Les Juifs en terres d’islam (volet 3) : Egypte, Iran, Irak 

Ce troisième volet  sur les Juifs invite à découvrir la vie des Juifs en Islam, au-delà des frontières de l’Empire ottoman et de l’Arabie. Nous nous tournerons vers des régions où leur présence a marqué des siècles de cohabitation et d’échanges culturels, en Égypte, en Iran, au Yémen.

Omar Hamourit, essayiste historien

Tassadit Yacine, anthropologue à l’EHESS

Roberts, David 1796-1864. « The Departure of the Israelites », 1829. Oil on canvas, 130 x 183.3 cm. Inv.: 1986P109. Birmingham, City Museum and Art Gallery. Credit: Album / akg-images

Ce parcours nous révélera la richesse de leurs interactions avec les sociétés locales, ainsi que les défis et les succès qui ont jalonné leur histoire dans ces terres. Cette étude constitue naturellement un survol des étapes qui nous ont semblé essentielles et une analyse des principales raisons ayant conduit à l’amélioration ou à la détérioration de la situation des Juifs au fil du temps.

En terre d’Egypte 

L’histoire des Juifs d’Égypte, riche et ancienne, s’inscrit dans le vaste tableau des communautés juives en terre d’islam, déjà exploré dans des études antérieures et publiées précédemment sur Mondafrique. Ici, notre réflexion prend pour point de départ l’avènement des Fatimides (969 et 1171). Sous cette dynastie, l’Égypte, avec Fustat — future Caire — comme épicentre, s’épanouit en un carrefour florissant de commerce et de vie intellectuelle. Cette époque charnière révèle un tournant pour les communautés juives, à qui elle ouvre de nouvelles opportunités, tout en redéfinissant subtilement leur statut et leur rôle au sein de la société musulmane. La ville, animée par des échanges incessants et des effervescences savantes, devient pour les Juifs un lieu de renouveau et d’émancipation partielle, où s’entrelacent prospérité matérielle, épanouissement culturel, déchéances, périodes de tensions et instants d’opulence. Par exemple, le calife Al-Hakim (996-1021) qui appliqua strictement le Pacte d’Omar, bien qu’il soit chiite, a imposé en 1011 des restrictions sévères aux Juifs. Ils furent ainsi regroupés dans le quartier de Harat el Yahoud, marqués par des clochettes et un symbole en bois représentant un veau. A Al-Jaudariyyah, où plusieurs d’entre eux résidaient, un incident notable survint : informé de leurs railleries en vers à son égard, Al-Hakim réagit en ordonnant l’incendie du quartier.

Malgré cette sévérité, certains Juifs parvinrent à occuper des postes influents. Juif né en Egypte, l’historien Alec Nacamuli, relate ainsi l’ascension d’Abou al-Munajja ibn Shayah, nommé au XIIe siècle à la tête du Département de l’agriculture. En 1112, il se fit un nom en supervisant la construction de l’écluse du Nil, Baḥr Abi al-Munajja, bien qu’il ait subi par la suite une disgrâce, étant emprisonné à Alexandrie pour dépenses excessives, avant d’être relâché. Sous le vizir Al-Afdhal (1137), de nombreux occupèrent des postes important dans le gouvernement. On parle même d’un Juif qui occupa brièvement le poste de ministre des finances. Son nom n’est pas connu mais il est rapporté souvent dans les récits racontant cette période. Toutefois, il fut destitué par ses ennemis, dépouillé de ses biens et remplacé par un chrétien favorable à l’expulsion des Juifs. En réponse, quatre notables Juifs ourdirent une conspiration contre lui.. De même, des personnalités juives influentes évoluèrent à la cour des Fatimides : Abou Mansour, médecin du calife Al-Hafiz (1130-1149), et Abu al-Faḍail ibn al-Nakid, célèbre oculiste, sont deux noms qui brillent encore dans les mémoires, rappelant une époque complexe où la résilience des communautés juives se conjuguait à leurs talents et à leur influence. Une autre figure marquante, signalée par l’historien Alec Nacamuli,  de cette époque fut Yacoub Ibn Killis. D’abord converti à l’islam, il monta en influence jusqu’à devenir vizir des Fatimides, conseiller financier pour le Régent Kafir qui l’apprécie personnellement. Illustrant ainsi les échanges et les liens solides entre les communautés juive et musulmane sous ce règne. Les récits de Juda Halevi, qui visita Alexandrie avant de mourir en 1141 au Caire, et de Benjamin de Tudèle, vers 1160, ont donné un aperçu de la vie juive en Égypte, somme toute calme et prospère. À cette époque, le Caire comptait environ 2 000 Juifs, Alexandrie 3 000. D’autres communautés, plus modestes, existaient dans des villes comme le Fayoum, Damiette, Bilbeis et Damira, où la vie juive florissait encore malgré les nombreuses épreuves. C’est en cette période, celle des Fatimides, que la célèbre Guéniza du Caire prospéra et devint une collection exceptionnelle de documents conservés dans la synagogue Ben Ezra, témoigne de cette richesse culturelle. Les manuscrits y décrivent un quotidien fait de commerce, de débats théologiques et de moments de partage au sein de la communauté.

