L’acte de vente du Congo par Léopold II à la Belgique vient d’être retrouvé chez un antiquaire

Traité de cession de l’État indépendant du Congo à la Belgique. Signature et sceaux. Archives de l'État.

Le Traité cédant le Congo de Léopold II à la Belgique  n’existait qu’en deux exemplaires. On peut y découvrir les engagements réciproques pris par le donateur, « l’Etat indépendant du Congo » (propriété de Léopold II) et par le gouvernement belge, représenté par les ministres de l’époque. Les deux exemplaires du Traité avaient au fil du temps « mystérieusement » disparu jusqu’à ce qu’un des exemplaires finisse par réapparaître dans une salle de vente.

Le gouvernement a pu récupérer ce manuscrit historique. Il est conservé désormais aux archives de l’Etat qui l’expose jusqu’à la fin de l’année dans le dépôt des archives de l’Etat (rue du Houblon, 26 à Bruxelles).

Première page du Traité de cession de l’État indépendant du Congo à la Belgique. Archives de l’État belge.

Ce document administratif public étant inaliénable, les autorités l’ont récupéré sans devoir l’acheter, car il ne pouvait être vendu. Pour Pierre-Alain Tellier, responsable du département Bruxelles aux Archives de l’Etat, l’authenticité du document ne fait aucun doute : « ne fût-ce qu’au niveau de la graphie, du papier utilisé et surtout des sceaux de l’Etat et des différents ministres qui ont signé le document, il n’y a aucun doute sur l’authenticité et la véracité du document ».

Comment un document de cette valeur historique a-t-il pu disparaître? Pour l’archiviste: « Il a pu disparaître lors de la première guerre mondiale ou la seconde, emporté dans des valises, transmis à des familles, c’est difficile de retracer aujourd’hui l’histoire de ce document ». Piètre justification du désordre administratif qui règnait dans les services de l’Etat belge.

Le Congo vendu comme un grand terrain avec ses récoltes et les outils de l’ancien propriétaire!

Le territoire du Congo est transféré à la manière de l’achat d’un grand terrain sur lequel son propriétaire initial aurait laissé récoltes et outils d’exploitation au nouvel acquéreur. La cession comprend tout l’avoir mobilier et immobilier (article 2). Il y est question de productions d’ivoire, de caoutchouc, et d’engins divers laissés à la Belgique. Les habitants sont mentionnés « en passant » dans l’article 1: la Belgique s’y engage à respecter « les droits acquis légalement reconnus à des tiers, indigènes et non-indigènes ».

Articles 1 et 2 du Traité de cession de l’État indépendant du Congo à la Belgique. Archives de l’État.

La première page du traité de cession rappelle que dès le 5 août 1889, le roi Léopold II avait proposé à la Belgique de contracter un accord pour « ses possessions du Congo ».

La Belgique s’engageait à reprendre les dettes et les engagements financiers de la société de Léopold II (article 3), ce qui explique les débats au Parlement belge lors de l’acquisition, plusieurs parlementaires s’opposaient à l’achat. Voir le passionnant document du 1er avril 1908, le projet de loi réalisant le transfert à la Belgique de l’Etat indépendant du Congo qui contient la relation de ces débats (il est téléchargeable à la fin de l’article). Ce qui était alors l’Etat Indépendant du Congo (depuis le 30 avril 1885 jusqu’au 14 novembre 1908) devint un protectorat belge sous le nom de « Congo Belge » (du 15 novembre 1908 au 29 juin 1960).

Léopold II et les exactions commises sur les Congolais.

L’implication progressive de l’Etat belge au Congo, puis l’annexion de l’Etat Indépendant du Congo, résultait essentiellement des difficultés financières rencontrées par Léopold II dans la gestion de cet immense territoire et des brutalités commises sur les populations autochtones: régime de travail impitoyable, notamment pour produire du caoutchouc et de l’ivoire, mais aussi des exactions destinées à briser toute velléité de résistance ou même tout signe de « passivité » devant l’effort productif inhumain qui leur était imposé par les sociétés commerciales opérant avec une concession et par l’administration léopoldienne.

Contrairement à l’Etat Indépendant du Congo, qui n’avait jamais été géré par une Constitution, la Belgique dota sa nouvelle colonie d’une Loi fondamentale, la « Loi sur le gouvernement du Congo belge » votée le 18 octobre 1908. Cette loi, souvent qualifiée de « Charte coloniale », privait toutefois tant les colons blancs que la population noire de tout droit politique. Elle restera en vigueur, moyennant quelques modifications, jusqu’à l’octroi de l’indépendance au Congo, le 30 juin 1960, après 52 ans de colonisation.

Articles 2, 3 et 4 du Traité de cession de l’État indépendant du Congo à la Belgique. Archives de l’État.

Le Congo de Léopold II : quelques dates historiques

Le 12 septembre 1876, la Conférence géographique internationale, organisée à Bruxelles à l’invitation du roi Léopold II, réunit des explorateurs européens et vise à coordonner leur action en Afrique. L’Association internationale du Congo (AIC) est créée le 17 novembre 1879 par le roi Léopold II. En marge de la Conférence de Berlin (1884-1885), Léopold II parvient à faire reconnaitre la souveraineté de l’AIC sur le territoire du Congo. L’AIC devient l’État indépendant du Congo (EIC) en février 1885. L’État indépendant du Congo devient une colonie belge en 1908. La « Loi sur le gouvernement du Congo belge », qui organise l’administration de ce vaste territoire, est votée le 18 octobre 1908, prend effet le 15 novembre 1908. Léopold II décède en décembre 1909.

L’ensemble des archives coloniales belges conservées au même endroit

Le traité est conservé à la rue du Houblon, 26 au dépôt « Joseph Tellier » (AGR2), une ancienne fabrique de papiers située dans le quartier Dansaert près du canal de Charleroi à Bruxelles. Sur 20 kilomètres de rayonnage, on concentre désormais dans ce dépôt, l’ensemble des archives coloniales publiques et privées. Notamment des principales sociétés actives au Congo comme l’Union Minière du Haut Katanga.

L’ensemble des archives coloniales belges consultables en ligne

Récemment en collaboration avec les éditions Brepols, un ouvrage reprenant l’ensemble des sources de l’histoire coloniale du Congo, Rwanda, Burundi a été publié avec l’appui de la Politique scientifique générale belge (BELSPO) et mis en accès libre sur le site de l’éditeur, offrant au public dans son ensemble, chercheurs et individus, belges, congolais, rwandais, bourundais d’accéder à ces ressources. Plus de 2000 pages permettent d’identifier et de localiser plus de 1500 notices, et l’ensemble des sources d’archives disponibles en Belgique.

Sources

Le site des Archives de l’Etat consacré au document.

Rapport et annexes concernant le projet de loi réalisant le transfert à la Belgique de l’Etat indépendant du Congo et le projet de loi approuvant l’Acte additionnel au traité de cession de l’État indépendant du Congo à la Belgique (La Chambre, séance du 1er avril 1908). Fichier PDF.

Archives conservées aux Archives générales du Royaume 2-dépôt Joseph Cuvelier.

Guide des sources de l’histoire de la colonisation (19e-20e siècle).

À la recherche des archives perdues.

1 COMMENTAIRE

  1. La cruauté et la perfidie des colonisateurs esclavagistes sont sans limites. Çest là que se trouvent les veritables fondements du pire crime contre l’Humanité.

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