Le Festival des films de la diaspora africaine ce 2 septembre à Paris

Un cinéma du monde pour notre monde: le FIFDA débute ce vendredi 2 septembre et permet de découvrir de nombreux films inédits en France, du Maghreb au Cameroun, en passant par la Nouvelle-Zélande, la Guadeloupe et les USA.

Ghofrane et les promesses du printemps De Raja Amari, France, 2020, 84’, vo français/arabe, st fr/ang
Ouverture de la production de Macbeth du Federal Theater Project au théâtre Lafayette, à Harlem, le 14 avril 1936. Source: Library of Congress American Memory Collection.

Le FIFDA débute ce vendredi 2 septembre et permet de découvrir de nombreux films inédits en France. Du Maghreb au Cameroun, en passant par la Nouvelle-Zélande, la Guadeloupe et les USA : un cinéma du monde pour notre monde ! On commence en fanfare avec le film d’ouverture, Voodoo MacBeth ! (2021, 108 minutes, États-Unis, VOSF) qui revient sur un événement qui marqua l’histoire de la culture noire aux États-Unis : la pièce MacBeth de Shakespeare montée au Lafayette Theater pour la première fois avec une distribution entièrement noire en 1936. Sous la direction d’Orson Welles, la pièce MacBeth est transplantée d’Écosse en Haïti. Le jeune animateur radio de 21 ans monta la pièce avec des comédiens amateurs. Ce projet est issu du Negro Theater Unit, le programme fédéral de théâtre financé par le New Deal de Roosevelt durant la Grande dépression pour remédier aux difficultés des artistes. Le film est réalisé par Dagmawi Abebe. La projection du film sera accompagnée d’un débat avec l’actrice américaine Inger Tudor et les acteurs  français invités.

En clôture, on pourra visionner la reprise du premier long-métrage de Jean-Claude Flamand Barny, Neg Maron (2005, 95 minutes, VOSF) qui se déroule en Guadeloupe au début des années 2000. Dans un quartier populaire, deux jeunes rude boys à la dérive, Josua et Silex, mènent une existence insouciante. Mais, suite à un cambriolage qui tourne mal, ils se retrouvent emportés dans une dangereuse spirale. La projection sera accompagnée d’un débat avec le réalisateur.

Il ne faut pas rater La Rockeuse du désert de la réalisatrice algérienne Sara Nacer (2019, 75 minutes, Algérie, VOSF). Portrait intime, plein d’esprit et profond, de l’extraordinaire Hasna El Becharia. Pionnière des artistes Gnawas féminines, l’artiste sexagénaire analphabète fut la première musicienne à briser les conventions. Elle raconte notamment dans le film combien elle était incomprise et rejetée, on lui lançait des pierres, car elle osait jouer une musique d’hommes. Issue d’une famille pauvre, son père qui jouait pour faire la quête, ne voulait pas qu’elle joue du guembri, l’instrument de musique à cordes pincées des Gnaouas. Elle l’apprendra en le regardant jouer et chantera plus tard: « Nous devons tout à nos parents et à la résilience » ! La projection est accompagnée d’un débat avec Sara Nacer qui a travaillé pendant cinq ans pour étudier vingt ans d’archives et suivre l’artiste dans différents pays : Canada, Algérie, Maroc et France. Elle a elle-même produit musicalement Hasna El Becharia avant de pouvoir la filmer et d’entrer dans l’intimité de sa maison à Béchar, ville trépidante près de Taghit, aux portes du désert algérien.

Ghofrane et les promesses du printemps de la réalisatrice tunisienne renommée Raja Amari (2019, 84 minutes, France/ VOF) revient sur le parcours d’une jeune femme noire tunisienne de 25 ans. Victime de discriminations raciales, elle décide de s’engager en politique. Elle se présente aux élections législatives au cours d’une année électorale cruciale pour la Tunisie. Accroc des réseaux sociaux, Ghofrane publie près de 2000 images sur Facebook ! Au collège, un professeur l’avait traitée de « bûche brûlée ». Sortie du cocon familial, elle était effectivement confrontée au racisme, dans un pays où les taxis refusent souvent les Noirs. En contact avec une association antiraciste, elle trouve ses marques et garde ses cheveux bouclés d’afro-tunisienne. Elle s’engage en politique aux côtés de Youssef Chahed, candidat du parti démocratique Tahya Touns (« Vive la Tunisie ») en 2019. Elle est confrontée à la défaite de la famille démocratique : les gens n’ont plus confiance dans les partis traditionnels et préfèrent voter pour des individus, indique Selma Baccar. La désillusion est difficile à dépasser après l’effervescence révolutionnaire, mais Ghofrane ne lâche pas, quitte à se faire avocate du peuple… Ce film permet à la réalisatrice Raja Amari de documenter la déception qui envahit le pays alors que la colère demeure. Elle dialoguera avec le public après la projection.

Habiba, un amour au confinement du réalisateur marocain Hassan Benjelloun (2022, 90 minutes, Fiction, Maroc, VOSF) est né de la relation d’amitié entre le réalisateur et le célèbre musicien aveugle Fettah Ngadi qui joue le rôle principal. Ils ont écrit ensemble le scénario qui emprunte des éléments à leur vie. Le film nous présente Habiba qui, après la fermeture de l’hôtel où elle résidait à cause du COVID, va vivre chez son professeur de musique. Une romance subtile naît du double confinement provoqué par le virus et la cécité.