La période de Saladin (1169-1193) fut aussi particulièrement tolérante, le philosophe et médecin Moïse Maïmonide s’établit en Égypte où il gagna la confiance de la cour, devint un chef spirituel éminent, rédigea des œuvres fondamentales et se consacra à sa communauté. Ensuite, la domination ottomane, instaurée en 1517 par Selim Ier, restructura la communauté juive en abolissant le rôle de Naggid[1], tout en permettant à certains Juifs de maintenir des positions importantes. À la fin du XVIe siècle, le rabbin  Bezalel Ashkenazi favorisa grandement les études talmudiques, formant une génération de savants, parmi lesquels le rabbin  Isaac Louria, fondateur de l’école kabbalistique de Safed, et ses disciples. La communauté juive se développa, au point qu’à la fin du XIXe siècle, elle comptait plus 80 000 individus en Égypte[2], participant activement à la vie intellectuelle et économique du pays. Sous le protectorat britannique et le règne de Fouad Ier, ils vécurent généralement en bonne harmonie avec la population égyptienne, bien que la nationalité fût rarement accordée à ceux qui fuyaient l’Europe, à la recherche d’une vie meilleure et paisible.

Au début du XXe siècle, certains Juifs égyptiens s’engagèrent dans le mouvement nationaliste égyptien dirigé par Ahmed Ourabi. Parmi eux, René Qattawi qui fonda l’Association de la jeunesse juive égyptienne, dont les objectifs étaient de promouvoir le patriotisme égyptien et de s’opposer au sionisme. L’historien Joël Beinin, dans « The Dispersion of Egyptian Jewry », met en lumière cette dynamique. Aussi, faisant partie de ces nombreuses familles juives qui avaient fui l’Europe au XIXe siècle, pour s’installer dans cette Egypte cosmopolite,  Henri Curiel[3], figure influente de cette époque, s’opposa également aux Britanniques en créant le Mouvement égyptien pour la Libération nationale en 1943, qui deviendra le noyau du futur parti communiste égyptien. Curiel joua un rôle clé dans l’établissement des premiers échanges informels entre l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et Israël. Cependant, certains, comme Mourad Beh Farag, avaient des positions différentes. Bien qu’Egyptien et ardent patriote, il défendit le sionisme dans ses écrits. La montée des tensions en Palestine et l’émergence de mouvements nationalistes radicaux, tels que les Frères musulmans, entrèrent alors en conflit avec le sentiment nationaliste égyptien, entraînant une détérioration des relations entre les différentes communautés. Dans les années 1940, les tensions entre les communautés juives et arabes en Égypte s’intensifièrent, entraînant des actes de violence ciblée contre les Juifs. Les attentats de 1948, qui frappèrent notamment les quartiers Juifs, ainsi que l’adoption de lois restreignant l’accès des étrangers à certaines professions, incitèrent environ 25 000 Juifs à fuir le pays.

La proclamation de l’État d’Israël en 1948 marqua un tournant majeur pour les Juifs d’Égypte, entraînant des changements profonds dans leur vie au sein des pays musulmans, en général. Ce bouleversement se traduisit, entre autres, par le rejet de certaines figures juives autrefois adulées, à l’image de la chanteuse Leila Mourad[4]. Très populaire à l’époque, elle fut choisie en 1953 pour succéder à Oum Kalthoum comme chanteuse officielle de la révolution égyptienne. Cependant, peu après, des rumeurs circulèrent selon lesquelles Leila Mourad se serait rendue en Israël, où elle avait de la famille, et aurait fait un don de 50 000 livres égyptiennes à l’armée israélienne. Ces soupçons d’espionnage entraînèrent son interdiction en Syrie et le boycott de sa musique par plusieurs radios arabes, illustrant ainsi les effets de la montée des nationalismes et des tensions régionales. Avec la création de l’État d’Israël, les relations entre Juifs et musulmans se transformèrent, pour s’inscrire désormais dans le cadre des États-nations plutôt que dans la situation de dhimmi, traditionnellement accordée aux minorités religieuses. Après la défaite de l’Égypte lors de la guerre contre Israël, la méfiance à l’égard de la communauté juive augmenta. Cette suspicion entraîna la confiscation de biens et l’instauration de nouvelles restrictions. Le décret de 1956, qui considérait les Juifs comme des ennemis de l’État, provoqua un exode massif de la communauté juive d’Égypte. Aussi, suite à la guerre de six jours, de nombreux Juifs furent arrêtés, détenus ou expulsés, réduisant ainsi leur nombre dans le pays à presque néant. Dans les années 1970, bien que le traité de paix entre Israël et l’Égypte ait été signé, il ne réussit pas à restaurer la confiance entre les communautés. La majorité des Juifs d’Égypte avaient émigré, laissant seulement quelques membres, principalement des personnes âgées, sur le territoire égyptien. En 2023, seuls quelques individus demeuraient en Égypte. Les synagogues historiques, telles que Chaar HaChamaïm au Caire et Éliyahu Hanavi à Alexandrie, subsistent comme des témoins silencieux d’un passé riche, rappelant l’empreinte indélébile de la culture juive dans un pays qui l’a longtemps abritée.

