La prolongation de l’hospitalisation du président Tebboune en Allemagne et l’absence du chef d’état major, le général Chengriha, soigné lui aussi à l’étranger et plus précisément en Suisse suscitent les spéculations les plus folles dans un climat qui rappelle la fin du rêgne de Boutefllika.
Une chronique de Mohand Tamgout
Le peuple algérien ne dispose d’aucune information sur l’état de santé réel du président Tebboune. En l’absence d’images, les rumeurs les plus alarmantes sont propagées par les réseaux sociaux.
Des lettres du président, dit-on, sont lues au journal de 20 heure. Ils marquent un retour à des pratiques qui rappellent les heures Bouteflika. « L’Algérie nouvelle », tant promise, s’avance, mais en reculant. L’immobilisme est en marche !
« Mieux vaut connaître le pire, quel qu’il soit, que de demeurer dans une affreuse incertitude ». Oscar Wilde.
L’absence très remarquée des écrans de télévision du chef d’Etat major, le général major Said Chengriha, qui se fait soigné en Suisse, apporte son lot de questionnement sur le fonctionnement des institutions de l’Etat. Lui qui avait bien occupé l’espace médiatique lors des premières heures du déplacement médical du président Tebboune en Allemagne voici un mois, a disparu des écrans.
Le président du Sénat, Salah Goujil, qui est supposé assumer la période transitoire en cas de vacance du pouvoir, a déja du mal à occuper sa fonction à plein temps compte tenu de sa santé vacillante et de son grand äge. L’horloge biologique des hauts responsables algériens les met à nu face à la pression populaire du Hirak.
C’est dans ce contexte d’incertitude que le haut commandement de l’armée envisage de trouver une alternative pérenne aux fluctuations que le pouvoir algérien subit depuis 2013, date de l’admission de Bouteflika au Val de grâce pour un grave AVC qui marque son effacement de lamarche des affaires au profit d’une camarilla affairiste. « Tout ça pour revenir au point de départ» . On se souvient de l’intronisation à battant rompu de Tebboune par l’équipe de Gaid Salah précédée par les purges des anciens éléments du DRS. Or ces derniers ont repris du service et aspirent à un retour complet aux affaires par la libération de leur chef le Général Toufik. En effet, le 18 Novembre, la Cour suprême confirmait le pourvoi en cassation des trois détenus de la prison militaire de Blida, les Généraux Toufik et Tartag ainsi que Said Bouteflika, le frère de l’ancien président, le prélude sans dout à un nouveau procès qui devrait conduire à leur élargissement.
La roue tourne mais personne ne sait dans quelle direction elle s’oriente.
Une polarisation des clans s’opère en vue de tourner la page Tebboune. Bientôt elle se conjuguera non pas à l’imparfait mais au passé simple. La bataille s’annonce féroce, tous les coups seront permis pour accéder au pouvoir seul garant de protection judiciaire. Les perdants auront à choisir entre l’exil ou la prison.
Les forces polarisantes ne sont pas toutes identifiables. Les partisans de l’ancien Vice-ministre de la défense et chef d’Etat major le général Gaid Salah ne s’avouent pas encore vaincus. Le général Benali Benali, en dépit de son âge très avancé, possède des relais nombreux dans les régions militaires. Lui qui est le plus ancien dans le grade le plus élevé et qui avait rallié in extremis le camp de Gaïd Salah pour permettre un départ en douceur de Bouteflika conserve la responsabilité de la garde républicaines. Lui qui a déclaré souhaiter « mourir en uniforme » semble indéboulonnable. en défenseur des valeurs nationalistes qui ont longtemps cimenté l’unité de l’armée. Son clan est certainement le principal obstacle à une totale emprise sur l’appareil sécuritaire des anciens cadres du DRS du général Toufik, qui sont revenus sur le devant de la scène étatique après avoir été écartés et souvent emprisonnés voici deux ans.
En Algérie le pire est à venir compte tenu d’une accélération de l’histoire incontrôlée
L’institution militaire algérienne a retrouvé un semblant d’unité, mais au prix de multiples purges et mises à l’écart.En un an, le pays a connu trois chefs d’état plus qu’en vingt ans de Bouteflika, une constitution passée aux forceps avec un taux de participation le plus faible de l’histoire du pays, des retournements de situations les plus rocambolesques au sein des appareils de l’Etat. On est à mi-chemin entre « the unpredictable random » et le « chaos constructif» cher aux stratèges américains dans la lecture des crises politiques chroniques.
Les événements qui se sont succédés nous imposent une lecture prudente de la situation tant que le système opaque recèle des fractures souterraines telles que les alliances, et contre alliances qui peuvent s’opérer à tout instant. Ce qui sous-entend que le dénouement de la crise politique n’est pas pour demain. Entre un statut devenu intenable et un maintien du système juge prioritaire par les élites, la stabilité du pays lors de l’après Tebboune qui se négocie entre « décideurs » est plus qu’hypothétique.
L’intervention du président Français, Emmanuel Macron, encourageant le « courageux » Président algérien à poursuivre sa « transition » en dit long sur la fragilité des équipes de Tebboune engagées dans une politique de coordination sécuritaire avec la France au Mali et en Libye.
En s’emparant des archives de l’adjudant-chef Guermit Bounouira, l’homme à tout faire de Gïd Salah, les Turcs ont désormais de quoi faire chanter une partie du personnel militaire algérien.
Les services algériens ont orienté leur stratégie sécuritaire vers d’autres horizons que l’alliance avec Paris. Une collaboration avec les Turcs, moins intrusifs que les Européens, est perçue comme une opportunité à saisir. Le rapport de confiance entre Alger et Ankara s’est renforcé par des négociations sur l’obtention par l’Algérie des drones Turcs Bayrektar TB2 qui ont fait leurs preuves dans les conflits syrien, Libyenne, et tout récemment encore dans le Haut Karabakh.
Ultime surprise, le nouveau conflit a éclaté entre le Polisario au Maroc met l’appareil sécuritaire en alerte maximale. Il devient urgent pour le pouvoir algérien r&el, incarné par l’armée, d’envisager une réponse politique à la vacance de pouvoir présidentiel.
L’instabilité politique est d’autant plus grande qu’aucun compromis n’a été conclu avec la société civile issue de la pression populaire du Hirak. Outre la mauvaise volonté du pouvoir, l’absence de leadership au sein des mobilisations populaires rend l’exercice plus difficile encore. L’incapacité des oppositions au régime à se structurer s’explique par la crainte de révéler des fractures souterraines (régionalisme, islamisme…) qui menaceraient l’unité du peuple. Il existe en Algérie une peur diffuse d’un effondrement de cette Nation qui a vécu les drames du colonialisme, la violence d’une guerre d’indépendance et les 150000 morts des années noires de 1992 à 1998.