En procédant à une énième réforme de la constitution du Gabon en décembre dernier, le chef de l’exécutif du Gabon, Ali Bongo a renforcé de façon spectaculaire ses pouvoirs faisant de lui une sorte de monarque d’un genre étrange.
Une chronique de Jocksy Ondo-Louemba
Dans les années 70 et surtout 80, Omar Bongo avait amorcé la transformation du Gabon en un Royaume, fortement encouragé par son fils Ali Bongo. Prince héritier désigné du futur « Royaume du Gabon » , Ali Bongo était même allé plaider l’instauration d’un royaume au Gabon à Paris chez Jacques Chirac alors premier ministre et chez Jacques Foccart qu’on ne présente plus.
Face aux réticences tant externes qu’internes, l’ancien employé des postes de Brazzaville avait renoncé sur le papier à faire du Gabon un royaume et s’était contenté d’être « Président à vie » tout en veillant à ce que son héritier désigné lui succède.
« Ali l’émergent »
Dès son arrivée au pouvoir, Ali Bongo veut tout contrôler et tout gérer. Ainsi, bien que disposant d’un gouvernement et d’un premier ministre, il se dote d’une série d’agences qui ont les mêmes prérogatives que des ministères avec ceci de différent que leurs directeurs ne rendent compte qu’à lui. Ainsi, s’il existe bien un ministère des travaux publics, l’Agence Nationale des Grands Travaux et des Infrastructures (ANGTI) qui ne dépend que de lui est celle qui dans les faits remplace le Ministère. Quant à son ambition « de faire du Gabon un pays émergent à l’horizon 2025 » (sic) elle repose non sur une stratégie gouvernementale cohérente mais sur un de ses amis chargé de coordonner le « Plan Stratégique Gabon Émergent » au budget mirifique…
Aujourd’hui, l’agence Nationale des Grands Travaux et des Infrastructures a été dissoute et on ne parle plus vraiment d’Émergence au Gabon.
Serment d’allégeance
Fervent admirateur des monarchies absolues du Golfe, Ali Bongo instaure une cérémonie de prestation de serment pour les membres du Gouvernement qui se tient dans son Palais. Là, assisté de la Cour Constitutionnelle, il déclare ouverte «l’audience solennelle de prestation de serment des membres du Gouvernement, conformément au disposition de l’article 15 de la Constitution» et reçoit les prestations de serment des membres du Gouvernement. Les heureux élus sont invités par la présidente de la Cour Constitutionnelle à l’appel de leur noms à «Avancer devant le pupitre, la main droite nue et levée pour prononcer la formule de serment placée [devant eux]» et à la suite d’apposer leurs signatures dans le registre des serments placés à coté. Appelés par le greffier en chef, chacun des membres du Gouvernement devant un Ali Bongo extatique prête serment en promettant « le strict respect de ses obligations loyauté à l’égard du chef de l’État (…)» en terminant par une proskynèse toute orientale.
La « Chambre des Lords » d’Ali
En tant que Président à vie du Parti Démocratique Gabonais (PDG), Ali Bongo «Distingué Camarade Président de la République » (sic) contrôle de fait les deux chambres du parlement du Gabon où l’ancien Parti Unique mais toujours parti d’État possède plus de 80% des sièges (un pourcentage nettement supérieur si on compte les partis satellites). Pour se prémunir des parlementaires félons, une loi assez subtile prévoit qu’un député exclu de son parti ne peut se représenter à une élection dans un délai inférieur à celui prévu pour l’organisation de l’élection partielle. Désormais, Ali Bongo, « conformément à la loi » (article 35 nouveau) nommera directement la moitié des sénateurs…
L’arrivée de Bongo III
Soucieux de voir la dynastie Bongo continuer à régner sur le Gabon et pour assurer une installation sans encombres de son « fils bien aimé » Nourredine Bongo actuellement coordinateur général des affaires présidentielles, Ali Bongo en homme prévoyant a préféré remplacer le dispositif qu’il avait pourtant connu en 2009 à la mort d’Omar Bongo et qui avait vu la présidente du Sénat d’alors Rose Francine Rogombé assurer l’intérim. Désormais, « en cas de vacance de la Présidence de la République ou d’empêchement définitif de son titulaire », c’est un « collège» composé des présidents du Sénat, de l’Assemblée Nationale et du Ministre de la Défense supervisé par la Présidente de la cour Constitutionnelle qui devra veiller que tout se passe dans les clous sous le regard attentif de l’armée notamment de la Garde Républicaine forte de plus de 3000 hommes et dirigée à ce jour par un cousin d’Ali Bongo, le Colonel Brice Oligui Nguema…
Le Gabon reste toujours officiellement une « République »…