Juif d’Iran, terre d’islam

La présence juive en Iran, berceau de l’ancienne Perse, s’inscrit dans une histoire plurimillénaire marquée par des bouleversements, mais aussi par des périodes de coexistence et d’épanouissement. Dès le VIIIe siècle av. J.-C., les premières déportations assyriennes jetèrent les bases de cette implantation. Plus tard, Cyrus le Grand, en 538 av. J.-C., offrit aux Juifs la liberté de retourner à Jérusalem ou de demeurer en Perse, où ils purent préserver leur identité religieuse et culturelle. Sous les dynasties Achéménide, Séleucide et Arsacide, la communauté juive prospéra : l’Empire multiconfessionnel des Achéménides assura un cadre propice, tandis que sous les Arsacides, l’effervescence intellectuelle donna naissance au Talmud de Babylone, un texte fondamental de la tradition judaïque. Toutefois, la dynastie Sassanide (224-651 apr. J.-C.), qui imposa le zoroastrisme comme religion d’État, marqua un tournant plus difficile pour les Juifs. Dans ce climat de pression religieuse, l’arrivée des armées musulmanes en 633 fut perçue, comme en Égypte et en Afrique du Nord sous domination byzantine, comme une promesse de changement. À Ispahan et dans les régions avoisinantes, une partie des Juifs choisit la conversion à l’islam, tandis que d’autres continuèrent d’affirmer fermement leur foi sous les nouvelles autorités musulmanes, qui appliquaient une politique de tolérance relative envers les religions du Livre. Cependant, cette ère fut aussi celle de tensions messianiques. Des figures charismatiques, comme Abou Isa d’Ispahan, se distinguèrent par leur résistance face à la domination arabe. Refusant de se soumettre à l’autorité musulmane, ce chef audacieux prit les armes, entraînant ses partisans dans une rébellion qui marqua profondément l’histoire de la communauté juive, attachée à ses croyances et à sa liberté. La chronologie précise de ce soulèvement demeure toutefois incertaine. Certains historiens situent l’activité d’Abou Isa durant le règne du calife Abd al-Malik ibn Marwan (685-705), tandis que d’autres la repoussent d’environ un demi-siècle. Cette révolte eut un écho considérable, s’inscrivant dans les mémoires au point d’être consignée plusieurs siècles plus tard par Shahrestani, un historien musulman du XIIe siècle. Ce dernier souligne que, malgré la mort d’Abou Isa, le mouvement persista, témoignant de l’ampleur et de la résilience de cette insurrection. Dans sa lettre aux Juifs du Yémen, rédigée en 1172, Maïmonide[5] évoque également cette période riche en tensions religieuses et en renouveau messianique au sein de la communauté juive d’Iran. Mais, l’Iran entier de cette époque constituait un terrain fertile à l’émergence de divers courants et sectes, que ce soit dans le judaïsme ou l’islam, en quête de réponses spirituelles et politiques face aux transformations de la région.

L’invasion mongole de 1219-1223 provoqua des bouleversements majeurs dans l’ensemble du monde iranien, mais les communautés juives d’Iran semblent avoir été relativement épargnées. Cinquante ans avant ces événements, Benjamin de Tudèle rapportait déjà que quelques centaines de milliers de Juifs vivaient dans le Grand Iran. Sous les mongoles plusieurs personnalités juives s’illustrèrent et atteignirent des postes influents. L’exemple de  Rashid al-Din (1247-1318), médecin et érudit juif converti à l’islam, est symptomatique de cette intégration. Il  devint un homme d’État puissant et reconnu. Il fut un important mécène, bâtisseur, et historien, auteur de l’œuvre encyclopédique Jami’ al-tawarikh (Histoire universelle), avant d’être exécuté, de même que son fils, Ghiyat al-Din, également vizir. Par ailleurs, Sad al-Dawlah, un autre médecin juif de la ville d’Abhar, fut nommé grand vizir sous le règne d’Arghoun[6] (1282-1291) et joua un rôle majeur dans le renforcement de l’Iran et l’apaisement des provinces ilkhanides sous domination mongole. Les témoignages de cette période, bien que rares, montrent que les communautés juives  continuèrent de s’épanouir culturellement. Shahin Shirazi[7], poète juif du XIVe siècle, produisit alors une œuvre monumentale en persan, écrite en caractères hébraïques, illustrant cette prospérité littéraire. Sa poésie épique, imprégnée de beauté lyrique, reflète le dynamisme culturel juif de cette époque. Les sources historiques, comme Ibn Kathir, mentionnent également que les Juifs et les chrétiens furent épargnés lors de la prise de Bagdad en 1258, confirmant que les Mongols adoptèrent parfois une attitude pragmatique envers les minorités religieuses.

L’Iran a connu, cependant, un tournant majeur avec l’avènement de la dynastie Séfévide, en 1499, au début du XVIe siècle, un tournant qui a vu le chiisme[8] s’imposer de plus en plus à tout le monde. Cette révolution religieuse a intensifié l’exclusion des Juifs et tout comme les autres communautés non musulmanes, comme les chrétiens et les zoroastriens, car le chiisme iranien considérait les non-musulmans comme impurs. Le chiisme a été aussi ordonné aux musulmans sunnites.  Du point de vue de l’histoire, le Shah Ismaïl[9], le fondateur de la dynastie, occupe une place capitale dans l’histoire de l’Iran, puisqu’il a réussi à unifier la nation, marquant ainsi la première réunification politique et religieuse du pays depuis la conquête arabe. Cette unification, nous l’avons dit plus haut, s’accompagna d’une lutte implacable contre les musulmans sunnites, mais aussi d’une persécution notable envers les Juifs. Plusieurs vagues de conversions forcées de non-musulmans, ont émaillé l’histoire iranienne entre le XVIe et le XIXe siècle. Au milieu du XVIIe siècle,  des Zoroastriens et des Arméniens furent expulsés d’Ispahan, et entre 1656 et 1662, ainsi qu’entre 1720 et 1730, des Juifs furent contraints d’adopter l’islam, à Ispahan et dans d’autres villes, rappelant les conversions forcées qui avaient eu lieu au XIIIe siècle en Perse. Dans son poème épique (Ketab Anoussi), Babaï Ben Lutf, originaire de Kashan, rapporte les persécutions subies par les Juifs d’Iran entre 1613 et 1662, avec des conversions forcées ou, dans les cas extrêmes, des exécutions. Un autre chroniqueur juif de Kashan, Babaï Ben Farhad[10], relate dans ses écrits l’invasion afghane (1722-1730) et les souffrances imposées à la communauté juive entre 1729 et 1730. Bien que la plupart des Juifs aient retrouvé  leur foi d’origine après ces périodes troublées, le judaïsme iranien subit des dommages durables, tant physiques que culturels et spirituels. Les Juifs qui choisissaient de rester devaient se conformer aux restrictions et décrets dégradants imposés aux dhimmis, ce statut de minorité religieuse « protégée » : ils portaient, selon Shmouël Trigano[11], des vêtements distinctifs, s’abstenaient de construire de belles maisons ou synagogues, portaient des chaussures dépareillées, ne revêtaient pas de beaux habits et n’avaient pas le droit de témoigner contre des musulmans devant les tribunaux.

