Au cœur de l’été, alors qu’une une série d’attentats meurtriers avaient glacé le sang du monde entier, Didier Le Bret, coordinateur national du renseignement à l’Elysée censé assurer la sécurité des Français, a choisi ce moment-là pour se féliciter, auprès de l’AFP, de sa décision de se présenter aux législatives prise « conjointement avec le président de la République ». Ce barbouze souhaite être candidat à l’élection législative sur la circonscription Maghreb – Afrique de l’Ouest. « C’est le bon moment pour s’engager en politique », ajoute, sans rire, celui qui était chargé de prévenir les attentats depuis deux ans au plus près de François Hollande. « Il a le sens du timing celui-là ! Après Nice et l’égorgement d’un prêtre dans sa paroisse, l’actualité était tellement douce…! » éructe un militant socialiste de la circonscription Maghreb-Afrique. Ambiance…
Après plusieurs assauts de la personnalités de droite, Hollande a décidé de mettre rapidement fin aux fonctions de son collaborateur, aussi stratégique soit-il et d’opérer le changement de titulaires au cœur de l’été, contrairement au calendrier que Monsieur Le Bret avait annoncé à l’AFP (il avait promis son départ en novembre).
Une circonscription symbolique
Plus globalement, cette circonscription, considérée comme favorable à la gauche d’après les dernières élections (plus de 60% pour la gauche à la présidentielle et aux législatives. L’actuel député en est Pouria Amirshahi, célèbre « frondeur » qui vote systématiquement contre tous les textes économiques de la majorité parlementaire. Mais d’Alger à Tuni et Rabat, il s’agit surtout d’ une circonscription hautement symbolique.
Cette partie du globe, outre le fait d’être historiquement le cœur de la période coloniale et de la « françafrique », est aussi une conjugaison d’enjeux : le politique, le diplomatique, l’économique, l’historique, le sécuritaire et bien sûr le culturel. En nommant son homme chargé du renseignement, François Hollande n’appuie que sur la logique sécuritaire au détriment des autres aspects de la relation entre ces anciens Etats colonisés et Paris.
On imagine qu’il saura trouver les mots devant ses électeurs, la plupart des binationaux, pour défendre le programme du Président Hollande, notamment pour expliquer aux 95% d’Algériens français en quoi la déchéance de nationalité pour les binationaux aurait été une mesure non-discriminatoire quand bien même fusse-t-elle pour « lutter » contre le terrorisme… Autant dire : chasser les mouches avec un bazouka !
Conflits d’intérêts
Si légalement en France, rien n’interdit une telle candidature, éthiquement, après avoir travaillé à recueillir du renseignement sur cette zone, venir s’y présenter par un parachutage élyséen n’est pas forcément ce que François Hollande avait appelé de ses vœux au début de son quinquennat : « la République irréprochable » avec l’instauration de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Politique et récemment, le texte de loi adopté par le Parlement français sur la lutte contre les conflits d’intérêts.
Posséder la casquette de diplomate de formation lié aux réseaux consulaires et se présenter à une élection législative sur une circonscription des Français de l’étranger représentent des avantages compétitifs scandaleux. Surtout quand l’ambassadeur a eu à connaitre des dossiers de la circonscription. Imaginez un Préfet qui viendrait se présenter aux élections législatives dans l’un des derniers départements où il était en poste. Sans parler de la masse d’informations qu’il a pu collecter sur ses futurs électeurs alors qu’il était un des principaux patrons des services de renseignements.
François Hollande n’est définitivement plus un président « normal ».