Alors que la campagne présidentielle bat son plein au Bénin, une question taraude les esprits. S’il est élu, le « dauphin » désigné du président Thomas Boni Yayi, Lionel Zinsou, autorisera-t-il les poursuites judiciaires contre son prédécesseur soupçonné d’être impliqué dans plusieurs scandales financiers ?
Las des dérives du « système Yayi », les Béninois réclament aujourd’hui des comptes sur les dix années passées sous un régime miné par la corruption.
Triche à tous les étages
Chacun a en tête plusieurs affaires qui ont entaché le règne du chef de l’Etat. La plus emblématique est celle dite de l’ »ICC Services », une société de microcrédit qui, en 2010, a floué des centaines de milliers d’épargnants béninois à hauteur de 100 milliards de francs CFA (152 millions d’euros). Le tout au vu et au su des autorités béninoises qui ont fermé les yeux sur l’existence de cette institution dont certains responsables entretenaient de bonnes relations avec des personnalités du régime.
Plus récemment, en 2015, le ministre en charge de l’eau et de l’énergie, Barthélémy Kassa, a été accusé d’avoir détourné 4 millions d’euros versés par la coopération néerlandaise et destinés à financer un programme d’assainissement de l’eau. L’audit internationale mis en place à la demande de La Haye a démontré la responsabilité du ministre provoquant pendant quelques mois l’interruption de la coopération bilatérale avec les Pays-Bas et la fermeture de l’ambassade néerlandaise à Cotonou. Malgré le déplacement de la ministre néerlandaise de la coopération dans la capitale béninoise pour exiger des sanctions contre le ministre Kassa, ce dernier, déchu de poste ministériel, a été élu entre temps à l’Assemblée sous l’étiquette FCBE (les Forces cauris pour un Bénin émergent), le parti présidentiel, et bénéficie toujours de son immunité parlementaire. Les députés de l’assemblée ayant voté contre sa levée…
Zinsou, les mains liées ?
Face à toutes ces affaires, le candidat FCBE aux présidentielles, Lionel Zinsou, se garde bien de montrer ses intentions et continue d’alimenter sa proximité avec des personnalités du gouvernement en place qui le soutiennent. « Il ne s’est pas exprimé sur les dossiers de corruption. Au point que certains commencent à douter de sa sincérité » note un représentant de la société civile béninoise.
A Cotonou les hypothèses vont bon train. « Les partis qui se sont ralliés à Zinsou pour les élections, la RB (Renaissance du Bénin) et le PRD (Parti du renouveau démocratique), ont toujours détesté Yayi et les FCBE. Ces dissensions au sein de la future majorité présidentielle pourraient donner une marge de manoeuvre à Zinsou contre les ténors FCBE » analyse un journaliste béninois. D’autres observateurs se montrent plus nuancés. « Des têtes vont tomber pour donner des gages mais Boni Yayi va négocier son impunité au prix fort » estime un diplomate occidental. Pour cela, le président béninois dispose d’un allié de taille : François Hollande, dont le soutien à Lionel Zinsou, grand ami de Laurent Fabius, est un secret de polichinelle.