En paraphrasant la fameuse phrase du général De Gaulle à propos du président Albert Lebrun, on pourrait dire que le président Faustin-Archange Touadera est certes un chef de l’Etat mais qu’ au fond il lui manque deux choses « qu’il fût un chef et qu’il y eût un Etat ».
L’ancien professeur de maths qu’est le président Touadera aurait dû rester dans son amphithéâtre plutôt que d’être une marionnette politique, d’abord de l’ancien président Bozizé et de son clan familial, puis de son entourage qui l’utilise depuis une décennie. Nul doute que le professeur Touadera prendra une belle place dans la galerie surréaliste des portraits des anciens présidents de cet Etat en carton-pâte.
« Ce pays qui n’existe pas »
A l’instar de Jean-Pierre Tuquoi, qui vient de livrer un ouvrage remarquable intitulé « Oubangui-Chari, le pays qui n’existait pas » » aux Editions La Découverte, on peut constater que la République centrafricaine est un État qui n’existe plus.
Ce vaste et riche territoire est sans frontières, sans administration digne de ce nom. Le budget national, tel qu’il est annoncé urbi et orbi, atteint péniblement, grâce aux concours extérieurs, celui d’une ville française de 200 000 habitants. Les contrôles budgétaires, notamment par la loi de finances de règlement, et le grand principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables publics ne font pas partie des pratiques financières.
Les responsabilités d’un Etat telles que la tenue de l’état civil et des registres fonciers, la délivrance régulière des pièces d’identité et des passeports, notamment diplomatiques, l’existence d’un journal officiel tenu à jour, la présence d’autorités de l’Etat sur tout le territoire, l’organisation d’une armée nationale et de forces de l’ordre républicaines, la protection des citoyens contre les délits et les crimes grâce à une justice fondée sur le droit, ont disparu en République centrafricaine.
La faim pour un
centrafricain sur deux
Selon les rapports des experts onusiens, plus de 75% du territoire national est hors de contrôle des autorités officielles reconnues et puissamment aidées par la communauté internationale. Plus de la moitié de la population est en situation d’insécurité alimentaire grave Le quart de celle-ci vit dans des camps de fortune, soit comme réfugiés à l’étranger, soir comme déplacés à l’intérieur du pays.
En dépit des discours officiels, auxquels plus personne ne croit en Centrafrique, la population est bel et bien abandonnée à elle-même.
Comme Albert Lebrun avait fait entrer le loup dans la bergerie en pactisant avec le maréchal Pétain et en le nommant chef du gouvernement, on peut se demander si l’entrée au gouvernement du Premier ministre Simplice Sarandji de représentants des anciens présidents Bozizé et Djotodia, sous sanctions internationales, et de représentants des milices qui terrorisent la population, n’est pas le prélude à une catastrophe nationale.