On aura l’occasion de visionner dans cette douzième édition de la FIFDA le documentaire Sortir de l’ombre (2020, 79 minutes, Canada, VOF), Prix du public du meilleur film documentaire au festival Cinémas d’Afrique d’Angers (France), de la réalisatrice d’origine togolaise Gentille M. Assih. Ce film est très attendu après les excellents Itchombi (2008) sur le rituel de la circoncision des adultes et Le Rite, la folle et moi (2012) où la réalisatrice se demandait pourquoi son père l’a toujours battue alors qu’il épargnait ses frères et sœurs. Sortir de l’ombre se déroule au Québec où elle réside depuis 2009, et parle de la force de résilience des femmes d’origines africaines au Canada qui libèrent leur parole, après la peur.

Fighting for respect est un documentaire de Joanne Burke (2021, 52 minutes, États-Unis, France, VOF) sur l’histoire des afro-américains en France, combattants pendant la Première Guerre mondiale, puis décorés de la Croix de Guerre de la France, alors qu’ils devaient lutter contre la discrimination aux États Unis. La projection sera suivie d’un débat avec le réalisateur.

 
Mary Lou Williams, the Lady who sings the band réalisé par Carol Bash (2015, 60 minutes, États-Unis, VOSF) est un film sur la pianiste et compositrice qui a contribué à façonner le son de l’Amérique du XXe siècle. On évoque souvent les voix des chanteuses, plus rarement les grandes interprètes féminines. De 6 à 14 ans, elle joue partout dans Pittsburgh. Elle finit par quitter sa mère alcoolique mais sera violée dans le train par le conducteur, ce qui donnera la magnifique composition Night Life, tentative musicale enjouée de conjurer le traumatisme. Elle se marie à 16 ans au saxophoniste John Williams, qui rejoint en 1929 le groupe d’Andy Kirk, que Mary Lou finira aussi par intégrer. C’est alors le seul groupe avec une pianiste féminine, où elle apporte une liberté musicale que l’on retrouve par exemple dans Walkin’ & Singin’. Toujours à improviser, elle écrit aussi des arrangements pour d’autres groupes et finit par quitter Andy Kirk qui ne la payait pas à égalité avec les hommes.

Moto-Taxi (Bendskins) est le premier long-métrage du réalisateur Camerounais Narcisse Wandji (2021, 90 minutes, Cameroun, VOF) qui présente la vie de trois jeunes à Yaoundé : Sani, Marie et Franck. Sani doit affronter Charles, son employeur qui est le père de Samedi, sa copine, qui attend un enfant de lui. Marie, violée il y a cinq ans, essaie de retrouver Tom, son violeur, tandis que Frank doit se débarrasser du corps sans vie d’un enfant de 8 mois. Narcisse Wandji débattra avec le public après la projection. Signalons que le film débute avec une citation du cinéaste Djibril Diop Mambety, dont nous parlerons dans un prochain article de Mondafrique, et de son film Touki-Bouki (les cornes de vache sur une moto).

Loimata : the swatest tears (Loimata, les larmes les plus douces) de la réalisatrice Anna Marbrook (2021, 95 minutes, Nouvelle-Zélande, VOSF) suit les dernières années de vie d’une femme Maori qui construit des Wakas – une pirogue utilisée pour voyager d’île en île. Accompagnée de sa famille, elle voyage à Samoa sur les lieux d’un trauma (un abus sexuel) pour libérer la parole et s’affirmer dans cette société contrariée jadis par la colonisation, aujourd’hui par le consumérisme actuel.

Le FIFDA nous offre également la découverte de trois films d’animation. Les trois vérités de Djilali Beskri (2017, 14 minutes, Bénin, VOF) ; Malika et la sorcière, réalisé par Djilali Beskri (2014, 15 minutes, Burkina-Faso, VOF) ; et Mofiala réalisé par Boris Kpadenou (2020, 26 minutes, Togo, VOSF).

Le FIFDA nous présente plusieurs portraits de femmes fortes qui bousculent les traditions et nous obligent à regarder devant nous, quelque soit les malheurs qui surviennent. Comme le relate bien Olivier Barlet, « L’enjeu des découvertes [dans le FIFDA] est le regard, c’est-à-dire les différentes façons de penser le monde que proposent les différents films. Si l’enjeu est le regard, cela signifie que ces images doivent être des couperets stimulant la conscience contre l’assignation liée à l’origine ou la couleur de peau (le regard des autres), mais aussi des remises en cause de son propre regard sur soi. Ces films sont à voir comme des gestes contribuant à la création du possible dans une joie partagée. »[1]

Ne vous en privez pas !

Renseignements pratiques

Le programme

2022_FIFDA_DOSSIER+DE+PRESSE+FIFDA+2022

Les lieux

CINÉMA CGR PARIS LILAS
Place du Maquis du Vercors
75020 Paris
+33 8 92 68 85 88
M° Porte des Lilas

CINÉMA ST. ANDRÉ DES ARTS
330 Rue Saint-André des Arts
75006 Paris
+33 1 43 26 48 18
M° Saint Michel

NOTE

[1] Olivier Barlet, cité dans le dossier de presse du FIFDA 2022. Voir également son article « FIFDA 2022 : des femmes puissantes » dans Africultures, 13 août 2022: http://africultures.com/fifda-2022-des-femmes-puissantes-15418/.