Au Gabon, les scrutins successifs, tous entachés de fraude et tous largement contestés, ont toujours trouvé des solutions de sortie de crises avec le fameux « dialogue », cette grand messe censée réconcilier les frères ennemis et chargée surtout de faire taireles contestataires. Ces vastes concertations se soldent par le maintien en fonctions du président sortant, bien que battu, contre la distribution de quelques strapontins à ses anciens pourfendeurs. Ce qui avait été largement conseillé au président ali Bongo à l’issue de la dernière campagne électorale, cet été, où l’on avait vu son principal opposant, Jean Ping, proclamer sa victoire et les forces spéciales gabonaises écraser dans le sang toute tentative de contestation.
Retour sur le passé
Lors des élections présidentielles du 5 décembre 1993, alors que le père d’Ali, Omar Bongo, rêgnant sur le Gabon, Paul Mba Abessole, chef du Rassemblement National des Bucherons, était apparu, lors des premiers dépouillements, largement en tête. Sans attendre la fin des opérations électorales, Omar Bongo – au pouvoir depuis 26 ans – se fait unilatéralement proclamer vainqueur par son Ministre de l’intérieur avec 51% des voix. Ce premier Coup d’Etat électoral est vivement contesté par les gabonais et le pays au bord de l’explosion.
La réponse d’Omar Bongo et des siens est foudroyante : chars déployés dans les rues, couvre-feu, assaut par l’armée de la seule radio d’opposition « Radio Liberté », attaque du Quartier Général de son principal challenger qui se solde par la mort de neuf hommes. Paul Mba Abessole ne renonce pourtan pas, il appelle à des journées villes mortes, forme un gouvernement parallèle, nomme Pierre André Kombila Premier ministre, commence à nommer des préfets…. Le pays est sur le point de sombrer.
« Le dialogue » à la rescousse
C’est alors qu’ine sortie de crise est trouvée : Bongo reste au pouvoir mais concède quelques réformes (limitations de mandats, créations d’institutions, lois d’amnisties…) et propose des postes à ses opposants. Ce sont « les accords de Paris ».
Malgré de nouvelles concertations politiques, la nouvelle constitution permet à Omar Bongo d’être président ad vitam aeternam, autrement dit président à vie. Il meurt d’ailleurs au pouvoir en 2009, après 42 ans de « règne ». Entretemps, suite à la contestation de sa « brillante réélection » de Novembre 2005 (79,18 %), le « vieux sage » fera, via son ministre de la défense, un certain Ali Bongo, et son ministre de l’intérieur un certain André Mba Obame, donner l’assaut du siège de l’Union du Peuple Gabonais (U.P.G.) le 21 Mars 2006 où se trouvait Pierre Mamboundou son principal Challenger. Lequel continuait de contester la victoire du « sage » et à se déclarer élu par les gabonais.
Réfugié à l’ambassade d’Afrique du sud à Libreville, Pierre Mamboundou finit par aller à cannossa, en « dialoguant » avec celui qu’il se bornait, quelque temps auparavant, à appeler « le chef de l’exécutif ».
Le prix du sang
Le 27 Aout 2016, les gabonais étaient à nouveau appelés aux urnes. Entre temps, le fiston, Ali, avait remplacé son père Omar. Le 31 aout, des résultats ubuesques sont proclamés. De nombreux gabonais refusent à nouveau de se faire spolier et se retrouvent encore une fois face aux armes et aux chars de l’armée de Bongo habituée à « l’exercice ». Le Q.G de Jean Ping, l’ancien ministre d’Omar Bongo devenu le principal opposant, est attaqué dans la nuit par la Garde Républicaine. Selon de nombreux témoignages ,plusieurs personnes sont abattues et leurs corps emportés. Les mares de sang et les impacts sur les murs témoignent de la violence de l’assaut.
A Port Gentil, le poumon économique, et à Libreville,la capitale, de nombreuses personnes sont abattues par balles, d’autres encore sont jusqu’à ce jour portées disparues. Ali Bongo, soutenu par son armée, reste en place.
Le dernier mot à l’Armée
Annoncé pour Octobre 2016, « le dialogue » d’Ali Bongo a pour objectif de légitimer son pouvoir et de rallier les opposants, sans changer de politique mais en distribuant quelques prébendes qui laisseront l’écrasante majorité les gabonais vivre dans la misère. Ce Dialogue, qui se tiendra ce mois de mars 2017 à Lambaréné, peut d’ores et déjà être qualifié de farce. Contrairement à 1993, le principal challenger de Bongo fils, Jean Ping, sera absent. Ce « dialogue » aux allures de festin de cannibale, n’aboutira que sur des « réformettes » (limitations de mandats, passage du septennat au quinquennat, scrutin à deux tours…) qui seront liquidés plus tard façon Bongo père.
Si les gabonais ne veulent toujours pas d’Ali Bongo comme président, il reste, comme disait Mobutu, qu’ « au besoin l’armée l’imposera ». Chez les militaires, « le dialogue » se résume à un seul mot « Rompez »