Le long métrage sur Netflix du réalisateur nigérian Kenneth Gyang, raconte cette jeune journaliste Tobore Ovuorie qui a décidé en 2013. de se faire passer pour une prostituée afin de dénoncer de l’intérieur le système quasi esclavagiste qui existe à Lagos au Nigeria.
Une chronique de Christian Labrande.
La publication par Kenneth Gyrang de son reportage sur la prostitution à Lagos dans le grand quotidien nigérian Premium Times et dans le magazine hollandais Zam Chronicles a incité le réalisateur Kenneth Gyang à en tirer un film. Àl’écran, la journaliste Tobore Ovuorie QI devient Oloturé qui se fait donc passer pour une jeune prostituée pour mener son enquête. Le film est, dès l’ouverture du pré générique, une immersion très crue dans le monde des quartiers chauds de Lagos où de toutes jeunes filles sont livrées à un commerce florissant et tentaculaire.
Face à ce monde violent qu’elle découvre , l’apprentie prostituée a des réactions irrépressibles de dégout, notamment dans une soirée orgiaque où les jeunes filles sont livrées à la lubricité de politiciens locaux. Par deux foix Oloturé prend la fuite et se trouve confrontée à la violence de son ancien « mac ». C’est l’occasion d’une séquence du film qui oppose deux âges de la prostitution. Celui ,désormais dominant, des réseaux de rencontre et celui, en chute libre, des macs à l’ancienne.
Benin City, plaque tournante
Mais malgré ses dégouts et la violence montant autour d’elle, Oloturé s’accroche à son projet. Car son but est de gagner la confiance des prostituées pour qu’elles lui présentent une « Madame », l’une des trafiquantes proxénètes, qui envoie des dizaines de filles travailler pour elles en Europe.
Car si la traite des toutes jeunes femmes pour l’exploitation sexuelle est une véritable fléau au Nigeria sa destination est aussi souvent l’étranger. Oloturé et ses compagnes sont emmenées dans un mini bus à Benin City , ville du sud du Nigéria qui est devenue la plaque tournante du recrutement des femmes transportées en Europe par des réseaux criminels. Benin City qui sera donc leur point de départ pour l’Europe.
Mais nous ne sommes pas à ce stade dans la fiction mais bien dans le cinéma du réel. Car l’Europe est effectivement une terre d’asile privilégiée pour cet esclavage moderne. Dans le film Oloturé et ses compagnes sont ainsi envoyées vers l’Italie où , selon les sources officielles entre 10.000 et 30.000 femmes Nigérianes sont prostituées.
Mais des dizaines de milliers d’autres jeunes femmes n’ont jamais eu la « chance » traverser la Méditerranée et se trouvent bloquées en Libye ou d’autres pays d’Afrique de l’Ouest où leurs passeurs les exploitent en leur faisant miroiter le « rêve » européen.
Tant pis pour l’happy end
Rappelons que Paris est aussi un lugubre point d’arrivée pour les jeunes nigérienne. Comme le racontait un article du Monde d’août 2020 un réseau de traite et de proxénétisme nigérian a, à cette époque, été jugé devant la cours d’assise. Il réduisait à la servitude des filles, souvent mineures et accablées de dettes. La plupart d’entre elles viennent justement de Benin City atterrissant pour une vie d’esclavage sexuel dans le bois de Vincennes. Un autre procès avait eu lieu en novembre 2019 , cette fois ci à Lyon, contre un réseau qui avait des ramifications dans plusieurs villes du Sud de la France.
C’est cette réalité qui est aussi la nôtre, parfois didactique, nous invite à l’indignation. Oloturé a connu un grand succès au Nigéria et, pour une production entièrement africaine , un franc succès au niveau international. A ceux qui lui reprochent sa fin tragique , le réalisateur répondait: « pour la plupart de ces femmes , il n’y a pas de lumière au bout du tunnel, alors pourquoi terminer sur un happy end ? ».
Toutefois dans la vraie vie, Tobore Ovuorie a réussi à l’enfuir à la frontière beninoise, échappant à la surveillance de ses trafiquants