L’état de grâce qui suit habituellement une élection risque d’être de courte durée pour Roch Marc Christian Kaboré, élu président de la république dès le premier tour par ses compatriotes avec 53,49% des voix. Plusieurs urgences sont déclarées dans le pays.
L’Etat en chantier
Aussitôt installé dans ses fonctions, le nouveau président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré devra tenter de désamorcer la bombe à retardement que représente le chômage des jeunes. Derrière la ferme opposition à la modification de l’article 37 de la Constitution portant sur la limitation du mandat présidentiel, le problème de l’emploi a été le principal moteur de l’insurrection populaire qui a emporté les 30 et 31 octobre 2014 le régime de Blaise Compaoré. Absorbé par son agenda politique, le gouvernement de transition n’a pas avancé le chantier de la résolution du problème d’emplois de la jeunesse du Burkina Faso. Il le laisse finalement en héritage au président élu.
Il trouvera également sur son bureau le dossier du retour à la confiance entre la Justice et les justiciables. Trop de crimes de sang et de crimes économiques restés impunis pendant 27 années ont amené les Burkinabé à perdre confiance dans le système judiciaire de leur pays. Les états-généraux de la justice organisés en mars dernier ont esquissé des solutions ; il appartient donc à l’ex-candidat des sociaux-démocrates du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) de les mettre en œuvre. Sur ce plan, l’action des nouvelles autorités élues sera jugée à travers trois affaires emblématiques : l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998, la mort du capitaine Sankara en 1987 et la tentative de coup d’Etat perpétrée par le général Gilbert Diendéré en septembre 2015.
La menace terroriste
En raison de l’environnement sous-régional, la menace terroriste est devenue une autre urgence à laquelle le président Kaboré doit répondre sans tarder. Pays membre du G-5 Sahel, avec le Mali, la Mauritanie et le Tchad, le Burkina Faso n’a pas connu d’attaque terroriste sérieuse avant celle perpétrée le 9 octobre 2015 dans la localité de Somorogouan, près de frontière avec le Mali. Ce jour-là, une cinquantaine de djihadistes présumés, probablement venus du Mali, ont tué trois gendarmes et un civil égorgé à l’arme blanche. Depuis lors, le pays a pris des mesures de sécurité incluant un couvre-feu nocturne de 1h à 4h du matin et instauré des barrages sur les axes routiers.
Ancien baron du régime de Blaise Compaoré tombé en disgrâce, le nouveau président dispose d’une longue expérience de l’Etat en tant qu’ancien président de l’Assemblée nationale et ex Premier ministre. Il s’appuie par ailleurs sur une équipe de figures connues de la vie politique nationale comme l’ancien ministre Salif Diallo et l’ancien maire de Ouagadougou Simon Compaoré qui avaient, eux aussi, rompu avec l’ancien régime avant sa chute.
Il y a des raisons légitimes d’aborder l’avenir avec optimisme après la belle leçon de démocratie et de pluralisme politique donnée par le Burkina Faso au lendemain des présidentielles controversées en Guinée et en Côte d’Ivoire et de la consultation référendaire calamiteuse au Congo Brazzaville.
Le succès du double scrutin du dimanche 29 novembre 2015 ont signé l’acte de naissance d’un « modèle démocratique burkinabé ». Puisse-t-il essaimer sur le reste du continent.