A l’approche d’un nouveau remaniement ministériel qui devrait battre les cartes du jeu politique algérien, la guerre des clans s’intensifie entre les alliés du président Bouteflika et les gradés qui lui sont opposés.
Nouvelle bataille au sommet de l’Etat algérien. Le ministre de la Ville et de l’Habitat, Abdelmadjid Tebboune, a limogé brusquement et sanctionné sévèrement une dizaine de directeurs de logements. 29 directeurs ont reçu un blâme et 3 des mises en demeure. Cette succession de sanctions et de punitions constituent une première en Algérie surtout dans ce secteur qui revêt un intérêt stratégique puisqu’il capitalise les attentions de tous les Algériens confrontés à la crise de logement.
Guerre des clans
Mais s’agit-il uniquement d’un remaniement interne obéissant à des critères professionnels ? Loin s’en faut. Toutes nos sources sont unanimes : ces limogeages interviennent dans le sillage d’une nouvelle guerre de clans qui déchire les différents lobbies composant le régime algérien. Pressenti pour être l’un des hommes qui occuperont des hautes fonctions les plus prestigieuses lors du prochain remaniement ministériel prévu après l’adoption définitive de la nouvelle constitution, Tebboune vient de démasquer un complot d’Ahmed Ouyahia, le chef de cabinet du palais d’El-Mouradia proche de plusieurs militaires et leader du RND qui « magouille », d’après nos sources, depuis plusieurs semaines pour neutraliser les hommes forts du FLN et du clan présidentiel d’Abdelaziz Bouteflika.
« Pour peser sur le prochain remaniement ministériel et placer ses lieutenants, le RND d’Ahmed Ouyahia complote pour déstabiliser et discréditer les ministres les plus emblématiques du gouvernement de Sellal et membres du comité central du FLN. Tebboune est le premier adversaire des hommes du RND notamment d’Abdesslam Bouchouareb qui lorgne sur le poste du Premier ministre », nous explique une source très bien introduite au sein de ces réseaux qui côtoient tous les décideurs algériens. La lutte entre le RND est le FLN est aujourd’hui une guerre ouvertement déclaré. Amar Saâdani ne veut plus partager le pouvoir avec Ahmed Ouyahia. Et ce dernier qui cultive des ambitions présidentielles dans la course à la succession à Abdelaziz Bouteflika, échafaude des plans pour écarter le FLN des instances les plus puissantes du régime.
Sabotage a tout va
Et après avoir réussi à rallier de nombreux petits partis dans un front d’opposition contre le FLN lors des récentes élections sénatoriales, Ahmed Ouyahia ambitionne, désormais, de placer son ami Bouchouarebn et l’un des cadres de son parti, à la tête du futur gouvernement. Pour ce faire, une seule option s’offre à lui : « Salir et saboter le travail des autres ministres en compétition pour succéder à Sellal ». La tactique diabolique est vite élaborée : fort de ses réseaux au sein de l’administration algérienne et de ses accointances avec les cellules secrètes du DRS, le RND a demandé à ses hommes de monter de toutes pièces des affaires scandaleuses dans le secteur de l’Habitat afin d’enclencher une vague de protestation populaire et une large campagne médiatique à l’encontre de Tebboune, l’ennemi numéro un et chouchou de l’heure du clan présidentiel.
Des directeurs de logements dans plusieurs wilayas ont laissé faire des opérations de distribution de logements très controversées. Ils ont fermé les yeux face à de nombreuses irrégularités. Ils ont même avantagé des pratiques mafieuses pour porter un énorme préjudice à leur ministre de tutelle. Cependant, le complot n’a pas fonctionné comme il faut puisque Tebboune « a senti le coup venir », nous confient ses proches. « Il a vite pris des mesures coercitives et a limogé tous les cadres impliqués dans cette vaste fumisterie orchestrée pour l’abattre et le pousser vers la sortie lors du prochain remaniement », assurent encore des interlocuteurs qui travaillent dans son cabinet. Tebboune a-t-il, pour autant, gagné la guerre ? Pas si sûr car Ahmed Ouyahia et ses réseaux risquent bel et bien de revenir à la charge dans les jours à venir.