Un Covid-gate vient d’éclater au Sénégal, où le président Sall a souhaité que ses proches prennent en charge la distribution de vivres financée par la Banque Mondiale
Pour venir en aide à un million de ménages sénégalais frappés de plein fouet par la crise économique et sociale née de l’épidémie de Coronavirus, la Banque Mondiale avait élaboré un projet de cash transfer via la téléphonie mobile. Ce sont 69 milliards de francs CFA (105 millions d’euros) de biens alimentaires qui devaient parvenir aux bénéficiaires dans les campagnes sénégalaises.
La distribution de la manne a été étroitement contrôlée par l’entourage du Président, sous l’autorité de Mansour Faye, le ministre du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale, très proche de Macky Sall puisqu’il est aussi son beau-frère dans la vie.
Traditions clientélistes
Peu sensible aux charmes de l’innovation technologique, le Président Macky Sall a préféré la bonne vieille tradition clientéliste. Le chef de l’état a posé pour la postérité devant des camions de riz et confié l’acheminement de la céréale la plus consommée du pays à l’un de ses députés. Nul doute que l’identification des bénéficiaires les plus vulnérables dans les villages sera tout aussi transparente !
La Banque Mondiale, naturellement, très embarrassée, soucieuse de conserver les meilleures relations avec le président sénégalais. Mais il est difficile de ne pas entendre le tintamarre de la presse.
Le marché du transport des 100 000 tonnes de riz a été remporté par un homme d’affaires qui est aussi député du groupe majoritaire. Demba Diop Sy a d’ailleurs bénéficié de la toute récente loi d’habilitation faisant échapper « les travaux, fournitures et prestations de services réalisés dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 » au Code des marchés publics en vigueur, qui ne permettait pas aux députés d’exécuter des marchés publics sans dérogation expresse de l’Assemblée nationale.
On ignore encore le montant précis de ce marché, que deux ministres du gouvernement ont successivement estimé à 1,5 puis 3,5 milliards de francs CFA.
Cette opération entache la bonne gestion, jusqu’ici, de la pandémie au Sénégal, à quelques jours du début du Ramadan, alors que la ville sainte de Touba semble touchée par l’épidémie