L’affaire Khashoggi aura mis en lumière la réalité de la personnalité du petit-fils d’Ibn Saoud, le prince héritier Mohammed Ben Salman.
Mohammed Ben Salman (33 ans), prince héritier du royaume d’Arabie Saoudite était, il y a peu de temps encore comme le 10 avril 2018 à Paris, accueilli en grandes pompes par les chefs d’État, soutenant la « modernisation » du régime prônant pourtant le Wahhabisme. Aujourd’hui, l’accueil ne serait plus aussi chaleureux.
Vers une destitution?
Les états de service du jeune prince héritier du royaume d’Arabie Saoudite deviennent de plus en plus accablants. L’assassinat horrible de Jamal Khashoggi, le 2 octobre 2018 dans le consulat saoudien d’Istanbul, a fini par ébranler la famille régnante. Le petit-fils du fondateur du Royaume d’Arabie Saoudite, Ibn Saoud, est désormais dans la ligne de mire et pourrait être rapidement sacrifié au nom de l’intérêt supérieur du régime tribal saoudien et de la réunification des différentes branches des Saoud.
En peu de temps, MBS veut imposer au pas de charge et avec brutalité, un programme de réformes et un projet de réorganisation régionale allant du Liban au Yémen. Sans vouloir prendre en compte les réalités incontournables, il risque fort d’être la propre victime de son impétuosité. L’affaire Khashoggi pourrait bien être l’affaire de trop.
Un jeune prince sans limite
On se souvient que Emmanuel Macron avait joué un rôle majeur dans la libération de Saad Hariri, Premier ministre libanais qui avait été contraint de se rendre à Ryad pour présenter sa démission, en novembre 2017, et retenu contre son gré, à Ryad. MBS venait de créer une grande première. Qui sait ce qui serait advenu du Premier ministre libanais sans l’intervention d’Emmanuel Macron ? On se rappelle également que MBS avait créé la sensation, début novembre 2017, en mettant en garde à vue au Ritz-Carlton et au Marriot de Ryad, plusieurs centaines de ministres, princes, hommes d’affaires et dignitaires du régime, au motif de corruption, alors que celle-ci est généralisée dans ce pays.
Un ministre de la Défense va-t-en guerre
Ministre de la Défense, depuis janvier 2015, MBS a immédiatement intensifié les combats et bombardements contre les rebelles Houthi et les civils du Yemen. La crise humanitaire y est effroyable. On dénombre des milliers de tués et des milliers de personnes affamées. Les Etats-Unis d’Amérique ont constitué le principal fournisseur d’armes et soutien à MBS. La France, et notamment le ministre Le Drian, n’ont pas été en reste, sous Hollande et maintenant sous Macron. La position de la France vis-à-vis de l’Iran n’est-elle pas devenue plus radicale sous l’influence de MBS et la promesse de juteux accords commerciaux ? C’est encore MBS qui a décidé la rupture diplomatique avec le Qatar, le 5 juin 2017, et mobilisé une coalition arabe contre le Qatar afin d’asphyxier ce pays. Cette nouvelle donne a aujourd’hui des répercussions sur tout le Moyen-Orient, avec un rapprochement de l’Iran vers le Qatar, et de nouvelles lignes de fractures dans le monde arabe qui se répercutent même en Afrique, notamment dans la Corne de l’Afrique.
MBS est manifestement un dangereux pyromane. Une plus grande prudence de la diplomatie française envers MBS aurait été souhaitable. Les mirages des accords commerciaux et d’armement ne doivent pas être les seuls objectif, sans aucune autre considération, de notre diplomatie qui perd pied dans de nombreux domaines, sans pour autant gagner en influence dans le multilatéralisme.