Entre le milieu du XVIIIe et le XIXe siècle, les Juifs de Mashhad, une ville profondément conservatrice, ont vécu dans des conditions extrêmement difficiles. En 1734 par exemple, Nader Shah, de la dynastie des Afsharides, qui employait plusieurs familles juives de Qazvin pour gérer ses trésors et soutenir la culture des vers à soie, se heurta rapidement à l’hostilité croissante de la population chiite envers ces familles. Après son assassinat en 1747, la situation des Juifs se détériora sensiblement : ils furent confinés dans un ghetto où leur sécurité restait précaire. Le XVIIIe siècle ne fut donc pas clément pour eux, et le début du siècle suivant ne marqua pas d’amélioration. En 1839, Mashhad fut de nouveau le théâtre de violentes émeutes anti-juives qui causèrent de nombreuses pertes humaines et conduisirent à la conversion forcée de nombreux Juifs à l’islam. Afin d’assurer leur loyauté, certains furent même contraints de faire le pèlerinage à La Mecque. Parmi eux, Hadji Hacohen, qui en 1900 fit construire à Jérusalem, la synagogue Hadji Adoniyah pour les migrants de Mashhad et Boukhara. Une autre synagogue, fondée par des crypto-Juifs originaires de Mashhad, se trouve aujourd’hui à Tel Aviv, perpétuant la mémoire de cette communauté exilée. Cette expérience révèle les épreuves profondes que subissent les minorités lorsqu’elles vivent sous le joug de groupes dominants, qui imposent leurs lois et, bien souvent, laissent s’exprimer le pire de leur intolérance et de leur dureté. Ces réalités ne se limitent ni à un lieu ni à une époque précise : partout dans le monde, les minorités se heurtent à des défis similaires, luttant pour leur survie et leur dignité au sein de sociétés où leur différence reste parfois difficilement acceptée. Bien qu’il n’y ait pas eu, tout au long de ce siècle, de persécution systématique des Juifs par le pouvoir, leur situation demeurait précaire et sujette aux aléas politiques et sociaux. En 1891, au moment du la révolte du tabac[12], l’hostilité populaire se détourna vers les Juifs. A Hamadan, les autorités locales, pour apaiser la colère de la population, imposèrent le port d’un insigne rose ou jaune aux Juifs, signe distinctif censé les isoler davantage. Le voyageur et historien Israël Joseph Benjamin[13], qui parcourut la Perse, rapporte dans ses écrits les multiples restrictions et humiliations quotidiennes subies par les Juifs, rappelant les règles établies par le Pacte d’Omar pour les communautés dhimmies. Une situation qui poussa le pouvoir, à la fin du XIXe siècle, plus précisément en 1897, par le biais de Mozaffaredin Shah, de promulguer un décret en faveur des Juifs, à travers lequel il visait à leur garantir la paix et la tranquillité dans le pays, en sommant les musulmans de ne plus les persécuter et éviter toute hostilité à leur égard. Ce décret ajoutait que quiconque nuira aux non-musulmans ou instaurera des distinctions sera sévèrement puni. Malgré ces intentions affichées, de nouveaux troubles surgirent, incitant le Shah à adopter une position encore plus ferme. Il édicta une ordonnance condamnant formellement toute persécution des Juifs et rappelant les sanctions pour quiconque opprimerait les minorités. Dans ce contexte tendu, l’Alliance israélite universelle parvint à s’implanter en Iran, illustrant la volonté du pouvoir de protéger les Juifs, qui, de manière générale, demeuraient réticents à l’ouverture vers la culture occidentale. Ce climat de transition suscita une contestation significative au sein des milieux traditionalistes, conduisant à un renouveau de l’enseignement du persan et de l’hébreu dans les programmes scolaires vers 1921. Les avancées en matière de droits civiques se poursuivirent en Iran, et en 1909, un représentant juif fit son entrée au Majlis, l’assemblée nationale. La réforme constitutionnelle transforma alors tous les Iraniens, y compris les Juifs, en citoyens à part entière, et non plus en simples sujets. Selon Lior B. Sternfeld[14], professeur associé d’histoire et d’études juives à la Pennsylvania State University, cet événement historique marquant est souvent passé sous silence dans certaines propagandes sionistes. Par la suite, la déclaration Balfour de 1917 éveilla un intérêt croissant pour le sionisme au sein de la communauté juive d’Iran. D’après Shmouël Trigano[15], cela entraîna une immigration progressive vers la Palestine, où le nombre de Juifs iraniens passa de 1 500 à 7 000 entre 1917 et 1925, principalement à Jérusalem, tout en gardant leur nationalité iranienne. Paradoxalement, pendant la Seconde Guerre mondiale, l’Iran accueillit aussi de nombreux Juifs européens fuyant le nazisme[16], et certains d’entre eux obtinrent la nationalité iranienne, notamment grâce à l’aide du consul iranien à Paris, Abdol Hussein Sardari. Depuis le début de l’ère Pahlavi en 1925, les Juifs[17] ont renforcé leur présence dans les bazars de Téhéran et d’autres grandes villes, tout en accédant progressivement aux professions libérales, notamment dans le secteur médical, après la Seconde Guerre mondiale. Sous Reza Chah Pahlavi qui gouverna de 1925 à 1941, que la situation économique et le statut juridico-social des Juifs, s’était améliorée de façon inédite. L’égalité des droits pleine et entière fut accordée aux Juifs, sous les Pahlavi, écrit Orli Rahimian[18]. Cependant, bien que la communauté ait été protégée sous le régime des Pahlavi, elle participa, dans une certaine proportion,  activement à la révolution iranienne de 1978-1979. L’hôpital juif de Téhéran servit de refuge aux manifestants blessés et coordonna même des opérations de sauvetage avec l’ayatollah Mahmoud Taleghani, un proche de Rouhollah Khomeiny. De plus, une délégation juive se rendit en France pour rencontrer