Le démantèlement du funeste accord de Khartoum a commencé avec deux décrets présidentiels limogeant Ali Darass, Al-Khakim, Abass Sidiki et Maxime Mokom. La prochaine étape pourrait bien être la Cour Pénale Spéciale Internationale de La Haye.
Après leur tentative d’empêcher, par tous moyens, les élections présidentielle et législatives des scrutins du 27 décembre 2020, les quatre principaux chefs rebelles, pourtant signataires de l’ Accord de Khartoum, signé à Bangui le 6 février 2019, ont été réduits à l’état de rebelle par le président Touadera et son premier ministre Firmin Ngrebada. Par deux décrets du 31 décembre 2020, l’executif banguissois a été contraint de tirer les conséquences de leur dramatique et inébranlable confiance en des hors-la-loi qui évidemment n’avaient jamais imaginé être les protecteurs du processus électoral et encore moins d’ assurer la réélection de Faustin- Archange Touadera.
Le mortifère Accord de Khartoum
Le président Touadera a évidemment écarté les parlementaires, la société civile et les principaux leaders politiques de ce pacte destiné à garantir les scrutins du 27 décembre 2020 et surtout sa réélection » par K.O. » La Russie était à la manœuvre avec l’assentiment de l’ ONU, comme le choix extravagant de Khartoum pour ces négociations, alors que Omar el-Béchir, perclus de sanctions internationales, vivait ses derniers moments de dictateur. Qui s’ en offusquait ?
Ainsi donc les quatorze groupes armés ont tiré les dividendes de cet Accord de Khartoum, et cela pendant vingt longs mois. Rien ne leur était refusé : totale impunité pour leurs crimes et leurs prédations, intégration dans les cabinets présidentiels et de la Primature, nomination dans la haute administration et même dans les Forces armées centrafricaines et les unites mixtes de sécurité. Les principaux leaders rebelles étaient régulièrement reçus au Palais de la Renaissance par le président Touadera, voyageant dans les aéronefs de la Minusca. Les dotations financières les encourageaient à garantir les scrutins et la réélection du président Touadera.
En octobre 2020, une nouvelle visite de la Troïka ( Jean-Pierre Lacroix pour l’Onu, Smail Chergui pour l’Ua et l’ ambassadeur Verissimo pour la Ceeac) a certes constaté des détérioration dans la sécurité dans de nombreuses régions par les groupes armés, mais le feu vert a été donné pour les scrutins du 27 décembre 2020. Une ultime tentative de Firmin Ngrebada, mi- octobre, de conclure un nouvel accord avec Al- Khatim (MPC), Abass Sidiki (3R) et des anti Balakas n’aboutira pas et, au contraire, devant l’échec de ces nouveaux pourparlers, suscitera la création de la Coalition des Patriotes pour le Changement.
Début novembre, l’Accord de Khartoum était bel et bien déchiré par les leaders des groupes armés, à quelques semaines des élections. Toute la politique personnelle du président Touadera était anéantie. Il devait se retourner sans délais sur la Russie et le Rwanda pour faire front à l’insurrection généralisée des anciens signataires de l’ Accord de Khartoum. Les derniers jours de la campagne électorale, et le jour des scrutins, les Ali Darass, Abdoulaye Hissen, Abass Sidiki, Al- Khatim étaient au front pour combattre le président Touadera, empêcher le déroulement des élections et créer le chaos. L’ Accord de Khartoum aura bien été un fiasco pour le président Touadera.Nul doute qu’il risque fort de prolonger ses effets dévastateurs, bien au-delà de ce 27 décembre 2020.
Un total fiasco
Nul doute pour le président et son premier ministre et évidemment pour les responsables de la Minusca, de la représentation locale de l’ ONU, de l’ Union africaine, de l’ Union européenne, de la Ceeac, du G5+, garants et soutiens, envers et contre tous, de ce funeste accord, la pilule sera dure à avaler. Il suffit de réécouter leurs déclarations, il y a, à peine deux semaines, pour mesurer leur extraordinaire faute politique qui aura , hélas, des conséquences durables pour l’ avenir de la Centrafrique mais également pour plusieurs pays limitrophes.
Rappelons les noms des quatre chefs rebelles qui avaient tirer tous les avantages du pacte de non-agression de Khartoum et qui viennent d’être limogés par décret :
– Ali Darass de l’ Union du Peuple Centrafricain ( Upc) qui contrôle le sud-est et le centre-est du pays. Honoré, par Bangui et la Minusca, notamment à Bambari, avant d’en être combattu récemment, il n’ est plus conseiller militaire à la Primature pour le nord-est;
– Bi Sidi Souleymane , alias Abass Sidiki, du mouvement Retour, Réclamation, réhabilitation (3R), qui déploie la terreur dans le nord-est et le nord- ouest, depuis plusieurs mois, est rayé des cadres de la Primature en sa qualité de conseiller militaire pour le nord-ouest.
– Mahamat Hamat Alhissene, alias Al-Khatim, du Mouvement patriotique pour la Centrafrique ( MPC), entretenait la terreur le long de la frontière tchadienne, n’ est plus conseiller militaire à la Primature pour le centre- nord;
– Maxime Mokom, l’un des chefs anti-balaka, proche de François Bozizé, est limogé du gouvernement. Il était ministre du Désarmement, de la Démobilisation, de la Reinsertion et du Raptriement ( DDRR). Au lieu d’exercer ses fonctions ministérielles, il était surtout le bras armé de Bozizé pour semer l’ insécurité dans l’ Ouest du pays.
Cette première clarification sera suivie de bien d’autres. Si sa réélection semble très probable étant donné les conditions du scrutin, le président Touadera va devoir démanteler toute l’ architecture mise en place par l’accord de Khartoum. Les membres des quatorze groupes armés signataires de l’accord, ayant bénéficié de nominations de l’État centrafricain, vont devoir être éradiqués. Une opération délicate mais qui préfigure la situation dans laquelle va se trouver ce pays avec des rebelles durablement installés dans 75 % du territoire. Bangui pourrait bien ressembler à Mogadiscio.