Seuls les appuis internationaux, notamment celui des Russes, permettent désormais au régime du président Touadera qui ne controle qu’un quart du pays de rester en place et même d’imaginer des élections à la fin de l’année 2020. Ce qui représente dans le contexte actuel un pari plus qu’audacieux
Le territoire de la République centrafricaine, comme ceux des six États limitrophes (Cameroun, Congo, RDC, Soudan, Soudan du sud et Tchad), est actuellement en proie à des mouvements rebelles, voire à des tentatives sécessionnistes. En Centrafrique, l’État et ses Forces armées et de sécurité intérieure s’en remettent à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation de la Centrafrique ( Minusca) pour éviter l’embrasement total du pays. La Minusca permet ainsi de maintenir au pouvoir un président discrédité.
Depuis l’indépendance, le pays a été rarement aussi mal gouverné qu’aujourd’hui. Pour combien de temps?
Pacte de non-agression avec les rebelles
A ce jour, les experts onusiens constatent que près des trois-quarts du pays sont hors de contrôle. La dizaine de groupes armés opportunistes, dépourvus de toute ambition politique nationale, règnent en terrain conquis. Ils se sentent même revigorés par l’Accord de Paix et de Réconciliation ( APR-RCA) du 6 février 2019 qu’ils ont signé avec le gouvernement, sous les louanges du G5+ composé de l’ONU de l’Union africaine, de l’Union européenne, des Etats-Unis d’Amérique, de la France et de la Russie, qui en était le réalisateur et le producteur.
Cet accord léonin entre les autorités de Bangui et les « autorités rebelles » du nord-ouest, du centre, du sud-est et du sud-ouest, ressemble fort à une sorte de pacte de non-agression entre-soi, d’autant qu’en ont été totalement exclus les forces vives de la Nation et évidemment tous les partis politiques du pays. Les groupes armés rebelles ne voient dans l’APR-RCA que la préservation de leur fonds de commerce constitué de l’exploitation de sites miniers, des taxes et prélèvements sur le bétail, des impôts divers perçus sur les habitants et des vols à grande échelle dont sont victimes les ONG humanitaires.
Quant au président Touadera avec son gouvernement, ils pensent surtout à se maintenir au pouvoir avec la caution, sans cesse affirmée du G5 +
Une situation délétère
Dans le microcosme politique banguissois et dans la diaspora, la fièvre pré-électorale est à son paroxysme. La question du maintien du processus électoral, coûte que coûte, avec les rappels du « hold up » de 2011 du tandem Bozizé-Touadera, divise autant que celle d’une tentative suspecte de révision constitutionnelle permettant à Faustin-Archange Touadera de se maintenir au pouvoir au-delà du 30 mars 2021.
Il semblerait que le maintien du processus électoral, avec un premier tour fixé, ne varietur, le 27 décembre 2020, soit plutôt la solution envisagée avec l’appui réaffirmé du G5+ et avec l’approbation tacite des groupes armés qui ne voient que des avantages à une réélection pour cinq ans du président Touadera, sans compter les retombées financières pour acheter leur contribution à cette mascarade.
A la recherche d’appuis régionaux
La situation devient sérieuse et très préoccupante pour le pouvoir actuel. Elle l’ est tellement qu’en pleine période de confinement souhaitée par l’OMS, le président Touadera s’est senti obligé de se rendre, le mercredi 22 avril 2020, à Kinshasa pour rencontrer Felix Tshisekedi; puis à Brazzaville pour solliciter les conseils de Denis Sassou-Nguesso, pourtant un peu délaissé ces derniers temps.
Certes les questions sanitaires et la coopération bilatérale dans la lutte contre le Covid-19 étaient à l’ordre du jour. Mais l’urgence de ce voyage était aussi motivée par la sécurité en Centrafrique. Outre les trafics d’armes incessants sur les rives de l’Oubangui, il y a cette montée en puissance de mouvements quasi militaires, qui eux ont une ambition politique nationale. Contrairement aux signataires de l’Accord de Khartoum, ils sont totalement hostiles au statu quo.
A plus d’un titre, le premier tour des élections du 27 décembre 2020 apparait comme un pari bien audacieux que prennent l’ONU, l’Union africaine, l’Union européenne, les Etats-Unis d’Amérique, la France et la Russie.