va m’inoculer si je ne parle pas. C’est ainsi que le procureur de la République, Olivier N’zahou, a fait irruption dans la salle où j’étais torturé ».

Il y avait du beau monde au palais présidentiel du Gabon ce jour-là…

 

Un lieu de sinistre réputation

Les déclarations du Lieutenant Kelly Ondo Obiang jettent un pavé dans la mare et affirme une chose que l’immense majorité des Gabonais savent : le palais présidentiel du Gabon n’est pas qu’un lieu de pouvoir, c’est également un lieu de torture et ce depuis plus de cinquante ans.

Dans les années 60 déjà, les opposants au régime y étaient conduits pour y être passés à tabac et torturés, Omar Bongo alors jeune directeur de cabinet raconte dans ses mémoires Au service du Gabon qu’un jour il avait fait libérer certains d’entre eux.

Sous Omar Bongo, le nouveau palais présidentiel n’est pas seulement un bâtiment imposant (presque 10 fois plus grand que le palais de l’Elysée) censé matérialiser son pouvoir absolu mais également un lieu de torture. De nombreux témoignages contribuent à lui forger cette sinistre réputation aussi bien au temps du parti unique que du multipartisme. Les victimes refusent de parler ouvertement quand elles le font. Un journaliste nous a tout de même confié y avoir été conduit puis sévèrement battu par des agents de la Garde Républicaine parmi lesquels se trouvaient un officier aujourd’hui très hautement gradé de la Garde Républicaine pour avoir rédigé un article sur « l’enfant chéri » d’Omar Bongo qui avait fortement déplu.

Sous Ali Bongo donc on torture toujours à la présidence de la République du Gabon, comme dans le reste du pays d’ailleurs.

A toutes fins utiles, en 2020 Le Gabon fait son entrée au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU pour un mandat de trois ans…

 

 

Jocksy Ondo – Louemba 

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