Khomeiny et lui exprimer son soutien. Cependant, ce n’était pas la perspective d’une République islamique qui poussait les Juifs iraniens à se mobiliser, mais bien leur opposition à la dictature du Shah, selon Lior B. Sternfeld[19], car la majorité des opposants Juifs étaient proches de mouvements nationalistes ou du parti communiste. En 1979, la République islamique, reconnaissant officiellement les Juifs comme une minorité religieuse nationale, leur réserva un siège au Parlement. Maurice Motamed[20] qui occupa cette place et, lors d’une allocution en 2015 à l’Assemblée générale des Nations unies, affirma ouvertement ses convictions antisionistes, en accompagnant le président Hassan Rohani. Ancien président du Comité juif de Téhéran, Motamed est également à la tête de l’hôpital juif (Dr Sapir) de Téhéran), fondé au milieu du XXe siècle. Bien que cet hôpital ait été initialement destiné aux patients Juifs, il accueille aujourd’hui en majorité des patients musulmans, et fonctionne grâce à des subventions de l’État. L’établissement conserve toutefois une identité juive, avec une cuisine casher en parallèle de la cuisine habituelle. Probablement, le seul hôpital juif dans le monde musulman.  Cependant, comme pour d’autres minorités en Iran, les Juifs se heurtèrent à certaines limitations, notamment dans les domaines politique et professionnel, où leurs droits ne sont pas entièrement équivalents à ceux de la majorité. Un aspect notablement positif de la révolution iranienne est qu’elle n’a pas persécuté ses minorités, bien que les Juifs aient été perçus avec une certaine méfiance en raison de l’hostilité du régime envers Israël. Cette suspicion se serait traduite par des accusations d’espionnage qui, en 2000, ont conduit à l’emprisonnement de 13 Juifs iraniens, jugés pour avoir développés des liens avec Israël, et pour certains, à leur exécution, comme le rapporte le Times of Israël. Mais le pouvoir iranien a infléchi sa position sur l’emprisonnement des 13 Juifs, comme l’écrivait Jean-Pierre Perrin dans le quotidien Libération en avril 2000. Sous Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013), dont les discours antisionistes ont fait surface, la communauté juive adopta une position discrète. Lorsque Haroun Yashayaie[21], alors président du Comité juif de Téhéran, critiqua les positions négationnistes d’Ahmadinejad en 2006, il fut poussé à la démission de son poste. De l’autre côté, de nombreux Juifs participent à la manifestation de soutien à la Palestine, organisée annuellement, lors de la  « Journée mondiale d’Al-Qods », souvent avec des slogans antisionistes en farsi et en hébreu[22].  Les colères des populations extrémistes musulmanes sont toujours présentes, c’est ainsi qu’en 2017, lorsque Donald Trump avait reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël deux synagogues de Shiraz furent vandalisées en signe de protestation.  Les Juifs qui vivent encore en Iran, reste tout de même très attachés à leur pays, parce qu’ils sont tout simplement iraniens et le judaïsme ne fait pas la nationalité.  En juin 2020, le grand-rabbin d’Iran, Yehuda Garami, clarifia la distinction entre judaïsme et sionisme, déclarant que la communauté juive iranienne, la plus importante de la région après celle d’Israël, bénéficie d’une « totale liberté de religion », sans avoir à subir de surveillance particulière pour assurer sa sécurité, comme c’est parfois le cas en Europe. Les Juifs ne semblent être emprisonnés en Iran, puisqu’ils peuvent voyager en Israël et même émigrer, mais ils doivent se soumettre à des démarches compliquées pour obtenir le passeport et le visa, exactement par ailleurs comme les Iraniens musulmans. Selon le site culturel Morasha[23], les Juifs iraniens ont moins quitté le pays, comme le montrent les chiffres, entre octobre 2005 à septembre 2006, 152 Juifs ont quitté le pays contre 297 au cours de la même période l’année précédente et 183 deux années auparavant. Il s’agissait souvent de départs motivés par des raisons économiques. D’un autre côté, cette communauté a décliné les incitations financières à l’émigration en Israël, car elle est autorisée à vivre sa vie juive religieuse sereinement. Cependant, si l’Iran comptait, selon les chiffres qui varient selon leur utilisation,  entre 80 000 et 100 000 Juifs avant la Révolution islamique de 1979, aujourd’hui environ 25000 seulement y vivent avec leurs familles et leurs enfants.  A noter que la révolution a suscité aussi le départ de nombreux iraniens musulmans, notamment les plus fortunés.  La communauté juive possède des écoles où les élèves sont principalement Juifs et suivent le programme de l’Etat islamique. Le Tanakh[24] y est enseigné en persan, mais des cours d’hébreu sont proposés par le réseau Ozar HaTorah pour faciliter la pratique religieuse. Aujourd’hui, la majorité des Juifs vit à Téhéran, qui compte onze synagogues actives, des restaurants casher et une bibliothèque de plusieurs milliers d’ouvrages. Isfahan (Ispahan) abrite également une communauté d’un peu moins de 2000 personnes et treize synagogues. De nombreux Juifs iraniens ont des liens familiaux en Israël. Cependant, les tensions politiques ont conduit à des accusations d’espionnage contre certains membres de la communauté, comme l’homme d’affaires Habib Elghanian, exécuté en 1979. En 2014, la population juive en Iran était estimée à un peu moins de 30000 personnes, bien que certaines sources évoquent des chiffres sous-évalués et qui fluctuent selon l’utilisation politique des uns et des autres. Cette communauté reste profondément attachée à l’Iran, elles parlent principalement persan et partagent des aspects culturels avec les populations non-juives, exactement comme être juif français ou américain.

Les Juifs en Irak

L’histoire des Juifs en Mésopotamie (Irak actuel) débute vraiment avec l’exil babylonien après la conquête de Jérusalem par Nabuchodonosor II en 587 av. J.-C. Cette diaspora a joué un rôle fondamental dans le développement du judaïsme, notamment avec la rédaction du Talmud de Babylone dans les académies de Soura et Poumbedita[25]. Sous les Parthes (IIe siècle av. J.-C.), les Juifs bénéficient d’une relative autonomie, renforcée après la destruction de Jérusalem en 70 et 135 apr. J.-C. Le rôle des exilarques, chefs de la communauté juive, émerge à cette époque. L’arrivée des Sassanides en 226 a marqué une période de grandes tensions religieuses. Le mazdéisme devient religion d’État, restreignant la pratique juive, bien que les Juifs soutiennent parfois les Sassanides contre les Byzantins. Malgré les persécutions, les académies talmudiques continuent de prospérer, aboutissant à la codification du Talmud de Babylone, texte majeur du judaïsme rabbinique, au cours des premiers siècles de notre ère. Avec la conquête arabe, les Juifs de Mésopotamie, de Palestine et d’Espagne se sont retrouvés réunis sous l’autorité des califes puis les dynasties omeyyades, où le statut de dhimmi leur assurait protection et liberté de culte. Cette tolérance s’était poursuivie avec les Abbassides, qui avaient établi leur capitale à Bagdad en 762, favorisant un essor économique et intellectuel notable dans les communautés juives. Les académies de Soura et Poumbedita, dirigées par les Gaonim[26], deviennent des centres d’érudition de premier plan et leurs échanges intellectuels s’étendent jusqu’en Espagne. Les marchands Juifs, comme les Radhanites, ont stimulé le commerce entre Orient et Occident. Dans le domaine financier, des banquiers Juifs, tels que les Netira[27], ont  soutenu aussi les communautés. L’autorité des Gaonim croît alors même que celle de l’exilarque s’affaiblit, et ils établissent peu à peu leur primauté religieuse. L’influence de Saadia ben Joseph, Gaon de Soura, se révèle importante au Xe siècle. Originaire d’Égypte, il est le premier étranger à diriger une académie babylonienne. Connu pour son ouvrage    « Le Livre des croyances et des idées », il a  unifié la diaspora dans la querelle du calendrier et s’est opposé aux karaïtes[28], qui rejettent la tradition rabbinique. A partir du XIe siècle, la communauté de Babylonie entre en déclin, en raison de difficultés politiques et d’impôts de plus en plus élevés sur les non-musulmans. Ces contraintes économiques poussent de nombreux Juifs à émigrer vers des régions plus accueillantes. Malgré cette baisse de prestige, une communauté juive prospère subsiste à Bagdad, où Benjamin de Tudèle a observé encore au XIIe siècle de magnifiques synagogues et des académies. Le chef de la communauté, surnommé « chef de la captivité », continuait d’être honoré et de se revendiquer de la lignée de David, exerçant une autorité reconnue sur les Juifs de la région.

La prise de Bagdad par les Mongols en 1258 entraîna un massacre qui décima la population, y compris les Juifs, et détruisit les bibliothèques, mettant fin à l’influence culturelle de la ville. En 1284, des émeutes antijuives secouèrent Bagdad, où certains Juifs, comme Saad al-Dawla, exerçaient une influence notable, mais sa disgrâce en 1291 entraîna la chute d’autres conseillers Juifs. Cependant, sous l’Empire ottoman, qui contrôla Bagdad dès 1535, la communauté juive de la ville resta relativement discrète. Au XVIIe siècle, les quelque 300 familles juives de Bagdad étaient majoritairement pauvres. À la fin du XVIIIe siècle, les Juifs bagdadis devinrent des acteurs importants du commerce avec l’Inde, amorçant ainsi la naissance d’une communauté florissante sous l’impulsion de David Sassoon[29], qui fonda une dynastie de commerçants et de banquiers. En 1865, l’Alliance israélite universelle établit une école de garçons à Bagdad, suivie d’une école de filles en 1895, une volonté de sortir les Juifs des modèles éducatifs traditionnels. Vers la fin du XIXe siècle, la communauté juive compte environ 53 800 personnes dans la région de Bagdad, avec de nombreux antiquaires. Dans le domaine de la vie religieuse, le rabbin Yossef Haim Ben Elyaou, auteur de nombreux ouvrages dont la compilation de la torah intitulée Ben Ich Hai (Fils de l’Homme qui vit), a marqué profondément la vie spirituelle juive en Irak. Malgré une coexistence en général pacifique, une émeute     antijuive éclata à Bagdad le 15 octobre 1908 elle s’est produite. Elle s’est produite dans un contexte de tensions où la population arabe soupçonnait les Juifs d’être favorables aux Jeunes-Turcs, un mouvement politique modernisateur ayant pris le pouvoir cette année-là, et dont certaines réformes inquiétaient les conservateurs locaux.

Sous le mandat britannique en Mésopotamie après 1920, les Juifs d’Irak bénéficièrent d’une égalité légale avec les musulmans, ce qui leur permit de prospérer davantage, à l’image de Sir Sassoon Eskell, ministre influent. Cependant, le nationalisme arabe, méfiant envers la présence britannique, engendra des tensions avec la communauté juive, souvent perçue comme associée aux Anglais. Dans les années 1930, le climat se durcit avec la montée de l’antisémitisme inspiré de l’Allemagne nazie. Ce ressentiment culmina en 1941 avec le Farhoud, un pogrom à Bagdad où des centaines de Juifs furent attaqués, provoquant de nombreuses victimes et un exode partiel vers l’Inde et d’autres régions. Avec la création d’Israël en 1948, les Juifs d’Irak subirent de nouvelles restrictions et persécutions, dont la confiscation de leurs biens. En 1950-1951, une loi irakienne leur permit d’émigrer à condition de renoncer à leur nationalité, marquant le départ massif de 110 000 Juifs vers Israël. Cette migration laissa une communauté réduite, de plus en plus marginalisée sous la république d’Irak proclamée en 1958. La situation se détériora davantage avec l’arrivée au pouvoir du parti Baas en 1968. Et surtout après l’opération Diamant, qui se conclut par l’organisation d’un spectaculaire vol d’un avion soviétique, un Mikoyan-Gourevitch MiG-21 de l’armée de l’air irakienne. Cet appareil, piloté par le déserteur irakien Mounir Redfa, atterrit sur une base militaire en Israël le 16 août 1966. Dans cette affaire, des Juifs irakiens travaillant pour le Mossad jouèrent un rôle important, notamment dans l’exfiltration de la famille du pilote d’Irak. En 1969, l’exécution publique de Juifs accusés de complots alimenta la terreur et conduisit à l’exode des derniers membres de la communauté. En 2008, il ne restait qu’une poignée de Juifs à Bagdad, vestiges d’une communauté jadis influente. Les Juifs irakiens émigrés en Israël conservèrent leur héritage culturel, devenant des figures majeures de la littérature et de la musique israéliennes, en hommage à leurs racines irakiennes.

 

 

 

 

 

 

[1] Naggid est un titre désignant à l’origine un dirigeant communautaire juif, d’un rang équivalent à celui d’un gouverneur

[2] Joel Beinin: Review of Egyptian Jewry: The dispersion of Egyptian Jewry: culture, politics, and the formation of a modern diaspora.

[3] Henri Curiel, né le 13 septembre 1914 au Caire (Égypte) et mort assassiné le 4 mai 1978 à Paris, est un militant communiste et anticolonialiste. Fils d’un banquier, il est issu d’une famille juive séfarade et francophone de nationalité italienne établie en Égypte. Il est le père du journaliste Alain Greish, ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique. Le réseau Curiel a aidé les Algériens indépendantistes (1954-1962).

[4] Leila Mourad : fille d’Ibrahim Zaki Mordechai Assouline, un juif d’origine marocaine, et de Gamilah Salmon, d’origine polonaise.

[5] Le Monde sépharade, Shmouël Trigano, Paris, Seuil, 2006.

[6] Arghoun naît en 1258 à Beylagan dans la province d’Arran, dans l’actuel Azerbaïdjan. Son père, de la dynastie des Houlagides, dirige l’ilkhanat de Perse de 1265 à sa mort en 1282

[7] Ses œuvres comprennent des cycles épiques (épopées poétiques) de la Torah et de parties ultérieures de la Bible hébraïque. Le Musa-namah a été composé en 1327 et comprend des récits tirés des livres de l’Exode, du Lévitique, des Nombres et du Deutéronome.

[8] Le chiisme constitue l’un des deux principaux courants de l’islam, avec le sunnisme qui est majoritaire

[9] Chah Ismaïl Iᵉʳ, né à Ardabil, en Azerbaïdjan iranien, le 17 juillet 1487 et mort à Tabriz le 23 mai 1524, est chah de la Perse de 1501 à sa mort et fondateur de la dynastie des Séfévides.

[10] Baba’i ben Farhad était l’un de ses petits-fils de Babaï Ben Lutf

[11] Le Monde sépharade, Shmouël Trigano op.cit.

[12] La révolte du tabac est menée en Iran par le clergé chiite et les intellectuels iraniens, en réponse aux concessions sur le marché du tabac accordées par Nasseredin Shah au Royaume-Uni en 1890.

[13] Bernard Lewis, « The End of Tradition », in The Jews of Islam, Routledge, December 2007 p. 181 à 183.

[14] In: Between Iran and Zion. Jewish Histories of Twentieth Century, Stanford University Press, 2019.

[15] Voir son livre « Le Monde sépharade », publié aux Seuil en 2006.

[16] Les chiffres ne sont certains mais on parle de 119,000 réfugiés Juifs polonais (qui avaient été initialement déportés vers la Russie) ainsi que 37000 Juifs étrangers en difficulté en France en leur accordant le passeport et la nationalité iraniens via l’ambassade de Paris. Reza Shah (que l’on dit proche des nazis) sauva ainsi au total 216,000 Juifs menacés par le nazisme. Chiffres rapportés par le site du Conseil national de la résistance iranienne.

[17] Une communauté estimée entre 80 000 et 100000 personnes

[18] Les enfants d’Iran » : les Juifs d’Iran dans l’ombre de la Seconde Guerre mondiale. Revue d’Histoire de la Shoah 2016/2 N° 205

[19] Site Orient XXI, 6 novembre 2020

[20] Aujourd’hui, c’est Homayoun Sameyah Najaf-Abadi qui est le député des Juifs iraniens

[21] Armand Schmidt, « Oui, il y a encore une vie juive en République islamique d’Iran in : Iranian Jewish community wants an end to Israeli crimes : site www.iranjewish.com

 

[23] https://www.morasha.com.br/fr

[24] Le Tanakh est l’acronyme de Torah (Loi ou Pentateuque), Nevi’im (Prophètes) et Ketouvim (Autres Écrits), désignant ainsi les trois parties de la Bible hébraïque.

[25] Poumbedita est une ancienne ville en Babylonie située quelque part dans les environs de l’actuelle ville de Falloujah en Irak. Elle est célèbre dans l’histoire juive pour avoir été l’un des grands centres de l’érudition talmudique. Une académie talmudique y est fondée par Rav Yehouda au IIIe siècle et y demeure pendant 800 ans.

[26] Les Gaonim sont, au sens strict, les autorités juives des deux grandes académies talmudiques de Babylonie, Soura et Poumbedita.

[27] Neṭira (décédé en 916) était un financier et courtisan juif babylonien. Le fait qu’il ne soit connu que par son prénom, sans que soit mentionné celui de son père, indique l’importance qu’il avait acquise après de ses contemporains. Voir Norman A. Stillman, The Jews of Arab Land: p. 35, édition. JPS, 1979.

[28] Le Karaïsme est un courant du judaïsme qui s’est séparé du judaïsme rabbinique au plus tard au VIIIe siècle. Contrairement au judaïsme rabbinique, le karaïsme refuse la sacralité de la loi orale, compilée notamment dans le Talmud. Au Xe siècle, le karaïsme représentait un peu de la moitié des Juifs.

[29] David Sassoon, né en octobre 1792 à Bagdad (Irak) et décédé le 7 novembre 1864 à Pune (Inde), a été le trésorier général de Bagdad de 1817 à 1829. Réfugié en Inde, il acquiert une fortune considérable dans le négoce, la finance et l’industrie. Il est nommé président de la communauté juive de Bombay (Mumbai), principalement d’origine bagdadienne.

[30] Jean-François Faü, « Les Juifs du littoral de la Corne de l’Afrique au croisement des sources (VIe – XIIe siècles) ». In: Annales d’Éthiopie. Volume 28, année 2013. pp. 241-260, lire en ligne

[31] Stora Benjamin et Meddeb Abdelwahab (dir.), Histoire des relations entre Juifs et musulmans des origines à nos jours, Paris, Albin Michel, 2013.

[32] Yosef Qafiḥ, Halikhot Teiman (Jewish Life in Sana), Jerusalem, Ben-Zvi Institute, 1982

[33] Yavnieli a décrit les Juifs de la région en termes élogieux et a attribué leur succès à un niveau élevé d’intégration dans la population musulmane de la région ; cela semble en contradiction avec l’idéologie sioniste »,  in Ari Ariel, Relations judéo-musulmanes et migration du Yémen vers la Palestine à la fin du XIXe et au XXe siècle, Brill, 2014.p.114

[34] Joanna B. Michlic. The Holocaust and Its Aftermath as Perceived in Poland: Voices of Polish Intellectuals, 1945-1947

[35] https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/pogroms

[36] Nicolas Werth, né en 1950, est un historien français spécialiste de l’histoire de l’Union soviétique

[37] Ari Ariel, Jewish-Muslim Relations and Migration from Yemen to Palestine in the Late Nineteenth and Twentieth Centuries, Brill, 2014, p. 114.

[38] Gershon Shafir, Land, Labor and the Origins of the Israeli-Palestinian Conflict, 1882-1914, University of California Press, 1989, p.103, lire en ligne. Gershon Shafir is Professor in the Department of Sociology at the University of California, San Diego.

 

[40] Ella Habiba Shohat, Le sionisme du point de vue de ses victimes juives: les Juifs orientaux en Israël (première édition en 1988) La Fabrique éditions, Paris, 2006, p.72. Ella Habiba Shohat, née en 1959 de parents Juifs irakiens, est une professeure israélo-américaine à l’université de New York dans les départements d’art et politique publique, études du Moyen-Orient

[41] The secondary status accorded to Yemenite Jews in the labor market and in the denial of access to land was a major factor in defining their separate identity in the emerging Israeli society […] The segregation of Yemenite jews was not just the result of their unique cultural heritage » :  Gershon Shafir, Land, Labor and the Origins of the Israeli-Palestinian Conflict, 1882-1914, University of California Press, 1989, p.117, lire en ligne

[42] Ella Shohat, Le sionisme du point de vue de ses victimes juives: les Juifs orientaux en Israël (première édition en 1988) La Fabrique éditions, Paris, 2006, p.70